Question d'origine :
Bonjour,
nous sommes en licence professionnelle librairie et nous cherchons des documents ayant rapport avec la rentrée littéraire, dans le cadre d'une sorte de mémoire. Nous avons lu dans un article que la première occurrence de ce terme avait été faite dans un numéro du Figaro en 1936, sans en savoir plus. Vous serez t-il possible de nous aider ? Par ailleurs, avez vous d'autres pistes de recherches sur ce thème sur son histoire et son actualité ?
Merci d'avance
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 25/10/2014 à 08h44
Bonjour,
Voici ce qu'indique Pascal Fouché, historien de l'édition dans une interview de Claire Devarrieux intitulée « On en publiait cent, on disait déjà que c'était trop » - publiée dans Libération le 23 août 2001 :
Depuis quand y a-t-il une rentrée littéraire ?
Il y a toujours eu une rentrée littéraire en France, c'est à ce moment-là qu'on a toujours lancé la plus grande partie des romans publiés dans l'année. C'est aussi la rentrée dans tous les autres secteurs de l'édition. On peut dire que l'année commence au mois de septembre. L'événement de la rentrée, c'est évidemment la course aux prix littéraires, qui est un phénomène très français. Et, pour y participer, il faut avoir publié des romans avant le mois de septembre ou octobre.
Cela remonte à la création du Goncourt ?
Au XIXe siècle, déjà, on lançait des romans à l'automne. On en lançait aussi au début de l'année, comme on le fait encore actuellement. Mais la création des prix littéraires (1903, le Goncourt, 1904 le Femina, puis le Renaudot en 1926 et l'Interallié en 1930) a cristallisé le phénomène, en focalisant éditeurs et auteurs sur cette période.
Avec la même frénésie ?
Quand Gallimard publie A l'ombre des jeunes filles en fleurs en 1919, il le sort au mois de juin, pour que les critiques aient le temps de le lire pendant l'été, et qu'il puisse postuler pour le Goncourt, décerné à l'époque en décembre. Quand Denoël publie Voyage au bout de la nuit en 1932, il le sort en octobre pour qu'il puisse encore participer à la course aux prix. Cela se conjugue avec le début de ces lancements fracassants qu'on attribue généralement à Bernard Grasset (pour Raymond Radiguet en 1923, ou auparavant Maria Chapdelaine, de Louis Hémon, en 1921). Mais il les a surtout portés à leur paroxysme : Flammarion avait déjà lancé le Feu d'Henri Barbusse en 1916 avec une véritable campagne de publicité et Albin Michel avait suivi, en 1919 avec l'Atlantide de Pierre Benoît et les Croix de bois de Roland Dorgelès, qui a concouru pour le Goncourt contre Proust. Il y a conjugaison de stratégies qu'on peut qualifier de marketing et de cette course aux prix littéraires.
Quand ils ont été créés, les prix n'avaient pas l'importance qu'ils ont acquise progressivement. A présent, pour beaucoup d'éditeurs, la saison des prix est cruciale, parce que c'est sur cette saison-là, souvent, qu'ils vont faire leur année grâce, notamment, à la période des fêtes.
Nous vous invitons également à lire l'article de Catherine Simon paru dans le journal Monde des livres le vendredi 23 août 2013 intitulé La rentrée littéraire, une invention française. En voici un extrait :
Après avoir longtemps coïncidé avec la rentrée scolaire de septembre, la rentrée littéraire s'est mise, « il y a environ vingt ans », selon l'historien de la littérature Jean-Yves Mollier, à mordre sur le mois d'août. Le calendrier n'est pas seul à avoir changé. Elle a beau se parer du caractère immuable que revêt tout grand mythe national, la rentrée littéraire est un phénomène daté : elle a son histoire, ses temps forts, ses stratèges et ses leurres.
A quand remonte-t-elle?
« Dans Le Figaro, il semble que l'expression «rentrée littéraire» apparaisse en 1936, où elle est assortie de guillemets, ce qui laisse à penser qu'elle n'est pas encore d'usage courant à cette date », avance l'universitaire Bertrand Legendre, auteur d'Entrer en littérature. Premiers romans et primo-romanciers dans les limbes (Arkhé, 2012).
« Alors là, c'est une colle!, hésite sa jeune consoeur Sylvie Ducas, dont l'essai La Littérature à quel(s) prix? Histoire des prix littéraires (La Découverte, 240p., 22 €) paraît ces jours-ci. Sans doute remonte-t-elle aux années 1980, quand les commerciaux de la grande distribution ont fait leur entrée dans le secteur de l'édition? »
Jean-Yves Mollier, auteur de L'Argent et les lettres. Histoire du capitalisme d'édition, 1880-1920 (Fayard, 1988), défend une autre thèse. « L'idée de rentrée littéraire est conceptualisée par le philosophe Ernest Renan dans les années 1880. »
A chacun sa version et sa pièce du puzzle...
