Question d'origine :
Cher guichet,
J'ai reçu une photo d'un drapeau français avec le Sacré-cœur qui aurait appartenu à un officier mort en juin 1915.
Je croyais qu'il avait fallu attendre 1917 avec Claire Ferchaud pour cette diffusion.
Qu'en est-il ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 21/05/2015 à 15h52
[Réponse du Département Civilisation
Bonjour
De qui parle-ton quand on parle de drapeau français avec le Sacré-cœur ? Quel est le contexte ?
Les témoignages sont nombreux qui évoquent le réveil religieux des premiers mois de la guerre ; il prolonge en fait celui constaté à l’arrière, au moment de la mobilisation. Chez les catholiques il peut se caractériser par une hausse de la pratique des sacrements et par une nombreuse assistance aux cérémonies religieuses. Mais les circonstances ne permettent pas toujours aux combattants de suivre des offices. Des conversions caractérisent aussi ce réveil, des retours à la foi de soldats qui s’en étaient éloignés. Mais ce réveil est très relatif ; ce "réveil" dépend des origines sociales, géographiques et culturelles des combattants.
L’une des clés d’explication de ce réveil est liée à la peur de la mort et aux souffrances vécues sur le champ de bataille. Il se combine avec la volonté de développer la ferveur patriotique. On recourt à certains intercesseurs auxquels sont rendus des dévotions.
« Il en va ainsi du culte au Sacré-Cœur qui est « au point de rencontre d’une spiritualité et d’une théologie politique », selon Jean-Marie mayeur. Rechargée -au sens anthropologique du terme- dans la seconde moitié du XIX° siècle , cette dévotion réparatrice , qui insiste sur les souffrances du christ, auxquelles sont comparées celles des soldats et des civils, connait également un grand essor dans les pays de tradition catholique. Sa dimension domestique se traduit par les consécrations au Sacré-Cœur de combattants et des leurs familles, parfois à l’initiative d’organisations féminines, comme la Ligue patriotique des Françaises ou l’Unione fra le donne cattoliche d’Italia . Ces démarches familiales déjà encouragées à la fin du siècle précédent, visent à préserver les mobilisés du péril de la guerre, mais elles cherchent aussi à obtenir une consécration nationale pour attirer la protection de Dieu sur la France et l’Italie. C’est dans ce contexte que cette dévotion retrouve un caractère politique et social. Le 27 décembre 1914, les évêques allemands invitent les catholiques à se consacrer au Sacré-Cœur le 10 janvier suivant, car « la gravité et la détresse du temps nous y poussent ».L’évènement doit être précédé d’ »un acte de réparation pour de si nombreux et graves péchés dans la vie du peuple[ …]. Le 11 juin 1915, fête du Cœur de Jésus, les évêques français lui consacrent à nouveau leur pays, après l’avoir fait en 1897 et 1906. Dans sa lettre du 24 mai prescrivant cette solennité, le cardinal Amette précise qu’il faut supplier le Sacré-Cœur « de donner la force à ceux qui combattent, la victoire à la France et aux nations qui luttent avec elle pour la cause du droit ». Il lui attribue aussi le fait « d’avoir détourné soudain de Paris l’armée ennemie « au moment de la Marne. […]En France, cette dévotion présente en outre une « coloration contre révolutionnaire », que rappelle l’effigie portée par les vendéens en 1793 ou l’édification de la basilique de Montmartre , présentée comme une « amende honorable » après la défaite de 1871 et la Commune. La guerre marque aussi le retour des révélations millénaristes dont Marguerite-Marie Amacoque faisait état en 1869, demandant que le Sacré-Cœur soit peint sur les étendards du Roi. Leur actualisation voudrait que la consécration publique de la France et l’apposition d’une effigie cordicole sur le drapeau national apportent la victoire. Un courant minoritaire de catholiques conservateurs le réclame, à l’instar d’une « voyante » vendéenne, Claire Ferchaud, parfois présentée comme une nouvelle jeanne s’Arc, qui rencontre discrètement le président de la république en 1917 à cette fin. Toutefois les autorités ecclésiastiques se méfient des revendications relatives aux drapeaux. Le cardinale Amette recommande à Claire Ferchaud d’abandonner ces démarches, tandis qu’à Rome, en dépit de ses attaches intransigeantes, le cardinal Billot exprime son hostilité à cette « nouvelle forme de millénarismes » . L’archevêque de paris autorise néanmoins la présence de l’emblème du Sacré-Cœur sur la copie du XIX° siècle de l’oriflamme de Saint-Denis, qui est présentée dans plusieurs églises parisiennes. En mars 1917, des soldats catholiques de différentes armées alliées se retrouvent également à Paray-le-Monial, puis à Montmartre 2 mois plus tard, pour la consécration de drapeaux marqués de l’emblème du Sacré-Cœur, malgré une interdiction ministérielle. Soutenus par le Conseil d’Etat, les préfets interdisent le pavoisement de telles effigies sur la voie publique. Le commandement prohibe, de même, le port sur les uniformes, d’insignes du Sacré-Cœur, largement diffusés auprès des soldats catholiques. »
Histoire religieuse de la Grande Guerre, de Xavier Boniface, p. 255 et suivantes.
