Question d'origine :
Bonjour,
D'abord, bravo et merci pour tout votre travail.
J'ai remarqué qu'il y a des mots en français qui sont masculins au singulier et féminins au pluriel: par exemple, délice et amour.
J'aimerai savoir s'il existe une explication à ces exceptions, quels mots sont concernés et s'ils ont un nom particulier.
Merci!
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 14/01/2014 à 09h33
Bonjour,
Le Bon usage de Maurice Grévisse et André Goosse indique qu'il existe trois mots portant le genre masculin au singulier et le genre féminin au pluriel :amour, délice et orgue . Ils ne semblent pas être désignés par un nom particulier.
§468
Le genre des noms inanimés est arbitraire, il n'est pas déterminé par le sens de ces noms :
Le mur, la muraille - Le ruisseau, la rivière, le fleuve - La mer, l'océan.
Le genre des noms inanimés n'a pas non plus de rapport constant avec la forme de ces noms.
Il est donc impossible de donner des règles rigoureuses à ce sujet. Voir cependant les observations du §469.
Le genre des noms inanimés est dû à leur origine et aux diverses influences qu'ils ont subies. Beaucoup de noms ont changé de genre au cours de l'histoire.
Voici donc une présentation et un historique de ces trois mots :
Amour au sens de "passion d'un sexe pour l'autre, passion charnelle" est ordinairement masculin au singulier et souvent féminin au pluriel (le pluriel pouvant être un synonyme emphatique du singulier). [...]
Cependant, on trouve, soit dans une langue littéraire assez recherchée, soit dans l'usage populaire que reflètent d'autres textes littéraires, amour au féminin singulier, tandis que le masculin pluriel appartient à tous les niveaux de langue, même au niveau littéraire. [...]
En dehors de ce sens, amour est presque toujours masculin, au singulier comme au pluriel. [...]
Remarque : Quand les tours "un de", "un des", "le plus beau des", et autres semblables, comportent le pluriel "amours" ("passion"), on met ordinairement au masculin les mots dont "amours" commande l'accord.
Historique :
Amor était masculin en latin.
— Amour avait les deux genres en ancien français, mais le féminin prédominait. Ce genre restait fréquent au XVIIe siècle, même en dehors du sens « passion » : Amour MATERNELLE, par exemple est chez CORNEILLE (Rodog., V, 3) et chez RACINE (Phèdre. V, 5).
— Pour Vaugelas (pp. 389-390), le mot était masculin quand il signifiait « Cupidon » et quand il était dit de l'amour de Dieu ; en dehors de ces deux cas, amour était indifféremment du masculin ou du féminin (mais ce dernier était jugé préférable).
— Chez CORNEILLE, amour est féminin même lorsqu'il s'agit de l'amour des hommes pour Dieu (Pol., II, 6) ou de l'amour de Dieu pour les hommes (ib., V, 3).
—La différence de genre d'après le nombre, que les grammairiens ont voulu établir au XVIe et au XVIIe siècle, n'a jamais été appliquée rigoureusement dans l'usage. Notons seulement ces exemples du masculin pluriel au XVIIIe siècle : Et mes PREMIERS amours et mes premiers serments (VOLT., Œdipe, II, 2). — Les plus CHARMANTS amours (MARIV., Père prudent et équitable, I, 1). — Des amours de voyage ne sont pas FAITS pour durer (J.-J. ROUSS., Conf.. PI., p. 254). — Je n'ai que des amours plus ou moins INTÉRESSANTS à vous conter, et point d'INTÉRESSÉS (prince de LIGNE, Contes immoraux, V). Etc.
Délice est masculin au singulier et féminin au pluriel. [...]
Historique :
— Jusqu'au XVIe siècle, "délice" avait les deux genres, quel que soit le nombre, mais le masculin semble avoir été plus fréquent, même au pluriel. Les grammairiens (Vaugelas, lui, p. 249, rejetait le singulier) ont réglé l'usage du français d'après le latin, où l'on avait un nom féminin pluriel "deliciae", et un nom neutre singulier "delicium".
L'usage a hésité longtemps : TOUS les délices (MARIV., Journaux et œuvres div.. p. 18). — UNE délice (MAINTENON, Lettres. 18 avril 1701). — SA DERNIÈRE délice (CHAT., Mém., II, l, 6).
— Même au XXe s., on trouve parfois "délices" au masculin : D'EFFRAYANTS délices (CAILLOIS, Chroniques de Babel, p. 44). — Autres exemples (où ce n'est pas phonétique) : BARRÉS, Dérac.. p. 56 ; ESTAUNIÉ, Tels qu'ils furent, p. 309 ; J. BURGOS, Pour une poétique de l'imaginaire, p. 206.
