Question d'origine :
Bonjour,
Je suis à la recherche de livres-témoignages parlant du retour des camps de concentration en 1945, de la difficulté de revenir, réapprendre à vivre, ne pas pouvoir parler parce que les gens ne voulaient pas entendre etc...
Noms d'auteur? Titres de livres?
Merci de votre attention et de votre réponse!
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 24/10/2014 à 15h15
Bonjour,
La littérature de la Shoah commence, avant même l'anéantissement dans les camps de concentration et d'extermination, dans les ghettos où sont entassés les Juifs de toute l'Europe allemande :
« Tout le monde écrivait » dans les ghettos, note l'historien Ringelblum. Ce dernier crée d'ailleurs l’Oyneg Shabbos, organisation clandestine, suscitant et recueillant les archives du ghetto de Varsovie, un ensemble de témoignages, d'œuvres littéraires et d'analyses sur les conditions de vie, d'alimentation et de création.
Après la guerre, la Shoah est devenu un objet littéraire et philosophique de premier plan. Les textes de la Shoah se heurtent à la difficulté de raconter un événement sans précédent, avec des actes parfois tellement horribles qu'ils instillent chez les auteurs la peur de ne pas trouver les mots pour décrire et faire comprendre leur vraie nature. Mais les survivants ressentent l'impératif de dire ce qui s'est passé, de témoigner, de garder vivante la mémoire des disparus. En fait, la diversité de la production littéraire, du témoignage à l'essai philosophique et à la poésie a permis de rendre palpable l'horreur de la Shoah, la souffrance et le désespoir des victimes. De Primo Levi qui narre le plus sobrement possible son combat quotidien pour survivre dans un camp de travail d'Auschwitz, au lyrisme désespéré de Katzenelson, le lecteur peut appréhender une part du vécu et des sentiments des victimes et des témoins de la Shoah. Depuis 1945, témoignages, romans, poèmes, essais continuent à être publiés rencontrant des succès divers auprès du public…
Les témoignages ont été très nombreux dans l'immédiat après-guerre et dans les années 1970-2000. Après guerre, les rescapés pensaient qu'ils avaient le devoir impérieux d'exposer l'inouï à la face du monde. Primo Levi et Robert Antelme, déporté politique, sont les deux auteurs les plus connus. La précision de leur témoignage atteint une grande profondeur philosophique comme le montre cet extrait :
« Nous sommes complètement épuisés, incapables même de courir […] La colonne marche dans l’ordre, puis le Blockführer SS qui se trouvait en tête descend vers le milieu de la colonne. Il s’arrête sur le bord de la route, les jambes écartées, et regarde la colonne passer. Il observe. Il cherche. « Du, komm hier ! » C’est un autre Italien qui sort. Sa figure est devenue rose. J’ai encore ce rose dans les yeux. Personne ne le tient au corps […] il attend Fritz, il va se donner à Fritz. La « pêche » continue […] On croirait qu’on est de connivence avec eux […] On a vu la mort sur l'Italien. Il est devenu rose après que le SS lui a dit « Du, komm hier ! » Le SS qui cherchait un homme, n’importe lequel, pour faire mourir, l’avait « trouvé », lui […] On ne parle pas. Chacun essaie d’être prêt. Chacun a peur pour soi […] Prêt à mourir, je crois qu’on l’est, prêt à être désigné au hasard pour mourir, non. Si ça vient sur moi, je serai surpris et ma figure deviendra rose comme celle de l’Italien. »
Les deux hommes ont ressenti cruellement la difficulté d'être entendus et crus dans leurs efforts de reconstituer la réalité et établir pour l'Histoire la matérialité des faits. La France de l'après-guerre immédiat est un pays traumatisé par la défaite et l'occupation. Elle a envie de tourner la page. De même, l'Italie panse les plaies des années de fascisme. De ce fait, les premiers témoignages peinent à trouver un éditeur et des lecteurs. La première édition de Si c'est un homme, de Primo Levi (réédité en Pocket), n'excède pas 2 500 exemplaires, en 19476. Sur la difficulté de se faire comprendre David Rousset écrit : « Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible. Même si les témoignages forcent leur intelligence à admettre, les muscles ne suivent pas. [...] La mort habitait parmi les concentrationnaires toutes les heures de leur existence. Elle leur a montré tous ses visages. Ils ont touché tous ses dépouillements [...] Ils ont cheminé des années durant dans le fantastique décor de toutes les dignités ruinées. Ils sont séparés des autres par une expérience impossible à transmettre. »
Les œuvres des témoins ont toute en commun une économie de moyen au service d'une écriture réaliste. Ces écrits sont influencés par les bouleversements de la littérature du XXe siècle. L'écriture de David Rousset rappelle celle du roman objectif américain. Beaucoup de textes ont été réécrits entre la première édition et la première réédition. C'est le cas de Si c’est un homme de Primo Levi. Entre la version écrite en 1946 et publiée en 1947, et la seconde, la standard, écrite entre 1955 et 1956 mais publiée en 1958, il existe des différences notables. De plus, un retour à la rationalité caractérise cette littérature.
