Musée des Confluences : coût réel de l'édifice
LYON, MÉTROPOLE ET RÉGION
+ DE 2 ANS
Le 10/10/2014 à 15h32
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Question d'origine :
Bonjour,
Nous sommes lycéens et nous travaillons dans le cadre d'un TPE.
Nous aurions besoin de cette information : quel est le coût réel de l'édifice du musée des confluences de Lyon aujourd'hui, soit la somme totale déboursée pour sa construction ?
Nous nous posons la question car nous avons trouvé plusieurs chiffres : le chiffre officiel donné par la Présidente du Conseil Général, 239 millions d'euros; le chiffre du peuple, plus de 400 millions; tandis que différents journaux qui donnent des chiffres tournant autour de 300/ 350 millions... Et nous ne savons pas à qui nous fier.
Serait-il possible de connaître la source de votre réponse ?
D'avance, merci.
Cordialement,
Guillaume L. et Jarod B.
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 14/10/2014 à 09h50
Bonjour,
Attention, le travail de recherche du Guichet du savoir n’a rien à voir avec une enquête de journaliste : c’est moins la vérité que visent nos réponses qu’un panorama des connaissances publiées sur un sujet ; si une erreur est communément admise, notre réponse s’en fera humblement l’écho.
Or, vous nous demandez de trancher parmi les informations que vous avez vous-même relevées dans la presse, alors que, empruntes de toutes leurs contradictions, ce sont précisément les éléments que nous aurions pu vous fournir en guise de réponse : plusieurs interprétations, parfois très différentes, émanant d’interlocuteurs variés (presse, politiques, etc.) réunies sous un même énoncé :
Un premier problème se pose : comment faut-il entendre l’énoncé en question ? S’agit-il des montants engagés par le maître d’ouvrage depuis le début du projet ? Du coût brut du bâtiment actuel, qui ne tiendrait compte entre autres ni du prix du terrain, ni de la rémunération de l’architecte, ni de celle de la SERL, l’assistant à maitrise d’ouvrage engagé par le conseil général ?
Cette polysémie n’est pratiquement jamais adressée dans les articles de presse que nous avons consultés pour tenter de répondre à votre question.
Dans certains cas, qui concernent en général des articles dont la visée est plutôt technique, la nature du coût est précisée :
Groupement gros oeuvre-enveloppe-abords : Vinci Construction France (mandataire), GTM Bâtiment Génie civil Lyon, Permasteelisa France, Smac. Surface : 22 000 m2 utiles. Coût du lot : 107 millions d'euros HT. [Coût des travaux pour le lot gros oeuvre, enveloppe et abords – cf. Le Moniteur (site web) Actualité, jeudi 18 juillet 2013]
in Le Moniteur des Travaux Publics et du Bâtiment, no. 5711, Vendredi 10 mai 2013, p. 8
Mais quand cela arrive, l’information est très parcellaire : elle ne concerne qu’un aspect, formellement chiffrable, du projet. C’est normal puisque le montant d’un projet de cette envergure ne se règle pas par un chèque global, comme on achèterait une paire de chaussures, mais qu’il fait intervenir le coût de tout un ensemble de prestataires, de matières premières, de dépenses annexes...
Deuxième problème : la source des chiffres annoncés dans la presse n’est presque jamais identifiée.
Ce Musée, qui devait initialement coûter 61 millions lorsque son budget a été voté en 2000, s'envole désormais à plus de 300 millions d'euros. Auxquels s'ajouteront entre 13 et 30 millions d'euros de coût de fonctionnement annuel selon les prévisions.
Le Progrès (Lyon) Supp. Eco - ActuEnquête, mardi 26 février 2013, p. Supp. Eco3
C’est parfois frustrant quand un chiffre avancé est suffisamment précis pour nous laisser imaginer qu’il n’est pas donné à la louche, que forcément, il vient bien de quelque part.
A Lyon, le musée des Confluences est toujours en chantier et devrait ouvrir fin 2014, treize ans après la désignation de ses architectes, les Autrichiens de Coop Himmelblau. Entre-temps maîtres d’œuvre et entreprises se sont succédé, terrassés par la complexité de l'ouvrage. Estimé à 60 millions d'euros, il en coûtera probablement six fois plus, le compteur serait pour l'instant arrêté à 364.
Les Echos, no. 21609, Enquête, mardi 21 janvier 2014, p. 11
Ce qui restait cependant le plus flou était le budget. Confié au Canadien Michel Côté, qui jettera l'éponge en 2008, le musée en préfiguration devait au départ coûter 60 millions d'euros et ouvrir en 2008. De problèmes techniques posé par les plans des Viennois en malfaçons bien françaises, il est devenu évident que les délais ne pourraient se voir tenus. On a parlé alors de 2013. Pendant ce temps, le budget enflait. Il passait à 175, puis à 267 millions. La même année que Côté, en 2008, l'entreprise Bec frères rendait les plaques, après une prise de bec sans doute. Et le chantier s'arrêtait.