— Le féminin singulier est plus rare : LA délice en sera MEILLEURE (L. WOUTERS, Tous les chemins mènent à la mer, p. 117).
Orgue est masculin au singulier. Il est féminin au pluriel quand il désigne un seul instrument (pluriel emphatique : § 506, b ), mais il reste masculin quand il s'agit d'un véritable pluriel. [...]
Historique :
- Orgue avait les deux genres au Moyen Âge, avec prédominance du féminin. Le masculin s'est imposé (du moins au singulier) parce que le mot latin "organum" était neutre. Au XVIIIe siècle, on trouvait encore le féminin au singulier : Aussi fait-elle autant de bruit qu'UNE orgue de paroisse (MARIV., Journaux et oeuvres diverses, p. 284). Et même au XIXe siècle : UNE orgue de barbarie (J. DROUET, lettre à Hugo, 18 décembre 1839) .
Le Bon usage de Maurice Grévisse et André Goosse indique qu'il existe trois mots portant le genre masculin au singulier et le genre féminin au pluriel :
§468
Le genre des noms inanimés est arbitraire, il n'est pas déterminé par le sens de ces noms :
Le mur, la muraille - Le ruisseau, la rivière, le fleuve - La mer, l'océan.
Le genre des noms inanimés n'a pas non plus de rapport constant avec la forme de ces noms.
Il est donc impossible de donner des règles rigoureuses à ce sujet. Voir cependant les observations du §469.
Voici donc une présentation et un historique de ces trois mots :
Cependant, on trouve, soit dans une langue littéraire assez recherchée, soit dans l'usage populaire que reflètent d'autres textes littéraires, amour au féminin singulier, tandis que le masculin pluriel appartient à tous les niveaux de langue, même au niveau littéraire. [...]
En dehors de ce sens, amour est presque toujours masculin, au singulier comme au pluriel. [...]
Remarque : Quand les tours "un de", "un des", "le plus beau des", et autres semblables, comportent le pluriel "amours" ("passion"), on met ordinairement au masculin les mots dont "amours" commande l'accord.
Amor était masculin en latin.
— Amour avait les deux genres en ancien français, mais le féminin prédominait. Ce genre restait fréquent au XVIIe siècle, même en dehors du sens « passion » : Amour MATERNELLE, par exemple est chez CORNEILLE (Rodog., V, 3) et chez RACINE (Phèdre. V, 5).
— Pour Vaugelas (pp. 389-390), le mot était masculin quand il signifiait « Cupidon » et quand il était dit de l'amour de Dieu ; en dehors de ces deux cas, amour était indifféremment du masculin ou du féminin (mais ce dernier était jugé préférable).
— Chez CORNEILLE, amour est féminin même lorsqu'il s'agit de l'amour des hommes pour Dieu (Pol., II, 6) ou de l'amour de Dieu pour les hommes (ib., V, 3).
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— Jusqu'au XVIe siècle, "délice" avait les deux genres, quel que soit le nombre, mais le masculin semble avoir été plus fréquent, même au pluriel. Les grammairiens (Vaugelas, lui, p. 249, rejetait le singulier) ont réglé l'usage du français d'après le latin, où l'on avait un nom féminin pluriel "deliciae", et un nom neutre singulier "delicium".
L'usage a hésité longtemps : TOUS les délices (MARIV., Journaux et œuvres div.. p. 18). — UNE délice (MAINTENON, Lettres. 18 avril 1701). — SA DERNIÈRE délice (CHAT., Mém., II, l, 6).
— Même au XXe s., on trouve parfois "délices" au masculin : D'EFFRAYANTS délices (CAILLOIS, Chroniques de Babel, p. 44). — Autres exemples (où ce n'est pas phonétique) : BARRÉS, Dérac.. p. 56 ; ESTAUNIÉ, Tels qu'ils furent, p. 309 ; J. BURGOS, Pour une poétique de l'imaginaire, p. 206.
— Le féminin singulier est plus rare : LA délice en sera MEILLEURE (L. WOUTERS, Tous les chemins mènent à la mer, p. 117).
- Orgue avait les deux genres au Moyen Âge, avec prédominance du féminin. Le masculin s'est imposé (du moins au singulier) parce que le mot latin "organum" était neutre. Au XVIIIe siècle, on trouvait encore le féminin au singulier : Aussi fait-elle autant de bruit qu'UNE orgue de paroisse (MARIV., Journaux et oeuvres diverses, p. 284). Et même au XIXe siècle : UNE orgue de barbarie (J. DROUET, lettre à Hugo, 18 décembre 1839) .
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