Source : Littérature de la shoah
Voici des listes non exhaustives et classées par ordre alphabétique d’auteurs de :
récits de rescapés de la shoah
essais sur la shoah
Dans nos rayons, bon nombre de témoignages sur la shoah à la cote :
940.547 TEM
Pour aller plus loin :
Dictionnaire critique de la littérature des camps de concentration
Deux cents auteurs sont présentés dans l'ordre alphabétique (de T.W. Adorno à O. Wormser-Migot, en passant par R. Antelme, I. Kertesz, P. Levi), témoins et survivants de l'univers concentrationnaire nazi (1933-1945). Le dictionnaire privilégie donc les oeuvres nées de l'expérience directe des camps, même si cela ne constitue pas un critère exclusif.
Témoignage en résistance
Bibliogr. p. 393-414. Index
On a souvent répété que l'expérience concentrationnaire était indicible. Et pourtant de très nombreux textes, œuvres ou films s'efforcent d'en témoigner en cherchant le langage et les images capables d'approcher ce qui est au-delà de l'imaginable. A partir d'un vaste corpus littéraire et cinématographique, Philippe Mesnard étudie les différentes formes d'expression mobilisées par les témoins, écrivains et artistes.
L’expérience concentrationnaire est-elle indicible ?
Etude comparative d'oeuvres d'Alexandre Soljénitsyne, Varlam Chalamov, Primo Levi, Robert Antelme, Imre Kertesz et d'autres. Cet essai tente de penser l'expérience concentrationnaire comme un état de conscience très particulier où l'homme accède pourtant aux fondements de l'être. Cette étude s'attache à cerner la part de l'indicible dans cette situation extrême.
Un dossier du magazine littéraire
Écrire après Auschwitz. Le 27 janvier 1945, Auschwitz, le principal camp d'extermination nazi, était définitivement libéré. Sur les ruines d'un temps barbare, une littérature allait naître, non sans hésitations et angoisses. Écrivains, philosophes, poètes témoignent tous avec une voix singulière de l'expérience concentrationnaire sous le nazisme. Expérience de déshumanisation distincte du Goulag et autres camps de servitude puisqu'elle culmine en une entreprise d'anéantissement unique dans l'Histoire : le génocide contre les Juifs, la Shoah. Comment écrire et penser après Auschwitz ? Entre le silence et la nécessité de raconter, de Primo Levi à Imre Kertész, du récit au roman, les visages d'une littérature en lutte avec l'indicible.
Les camps et la littérature
Partant de la conviction que la littérature d'après 1945 ne pouvait être qu'une littérature d'après les camps, il s'agit pour les auteurs de relire Robert Antelme, David Rousset, Jean Cayrol, Primo Levi, Jean Améry, Jorge Semprun, Varlam Chalamov, etc., dans cette perspective. Cette édition comporte des textes complémentaires qui prennent en compte l'émergence récente de nouveaux auteurs.