Il a fini par repartir, le groupe Vinci acceptant du bout des lèvres en 2010 de reprendre une affaire mal emmanchée. Hélène Lafont-Couturier, une Française, reprenait le pilotage intellectuel. Tout n'est pas rentré dans l'ordre pour autant. Des langues pas forcément malveillantes parlaient de "dysfonctionnement majeurs et pérennes dans l'exécution de l'ouvrage" en avril 2013. Un peu plus tard, FR3 Rhône-Alpes diffusait son enquête. Selon la chaîne TV, le coût final d'un musée dont l'inauguration est maintenant prévue fin 2014 serait "au minimum de 300 millions d'euros". Le chiffre de 350 millions semble "plus vraisemblable".
A 200 millions, Lyon disait pouvoir compter sur 500.000 visiteurs par an pour une rentabilité sinon financière, du moins morale. Une belle illusion! Inauguré en 2010, Pompidou-Metz, qui n'a coûté que 65 millions, est déjà entré dans les chiffres rouges en dépit d'un battage médiatique énorme et d'une architecture aussi prétentieuse que malcommode de Shigeru Ban. Faites les comptes, en vous disant que la fréquentation a bel et bien été en Lorraine de 500.000 personnes par an!
Etienne Dumont, Les experts, 29 novembre 2013
Parfois même, on devine, au sein d’une même rédaction, une inconsistance dans le recours aux sources ; par exemple, ces deux articles publiés à quelques jours d’intervalle dans un même journal avancent des montants sensiblement différents :
Fixé à 60 millions d'euros en 2000, le budget du musée des Confluences a été multiplié par près de cinq en dix ans, pour atteindre, au gré des problèmes de construction et d'assurances, 313 millions d'euros !
Le Figaro, no. 21527, Le Figaro et vous, lundi 21 octobre 2013, p. 39
Ce futur « Palais des sciences et de la culture » énerve en effet beaucoup de contribuables lyonnais, ne serait-ce qu'en raison du quadruplement de son coût de construction, passé de 61 millions d'euros en 2000, au moment du vote du projet, à près de 270 millions de nos jours... sachant que la facture peut encore déraper, puisqu'il n'est toujours pas livré ni inauguré.
Le Figaro.fr, lefigaro.fr, mercredi 2 octobre 2013
Si quelquefois heureusement la presse cite bien les sources du chiffre avancé pour le montant des travaux, elle ne le questionne pas, se contentant d’en laisser la responsabilité aux sources citées.
Le Progrès : Quel va être son coût final ?
Danielle Chuzeville (Présidente du conseil général): 239M hors taxe pour le bâtiment, puisque la TVA est récupérée par la collectivité. Du fait du décalage de ces remboursements par l'État, c'est d'ailleurs la Métropole qui bénéficiera des reversements de TVA l'an prochain, au titre des travaux effectués par le Département cette année.
Le Progrès (Lyon), Lyon et sa région, jeudi 11 septembre 2014, p. 9
Quant au coût de la construction, si Thierry Philip a parlé de 300 millions d'euros, Jean-Jacques Pignard a confié au Progrès, à l'issue de la séance, que le chiffre était de « 230 millions ». Jusque-là, le Département parlait d'un coût de 180 millions d'euros, soit déjà trois fois le coût initial.
Le Progrès (Lyon), L'Ain et ses pays, samedi 1 décembre 2012, p. 14
Un travail d’enquête rigoureux consisterait donc à identifier puis déterminer le coût de chaque poste de dépense du projet, soit en s’adressant au maître d’ouvrage, soit en cumulant les montants perçus par les différents intervenants sur le projet. Cette seconde solution se dispense de la définition de l’énoncé « coût du musée », puisqu’elle prend la forme d’une facture détaillée où chaque dépense est clairement identifiée. La première, dont le mérite est de simplifier l’enquête, exige en revanche de s’assurer auprès du maître d’ouvrage de ce que recouvre précisément le montant annoncé. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé d’enquête de ce type dans les documents à notre disposition. En revanche, Les Potins d’Angèle, dans son numéro du 4 septembre 2014, évoque une enquête réalisée par l’association Canol sous la forme d’un «document de quelque 25 pages qui explique en partie la dérive financière de ce projet » (peut-être pourriez vous leur adresser votre question par l’intermédiaire de leur site). Pour vous donner une idée, voilà ce que les enquêteur de Canol reproche au chiffre avancé par le conseil général, d’après un article de Lyon Capitale sur le fiasco du musée des confluences paru le mois dernier (l’article a le mérite d’évoquer un certains nombres de postes de dépenses périphériques comme la construction d’un mur de soutènement pour l’A7 qui passe à proximité ; il évoque quant à lui une facture de plus de 350 millions) :
"dans le budget primitif 2014 du Département du Rhône, la seule ligne correspondant au code AP 288, intitulée « Musée des Confluences – bâtiment », fait état d’un total de 286 737 079,01 €, soit déjà 47 millions d’euros de plus que le chiffre que vous avez mentionné."