Si la plupart des éléments qui ont contribué, sous l'impulsion des éditeurs, à la fabrication de la rentrée (les saisons et les cénacles littéraires, mais aussi les prix, en particulier le Goncourt, créé en 1903) se sont mis en place entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, « l'emballement » qu'on connaît aujourd'hui est en revanche récent, concède Jean-Yves Mollier. Quelle que soit sa date de naissance, la rentrée littéraire française, par la ferveur qui l'accompagne, est unique au monde.
Bonne journée.
source : Culture box
Voici ce qu'indique Pascal Fouché, historien de l'édition dans une interview de Claire Devarrieux intitulée « On en publiait cent, on disait déjà que c'était trop » - publiée dans Libération le 23 août 2001 :
Depuis quand y a-t-il une rentrée littéraire ?
Il y a toujours eu une rentrée littéraire en France, c'est à ce moment-là qu'on a toujours lancé la plus grande partie des romans publiés dans l'année. C'est aussi la rentrée dans tous les autres secteurs de l'édition. On peut dire que l'année commence au mois de septembre. L'événement de la rentrée, c'est évidemment la course aux prix littéraires, qui est un phénomène très français. Et, pour y participer, il faut avoir publié des romans avant le mois de septembre ou octobre.
Cela remonte à la création du Goncourt ?
Au XIXe siècle, déjà, on lançait des romans à l'automne. On en lançait aussi au début de l'année, comme on le fait encore actuellement. Mais la création des prix littéraires (1903, le Goncourt, 1904 le Femina, puis le Renaudot en 1926 et l'Interallié en 1930) a cristallisé le phénomène, en focalisant éditeurs et auteurs sur cette période.
Avec la même frénésie ?
Quand Gallimard publie A l'ombre des jeunes filles en fleurs en 1919, il le sort au mois de juin, pour que les critiques aient le temps de le lire pendant l'été, et qu'il puisse postuler pour le Goncourt, décerné à l'époque en décembre. Quand Denoël publie Voyage au bout de la nuit en 1932, il le sort en octobre pour qu'il puisse encore participer à la course aux prix. Cela se conjugue avec le début de ces lancements fracassants qu'on attribue généralement à Bernard Grasset (pour Raymond Radiguet en 1923, ou auparavant Maria Chapdelaine, de Louis Hémon, en 1921). Mais il les a surtout portés à leur paroxysme : Flammarion avait déjà lancé le Feu d'Henri Barbusse en 1916 avec une véritable campagne de publicité et Albin Michel avait suivi, en 1919 avec l'Atlantide de Pierre Benoît et les Croix de bois de Roland Dorgelès, qui a concouru pour le Goncourt contre Proust. Il y a conjugaison de stratégies qu'on peut qualifier de marketing et de cette course aux prix littéraires.
Quand ils ont été créés, les prix n'avaient pas l'importance qu'ils ont acquise progressivement. A présent, pour beaucoup d'éditeurs, la saison des prix est cruciale, parce que c'est sur cette saison-là, souvent, qu'ils vont faire leur année grâce, notamment, à la période des fêtes.
Nous vous invitons également à lire l'article de Catherine Simon paru dans le journal Monde des livres le vendredi 23 août 2013 intitulé La rentrée littéraire, une invention française. En voici un extrait :
Après avoir longtemps coïncidé avec la rentrée scolaire de septembre, la rentrée littéraire s'est mise, « il y a environ vingt ans », selon l'historien de la littérature Jean-Yves Mollier, à mordre sur le mois d'août. Le calendrier n'est pas seul à avoir changé. Elle a beau se parer du caractère immuable que revêt tout grand mythe national, la rentrée littéraire est un phénomène daté : elle a son histoire, ses temps forts, ses stratèges et ses leurres.
A quand remonte-t-elle?
« Dans Le Figaro, il semble que l'expression «rentrée littéraire» apparaisse en 1936, où elle est assortie de guillemets, ce qui laisse à penser qu'elle n'est pas encore d'usage courant à cette date », avance l'universitaire Bertrand Legendre, auteur d'Entrer en littérature. Premiers romans et primo-romanciers dans les limbes (Arkhé, 2012).
« Alors là, c'est une colle!, hésite sa jeune consoeur Sylvie Ducas, dont l'essai La Littérature à quel(s) prix? Histoire des prix littéraires (La Découverte, 240p., 22 €) paraît ces jours-ci. Sans doute remonte-t-elle aux années 1980, quand les commerciaux de la grande distribution ont fait leur entrée dans le secteur de l'édition? »
Jean-Yves Mollier, auteur de L'Argent et les lettres. Histoire du capitalisme d'édition, 1880-1920 (Fayard, 1988), défend une autre thèse. « L'idée de rentrée littéraire est conceptualisée par le philosophe Ernest Renan dans les années 1880. »
Si la plupart des éléments qui ont contribué, sous l'impulsion des éditeurs, à la fabrication de la rentrée (les saisons et les cénacles littéraires, mais aussi les prix, en particulier le Goncourt, créé en 1903) se sont mis en place entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, « l'emballement » qu'on connaît aujourd'hui est en revanche récent, concède Jean-Yves Mollier. Quelle que soit sa date de naissance, la rentrée littéraire française, par la ferveur qui l'accompagne, est unique au monde.
Bonne journée.
source : Culture box
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