Ecrire après Auschwitz
Etudie la façon dont certains écrivains revenus des camps de concentration ont mis en mots leur expérience. Analyse les oeuvres de Paul Celan, Primo Levi, Robert Antelme, Jean Cayrol, Jorge Semprun ainsi que certains textes de Micheline Maurel, Soazig Aaron et Imre Kertesz.
La littérature de la Shoah commence, avant même l'anéantissement dans les camps de concentration et d'extermination, dans les ghettos où sont entassés les Juifs de toute l'Europe allemande :
« Tout le monde écrivait » dans les ghettos, note l'historien Ringelblum. Ce dernier crée d'ailleurs l’Oyneg Shabbos, organisation clandestine, suscitant et recueillant les archives du ghetto de Varsovie, un ensemble de témoignages, d'œuvres littéraires et d'analyses sur les conditions de vie, d'alimentation et de création.
Après la guerre, la Shoah est devenu un objet littéraire et philosophique de premier plan. Les textes de la Shoah se heurtent à la difficulté de raconter un événement sans précédent, avec des actes parfois tellement horribles qu'ils instillent chez les auteurs la peur de ne pas trouver les mots pour décrire et faire comprendre leur vraie nature. Mais les survivants ressentent l'impératif de dire ce qui s'est passé, de témoigner, de garder vivante la mémoire des disparus. En fait, la diversité de la production littéraire, du témoignage à l'essai philosophique et à la poésie a permis de rendre palpable l'horreur de la Shoah, la souffrance et le désespoir des victimes. De Primo Levi qui narre le plus sobrement possible son combat quotidien pour survivre dans un camp de travail d'Auschwitz, au lyrisme désespéré de Katzenelson, le lecteur peut appréhender une part du vécu et des sentiments des victimes et des témoins de la Shoah. Depuis 1945, témoignages, romans, poèmes, essais continuent à être publiés rencontrant des succès divers auprès du public…
Les témoignages ont été très nombreux dans l'immédiat après-guerre et dans les années 1970-2000. Après guerre, les rescapés pensaient qu'ils avaient le devoir impérieux d'exposer l'inouï à la face du monde. Primo Levi et Robert Antelme, déporté politique, sont les deux auteurs les plus connus. La précision de leur témoignage atteint une grande profondeur philosophique comme le montre cet extrait :
« Nous sommes complètement épuisés, incapables même de courir […] La colonne marche dans l’ordre, puis le Blockführer SS qui se trouvait en tête descend vers le milieu de la colonne. Il s’arrête sur le bord de la route, les jambes écartées, et regarde la colonne passer. Il observe. Il cherche. « Du, komm hier ! » C’est un autre Italien qui sort. Sa figure est devenue rose. J’ai encore ce rose dans les yeux. Personne ne le tient au corps […] il attend Fritz, il va se donner à Fritz. La « pêche » continue […] On croirait qu’on est de connivence avec eux […] On a vu la mort sur l'Italien. Il est devenu rose après que le SS lui a dit « Du, komm hier ! » Le SS qui cherchait un homme, n’importe lequel, pour faire mourir, l’avait « trouvé », lui […] On ne parle pas. Chacun essaie d’être prêt. Chacun a peur pour soi […] Prêt à mourir, je crois qu’on l’est, prêt à être désigné au hasard pour mourir, non. Si ça vient sur moi, je serai surpris et ma figure deviendra rose comme celle de l’Italien. »
Les deux hommes ont ressenti cruellement la difficulté d'être entendus et crus dans leurs efforts de reconstituer la réalité et établir pour l'Histoire la matérialité des faits. La France de l'après-guerre immédiat est un pays traumatisé par la défaite et l'occupation. Elle a envie de tourner la page. De même, l'Italie panse les plaies des années de fascisme. De ce fait, les premiers témoignages peinent à trouver un éditeur et des lecteurs. La première édition de Si c'est un homme, de Primo Levi (réédité en Pocket), n'excède pas 2 500 exemplaires, en 19476. Sur la difficulté de se faire comprendre David Rousset écrit : « Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible. Même si les témoignages forcent leur intelligence à admettre, les muscles ne suivent pas. [...] La mort habitait parmi les concentrationnaires toutes les heures de leur existence. Elle leur a montré tous ses visages. Ils ont touché tous ses dépouillements [...] Ils ont cheminé des années durant dans le fantastique décor de toutes les dignités ruinées. Ils sont séparés des autres par une expérience impossible à transmettre. »
Les œuvres des témoins ont toute en commun une économie de moyen au service d'une écriture réaliste. Ces écrits sont influencés par les bouleversements de la littérature du XXe siècle. L'écriture de David Rousset rappelle celle du roman objectif américain. Beaucoup de textes ont été réécrits entre la première édition et la première réédition. C'est le cas de Si c’est un homme de Primo Levi. Entre la version écrite en 1946 et publiée en 1947, et la seconde, la standard, écrite entre 1955 et 1956 mais publiée en 1958, il existe des différences notables. De plus, un retour à la rationalité caractérise cette littérature.