Ils ajoutent que ce chiffre ne prend pas en compte "l'acquisition du terrain", "l'accès voirie au musée", "le management de la construction", "l'aménagement de la rue d'Anvers", "l'assistance de maîtrise d'ouvrage", "la sécurité et le gardiennage", "la construction du boulodrome" qui a dû être déplacé à Dardilly pour laisser la place au musée, "le coût de l'aménagement interne"… Autant de postes dont ils demandent le chiffrage pour avoir le prix final d'un musée qui doit être inauguré le 19 décembre.
N’ayant eu accès à cette enquête, nous en sommes quant à nous réduits comme vous a des conjectures. Par exemple, le conseil général qui, en tant que maître d’ouvrage, est le mieux placé pour répondre avec précision à votre question, a aussi intérêt à minimiser le coût d’un projet qui aurait dépassé de trois à quatre fois son coup initial. On peut donc considérer les 239 millions annoncés comme une « limite basse » du montant réel du projet. Attention, nous n’insinuons pas que le chiffre soit faux, simplement qu’on ignore ce qu’il recouvre.
Dans un point d’actu consacré au futur musée, on lit par exemple à propos de l’interruption des travaux en 2010 :
La construction du musée, dont le coût global devrait dépasser 200 millions d’euros, dont 61 millions d’euros TTC déjà investis, reprendrait à l’été 2010.
Ou encore :
Il aura fallu attendre 2010 pour que Vinci, au terme de plusieurs appels d'offres infructueux, remporte la mise et s'attelle à la bête, non sans mal. Résultat : une explosion du budget initial, passé de 61 millions d'euros en 2001 à près de 180 millions aujourd'hui. Lesquels s'ajoutent aux 85 millions déjà dépensés...
Le Point, no. 2092, Villes, jeudi 18 octobre 2012, p. 195
Le coût annoncé par le conseil général prend-il en compte lui aussi les soixante à quatre-vingt cinq millions dépensés plus ou moins inutilement avant la reprise du projet par Vinci, ou se réfère-t-il au seul coût du bâtiment ? – 60 millions supplémentaire qui feraient grimper le coût total aux environs de 300 millions, montant généralement admis par la presse.
On voit bien qu’il n’est pas très difficile de faire varier sensiblement un chiffre quand on ne définit pas précisément ce qu’il recouvre...
Dans Les Potins d’Angèle du 17 juillet 2014, on lit, à propos des chiffres avancés par le département :
60 millions! 162 millions! 239 millions! Plus de 300 millions! Qui dit mieux?
Avec le Musée des Confluences, à tous les coups on perd. Depuis le lancement du projet en 2000 (le coût annoncé était alors légèrement supérieur à 60 millions d’euros), la note a été multipliée par un peu plus de cinq. Et ce n'est peut-être malheureusement pas fini. Du côté du conseil général, on continue à chiffrer à 239 millions d’euros hors taxes (soit 286 millions TTC) le montant de la facture qu’auront payée au final les contribuables. Chacun le sait, le chiffre de Michel Mercier et Danielle Chuzeville est nettement sous-évalué pour ne pas dire mensonger. Il ne tient notamment pas compte de divers coûts annexes, à commencer par le prix d'achat du terrain.
Sur le sujet, il serait pour le moins aventureux de leur faire confiance. Depuis le départ, Mercier avance des chiffres fantaisistes dont on constate rapidement qu'ils sont très éloignés de la réalité. Le 27 mars 2009 il affirmait ainsi sans rire au Figaro que le coût n'atteindrait « que » 162 millions d'euros (et non 200 millions).
Ben voyons !
Vous avez raison d’insister sur l’importance des sources dans votre question, mais il n’est pas moins important de s’interroger sur la nature des chiffres communiqués. On peut faire raconter n’importe quoi à un simple chiffre
Pour finir quelques autres articles où sont évoqués les coûts variés attribués à la construction du musée, retrouvés par l’intermédiaire de la base Europresse que vous pouvez consulter dans les bibliothèques de Lyon.
Fin décembre 2014: le Musée des confluences à Lyon. Le vaisseau futuriste au design déstructuré du cabinet autrichien Coop Himmelblau a vu quadrupler son coût: 239 millions d'euros HT, financés par le conseil général.
