Question d'origine :
Bonjour,
Dans le livre Le Maitre et Marguerite de Boulgakov, je recherche ce qui trahi l'auteur dans son désir révolutionnaire qui refuse le régime de l'URSS. Quels passages précis illustrent la vision de Boulgakov face au régime totalitaire ?
Merci de l'aide.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 28/11/2014 à 15h26
Bonjour,
Nous ne lirons pas le roman à votre place, bien que nous l’aimions beaucoup et vous le conseillions vivement
Il faut savoir que ce roman a fait l’objet de nombreux brouillons, certains détruits de la main de l’auteur, tant il le savait subversif. L’auteur a écrit à Staline, plusieurs fois, pour lui exposer ses difficultés à vivre de sa plume quand on est interdit de publication ou de représentation pour ses pièces :
« Au Gouvernement de l’URSS
Toutes mes œuvres ont été interdites ; il s’est alors trouvé parmi les nombreux citoyens qui connaissent mes écrits, des gens pour me conseiller avec insistance d’écrire « une pièce communiste » (je cite) et d’adresser en outre au gouvernement de l’URSS une lettre de repentir […]
But de l’opération : échapper aux persécutions, à la misère et à la perspective d’une fin inéluctable.
Ce conseil, je ne l’ai pas suivi. […]
Désireux à présent de voir mettre enfin un terme à mes tribulations littéraire, je me sens obligé d’adresser une lettre véridique au Gouvernement de l’URSS. »
(Lettres à Staline)
Boulgakov cite dans sa première lettre la virulente critique contre ses œuvres ; il affirme les accepter et être effectivement, comme les critiques du régime le disent, impossible à publier en URSS. Donc il vaudrait mieux lui permettre « un congé à l’étranger ». Ce sera l’objet de toutes ses lettres et malgré un appel téléphonique personnel de Staline, il ne pourra sortir d’URSS.
Une des critiques est celle d’être un écrivain « mystique », c’est-à-dire en l’occurrence imprégné de culture religieuse. Le Maître et Marguerite, qui met en scène le diable, ne peut guère arranger ses affaires. « Sorcière », « église », « évangile », « Jésus (Iéchoua) » les éléments de « roman sur le diable » déjà présent dans un manuscrit de 1928-1929, brûlé par son auteur parce qu’au même moment, le 18 mars 1830, avait été interdit un livre intitulé La Cabale des dévots de Glavrepertkorn, sont en soit subversifs.
Si dans le roman final, publié quelques mois avant la mort de Boulgakov, la tradition évangélique s’est atténuée, « une double thématique s’instaure progressivement :celle de l’anéantissement de l’individu par les frustrations et la terreur , et celle de la mission pour ainsi dire sacrée qui serait dévolue à l’écrivain. » (Le maître et Marguerite et autres roman, Pléiade, Notice, p. 1716).
C’est « un anticonformisme, un antisoviétisme foncier ». La critique néo-stalinienne à la sortie du roman vingt-six ans après la mort de l’auteur, lui reproche que « l’idéologie du roman était incompatible avec le matérialisme et le rationalisme inhérents au régime soviétique, qu’elle en sapait les fondements, que, d’ailleurs, en mettant Moscou sous la coupe du Diable lui-même, l’auteur présentait la capitale des Soviets comme la proie du Mal absolu, que les deux personnages principaux, le maître et Iéchoua, offraient les exemples les plus nocifs de conduite « passives », tandis que l’énergie incontestable de Marguerite était soutenue par les forces du Mal. » Tout ce qui est magique, irrationnel, symboliste, est contre-révolutionnaire.
Cherchez de ce côté : des scènes où le Diable domine Moscou, des scènes de dialogue avec Iéchoua (Jésus), une scène de sabbat, considérée comme « décadente » et « bourgeoise », avec des femmes nues, de l’alcool, des serviteurs noirs, des pierreries… par exemple, mais aussi, puisque le diable se cache dans les détails, dans des descriptions sordides de Moscou («cour fréquentée par la pègre et escaliers visqueux ») qui donnent une mauvaise image de la gestion de la ville, ce qu’un régime politique n’accepte jamais bien.
Voilà un roman où on ne s’ennuie pas, à condition d’accepter, contrairement au censeurs, le côté cirque, le côté provocateur et jouissif de cette critique sociale.
Nous vous souhaitons une belle découverte !
Nous ne lirons pas le roman à votre place, bien que nous l’aimions beaucoup et vous le conseillions vivement
Il faut savoir que ce roman a fait l’objet de nombreux brouillons, certains détruits de la main de l’auteur, tant il le savait subversif. L’auteur a écrit à Staline, plusieurs fois, pour lui exposer ses difficultés à vivre de sa plume quand on est interdit de publication ou de représentation pour ses pièces :
« Au Gouvernement de l’URSS
Toutes mes œuvres ont été interdites ; il s’est alors trouvé parmi les nombreux citoyens qui connaissent mes écrits, des gens pour me conseiller avec insistance d’écrire « une pièce communiste » (je cite) et d’adresser en outre au gouvernement de l’URSS une lettre de repentir […]
But de l’opération : échapper aux persécutions, à la misère et à la perspective d’une fin inéluctable.
Ce conseil, je ne l’ai pas suivi. […]
Désireux à présent de voir mettre enfin un terme à mes tribulations littéraire, je me sens obligé d’adresser une lettre véridique au Gouvernement de l’URSS. »
(Lettres à Staline)
Boulgakov cite dans sa première lettre la virulente critique contre ses œuvres ; il affirme les accepter et être effectivement, comme les critiques du régime le disent, impossible à publier en URSS. Donc il vaudrait mieux lui permettre « un congé à l’étranger ». Ce sera l’objet de toutes ses lettres et malgré un appel téléphonique personnel de Staline, il ne pourra sortir d’URSS.
Une des critiques est celle d’être un écrivain « mystique », c’est-à-dire en l’occurrence imprégné de culture religieuse. Le Maître et Marguerite, qui met en scène le diable, ne peut guère arranger ses affaires. « Sorcière », « église », « évangile », « Jésus (Iéchoua) » les éléments de « roman sur le diable » déjà présent dans un manuscrit de 1928-1929, brûlé par son auteur parce qu’au même moment, le 18 mars 1830, avait été interdit un livre intitulé La Cabale des dévots de Glavrepertkorn, sont en soit subversifs.
Si dans le roman final, publié quelques mois avant la mort de Boulgakov, la tradition évangélique s’est atténuée, « une double thématique s’instaure progressivement :
C’est « un anticonformisme, un antisoviétisme foncier ». La critique néo-stalinienne à la sortie du roman vingt-six ans après la mort de l’auteur, lui reproche que « l’idéologie du roman était incompatible avec le matérialisme et le rationalisme inhérents au régime soviétique, qu’elle en sapait les fondements, que, d’ailleurs, en mettant Moscou sous la coupe du Diable lui-même, l’auteur présentait la capitale des Soviets comme la proie du Mal absolu, que les deux personnages principaux, le maître et Iéchoua, offraient les exemples les plus nocifs de conduite « passives », tandis que l’énergie incontestable de Marguerite était soutenue par les forces du Mal. » Tout ce qui est magique, irrationnel, symboliste, est contre-révolutionnaire.
Voilà un roman où on ne s’ennuie pas, à condition d’accepter, contrairement au censeurs, le côté cirque, le côté provocateur et jouissif de cette critique sociale.
Nous vous souhaitons une belle découverte !
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