Source : Littérature de la shoah
Voici des listes non exhaustives et classées par ordre alphabétique d’auteurs de :
récits de rescapés de la shoah
essais sur la shoah
Dans nos rayons, bon nombre de témoignages sur la shoah à la cote :
940.547 TEM
Pour aller plus loin :
Dictionnaire critique de la littérature des camps de concentration
Deux cents auteurs sont présentés dans l'ordre alphabétique (de T.W. Adorno à O. Wormser-Migot, en passant par R. Antelme, I. Kertesz, P. Levi), témoins et survivants de l'univers concentrationnaire nazi (1933-1945). Le dictionnaire privilégie donc les oeuvres nées de l'expérience directe des camps, même si cela ne constitue pas un critère exclusif.
Témoignage en résistance
Bibliogr. p. 393-414. Index
On a souvent répété que l'expérience concentrationnaire était indicible. Et pourtant de très nombreux textes, œuvres ou films s'efforcent d'en témoigner en cherchant le langage et les images capables d'approcher ce qui est au-delà de l'imaginable. A partir d'un vaste corpus littéraire et cinématographique, Philippe Mesnard étudie les différentes formes d'expression mobilisées par les témoins, écrivains et artistes.
L’expérience concentrationnaire est-elle indicible ?
Etude comparative d'oeuvres d'Alexandre Soljénitsyne, Varlam Chalamov, Primo Levi, Robert Antelme, Imre Kertesz et d'autres. Cet essai tente de penser l'expérience concentrationnaire comme un état de conscience très particulier où l'homme accède pourtant aux fondements de l'être. Cette étude s'attache à cerner la part de l'indicible dans cette situation extrême.
Un dossier du magazine littéraire
Écrire après Auschwitz. Le 27 janvier 1945, Auschwitz, le principal camp d'extermination nazi, était définitivement libéré. Sur les ruines d'un temps barbare, une littérature allait naître, non sans hésitations et angoisses. Écrivains, philosophes, poètes témoignent tous avec une voix singulière de l'expérience concentrationnaire sous le nazisme. Expérience de déshumanisation distincte du Goulag et autres camps de servitude puisqu'elle culmine en une entreprise d'anéantissement unique dans l'Histoire : le génocide contre les Juifs, la Shoah. Comment écrire et penser après Auschwitz ? Entre le silence et la nécessité de raconter, de Primo Levi à Imre Kertész, du récit au roman, les visages d'une littérature en lutte avec l'indicible.
Les camps et la littérature
Partant de la conviction que la littérature d'après 1945 ne pouvait être qu'une littérature d'après les camps, il s'agit pour les auteurs de relire Robert Antelme, David Rousset, Jean Cayrol, Primo Levi, Jean Améry, Jorge Semprun, Varlam Chalamov, etc., dans cette perspective. Cette édition comporte des textes complémentaires qui prennent en compte l'émergence récente de nouveaux auteurs.
Ecrire après Auschwitz
Etudie la façon dont certains écrivains revenus des camps de concentration ont mis en mots leur expérience. Analyse les oeuvres de Paul Celan, Primo Levi, Robert Antelme, Jean Cayrol, Jorge Semprun ainsi que certains textes de Micheline Maurel, Soazig Aaron et Imre Kertesz.
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