La Croix, no. 39966, Dossier, samedi 23 août 2014, p. 2-3
230 Millions d'euros
C'est le coût de construction du Musée des Confluences, annoncé par Jean-Jacques Pignard, vice-président du Conseil général du Rhône. Jusque-là, le Département parlait d'un coût de 180 millions d'euros, soit déjà trois fois le coût initial. Thierry Philip, pour le parti socialiste n'hésite pas lui à annoncer la somme de 300 millions d'euros.
La bataille des chiffres fait aussi rage en ce qui concerne le coût de fonctionnement du futur équipement. Jean-Jacques Pignard évoque une fourchette « de 16 à 18 millions par an en 2015 », alors que chez les socialistes on parle de 20 à 21 millions. Seul point d'accord sur les chiffres de ce dossier entre gauche et droite à l'assemblée départementale : le coût de fonctionnement n'atteindra pas les 30 millions par an comme le prédisent les experts.
Lyon Plus, Lyon Plus - Grand Lyon, lundi 3 décembre 2012, p. Lyon Plus3
Quant au coût de la construction, si Thierry Philip a parlé de 300 millions d'euros, Jean-Jacques Pignard a confié au Progrès, à l'issue de la séance, que le chiffre était de « 230 millions ». Jusque-là, le Département parlait d'un coût de 180 millions d'euros, soit déjà trois fois le coût initial.
« Quels sont les grands projets qui ont eu au final le coût annoncé au départ ? » s'est défendu Michel Mercier. « Il n'y en a aucun. N'oublions pas que nous n'avons pas emprunté un seul centime pour la construction de ce musée. Nous dépensons actuellement 39 millions d'euros par an pour lui : 9 millions pour le fonctionnement du musée Guimet, 30 millions pour la construction. On va donc libérer de 18 à 23 millions par an quand il sera construit ».
Le président du Département a également annoncé que « le maire de Lyon sera membre du conseil du musée ». Une annonce qui pourrait bien précéder celle de l'aide de la collectivité lyonnaise pour financer le fonctionnement de ce musée des Confluences.
Le Progrès (Lyon), L'Ain et ses pays, samedi 1 décembre 2012, p. 14
Le nouveau musée lyonnais va naître à l'endroit précis où la Saône se jette dans le Rhône. Un vaisseau superbe, mais ruineux.
S'il existait un césar de la gabegie, le musée des Confluences, à Lyon (Rhône), figurerait à coup sûr sur la liste des nommés. Son coût, estimé à 61 millions à l'origine, s'est envolé au fil des ans, pour atteindre... 239 millions, soit plus 292 % ! Le projet a certes évolué entre-temps et "la complexité de l'ouvrage s'est révélée plus redoutable que prévu", comme le soulignent ses responsables, mais enfin : à ce degré, même la Grèce commence à passer pour un modèle de rigueur...
Et pourtant, quel beau projet ! Architecturalement, l'édifice, à la fois déstructuré et empreint d'une certaine douceur, devrait emporter l'adhésion. Et, géographiquement, le site est véritablement exceptionnel. C'est en ce point précis que le Rhône rejoint la Saône ; un confluent qui, de toute éternité, a forgé le destin et la fortune de Lyon.
La thématique du musée se veut à mi-chemin du musée du Quai Branly et de la Cité des sciences et de l'industrie, une manière de "cabinet de curiosités contemporain", selon la belle expression de sa directrice, Hélène Lafont-Couturier. Arts africain et aborigène, microscopes du xviie siècle, anciennes collections du musée Guimet... Sans oublier le camarasaurus acquis pour l'occasion : un dinosaure herbivore haut de 4,5 mètres et long de 14 mètres. Une alliance qui, espère-t-on, devrait permettre de séduire environ 500 000 visiteurs chaque année - un niveau comparable à celui du Centre Pompidou-Metz. Un succès qui, même s'il se confirmait, n'empêcherait pas de débourser chaque année quelque 15 millions d'euros (net) en frais de fonctionnement...
Après d'innombrables reports, l'ouverture, prévue à l'origine pour 2007, est finalement promise pour l'année prochaine. Anecdote : ce n'est plus le conseil général, initiateur de ce projet, qui sera à terme propriétaire du musée, mais la future métropole de Lyon. Michel Mercier, patron (centriste) du département, a en effet profité de la négociation entre les deux collectivités pour refiler son coûteux bébé à son voisin et rival Gérard Collomb, président (PS) du Grand Lyon. On a connu dot moins ruineuse. On en a aussi connu de moins séduisante.
L'Express, no. 3235, En couverture Grands projets, mercredi 3 juillet 2013, p. 41
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