Exposé CRPE sur la série des vaches de Jean Dubuffet
ARTS ET LOISIRS
+ DE 2 ANS
Le 23/12/2013 à 10h58
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Question d'origine :
Bonjour,
Dans le cadre du concours de recrutement de professeurs des écoles, je vais présenter mon option d'arts visuels sur la série des vaches que Jean Dubuffet a peint en 1954. Auriez-vous des pistes de recherches à me donner sur le sujet ? Merci d'avance et bonne journée
Réponse du Guichet
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- Département : Arts et Loisirs
Le 24/12/2013 à 10h40
La série des Vaches de Dubuffet est ancrée dans l’iconographie dite des « Sols et Terrains », période durant laquelle le peintre de l’art brut travaille des peintures épaisses, en jouant sur les reliefs. Durant cette phase de réflexion et de production artistique, qui l’occupe de 1950 à 1954, Dubuffet s’interroge sur le point de contact entre l’homme et la réalité immédiate qui l’entoure. Une réalité qu’il ne peut ni prévoir, ni anticiper.
Aussi, le travail de Dubuffet et son intérêt hypnotique pour cet animal qu’il a longuement et souvent observé, provenait à la fois d’une réflexion profonde autour de la notion de la perception – perception de l’homme sur le monde qui l'entoure – que d’une pensée métaphysique et spirituelle.
Il veut représenter dans la figure de la vache un être brut, une réalité vierge n’ayant pas connu l’intervention humaine, en soulignant toutefois l’étendue de ses caractéristiques grotesques.
Pour mieux comprendre cette série complexe, nous vous invitons à consulter le Catalogue des travaux de Jean Dubuffet : Vaches, Petites statues de la vie précaire.
Dubuffet y explique que c’est à l’occasion de visites rendues à son épouse, alors installée dans un village d’Auvergne pour des raisons médicales, qu’il est amené à observer pendant de longues heures les prairies et leurs occupantes bovines :
« Je pris un grand plaisir à regarder longuement des vaches comme je l’avais fait autrefois et à les dessiner ensuite de mémoire ou parfois même, mais beaucoup plus exceptionnellement, sur le vif. (…). Je suis toujours pénétré de l’idée que de regarder les objets trop en face et trop longuement est une opération qui a un caractère faux et peu profitable. (…). L’homme voit les choses sans chercher à les voir. Il voit une chose au moment où il en vise une autre, comme obliquement, comme corollairement. Il est très curieux d’observer que des personnes très passionnément éprises de quelque objet, disons, par exemple d’un animal auquel elles portent une grande affection, ne sauraient pas donner des indications précises sur telles ou telles mesures de cet animal ou bien en donneraient d’incroyablement fausses (…). »
« Je dois dire d’abord que la vue de cet animal me procure un inépuisable bien-être à cause du rayonnement de calme et de sérénité qui en émane. (…). Je me suis plu souvent à faire de la vache une espèce de guignol saugrenu et de tous les éléments de la campagne – prairies, arbres et autres - une sorte de théâtre grotesque, de clownerie de cirque… ». (p. 124 – p. 125)
Dans l'ouvrage Dubuffet, Michel Trévoz, conservateur de la collection de l’Art Brut de Lausanne, évoque cette effigie animale, déifiée par le peintre :
« Dubuffet lui confère effectivement une valeur emblématique à peine ironique. Les philosophes se réfèrent volontiers à un principe premier censé générer le monde, tel que l’eau, le feu, l’atome, Dieu, la machine ou le prolétariat. Pourquoi pas la vache ? La tribu Sud-africaine des Nuiras l’a bien investie d’une puissance surnaturelle. L’esprit humain est ainsi fait qu’il ne se développe qu’à partir d’une croyance indéfiniment expansive, créatrice d’une illusion de totalité. Il peut donc y avoir un univers « vacal » comme il y a un univers machiniste. » (p. 80)
Enfin dans le Catalogue de l’exposition Dubuffet, tenue au Centre Pompidou en 2001 à l’occasion du centenaire de la naissance de l’artiste, nous trouvons un extrait de La Vache au pré noir de Jean Dubuffet (1962) dans lequel il exprime l’empathie totale, la correspondance mentale et spirituelle entre l’artiste (lui-même) et l’animal observé :
« La vache, par son regard de transplantée ahurie, par son air prêt à tout et prévoyant le pire, incite, il faut bien le dire, à lui faire voir de toutes les couleurs. C’est sûrement ce qu’elle désire. (…). D’en voir de toutes les couleurs, c’est pour le peintre aussi pareillement ce qu’il souhaite. Entre lui et la bête effarée du pré il y a, vous l’aviez n’est ce pas, bien compris, assimilation. Il y a transport du peintre dans la meuglante batteuse d’oreilles. Vous aviez compris de même qu’à ce sentiment de transplantation, et à l’ahurissement qui en résulte, il y a plein consentement. » (p. 178)
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