Vous comprenez donc , la toile de fond ayant été brossée ci-dessus, que même si la « croisade » de Claire Ferchaud commence plutôt en 1916 et si sa démarche auprès de Poincaré se situe en 1917, que même si la bataille du drapeau prend toute sa dimension effectivement en 1917, il y a un climat général qui peut expliquer la présence d’un drapeau français au Sacré-Cœur chez un soldat français en 1915, même si on parle plutôt d’insignes et de fanions.
Pour en savoir plus sur Claire Ferchaud vous pouvez consulter le livre de Jean-Yves Le Naour, Claire Ferchaud , la Jeanne d’Arc de la grande Guerre. Vous aurez aussi des compléments d’informations sur les drapeaux du Sacré-Cœur, notamment dans le chapitre 5.
Le 11 juin 1915, jour de la fête du SC, une fête est célébrée dans toutes les églises de France. » A la sortie de la messe, des enfants des écoles libres et de bonnes dames patronnesses vendent un petit drapeau avec l’emblème du cœur de Jésus au centre ; plus de cent mille sont ainsi écoulé en une seule journée ». P 135
« Faut-il croire Pierre Salgas, un auteur engagé dans la croisade cléricale, quand il affirme que près de 12 millions d’insignes, 1.5 millions de fanions et 32 000 drapeaux ont été distribués en quatre ans de guerre ? Le chiffre parait démesuré, mas il semble bien que l’activité conjuguée de divers centres de diffusion du drapeau du Sacré-Cœur ait été considérable en cette Grande Guerre. » Lecture à suivre p 140 et suivante Afficher le Sacré-Cœur sur sa poitrine.
Enfin, vous pouvez aussi consulter : Le Sacré-Cœur et la Grande Guerre, de Alain Denizot, aux Nouvelles Editions Latines .
« Sujet tabou, aux archives souvent muettes, aux détracteurs de tous bords dont les partis minimisent ou taisent les faits, « le Sacré-Cœur et la Grande Guerre » relate l’apothéose et la pérennité du Sacré-Cœur »
Il développe ce sujet : une première partie sur l’historique du Sacré-Cœur, une deuxième sur le Sacré-Cœur en 1914-1918 et une troisième le Sacré-Cœur à la Grande Guerre.
Bonjour
De qui parle-ton quand on parle de drapeau français avec le Sacré-cœur ? Quel est le contexte ?
Les témoignages sont nombreux qui évoquent le réveil religieux des premiers mois de la guerre ; il prolonge en fait celui constaté à l’arrière, au moment de la mobilisation. Chez les catholiques il peut se caractériser par une hausse de la pratique des sacrements et par une nombreuse assistance aux cérémonies religieuses. Mais les circonstances ne permettent pas toujours aux combattants de suivre des offices. Des conversions caractérisent aussi ce réveil, des retours à la foi de soldats qui s’en étaient éloignés. Mais ce réveil est très relatif ; ce "réveil" dépend des origines sociales, géographiques et culturelles des combattants.
L’une des clés d’explication de ce réveil est liée à la peur de la mort et aux souffrances vécues sur le champ de bataille. Il se combine avec la volonté de développer la ferveur patriotique. On recourt à certains intercesseurs auxquels sont rendus des dévotions.
« Il en va ainsi du culte au Sacré-Cœur qui est « au point de rencontre d’une spiritualité et d’une théologie politique », selon Jean-Marie mayeur. Rechargée -au sens anthropologique du terme- dans la seconde moitié du XIX° siècle , cette dévotion réparatrice , qui insiste sur les souffrances du christ, auxquelles sont comparées celles des soldats et des civils, connait également un grand essor dans les pays de tradition catholique. Sa dimension domestique se traduit par les consécrations au Sacré-Cœur de combattants et des leurs familles, parfois à l’initiative d’organisations féminines, comme la Ligue patriotique des Françaises ou
Histoire religieuse de la Grande Guerre, de Xavier Boniface, p. 255 et suivantes.
Vous comprenez donc , la toile de fond ayant été brossée ci-dessus, que même si la « croisade » de Claire Ferchaud commence plutôt en 1916 et si sa démarche auprès de Poincaré se situe en 1917, que même si la bataille du drapeau prend toute sa dimension effectivement en 1917, il y a un climat général qui peut expliquer la présence d’un drapeau français au Sacré-Cœur chez un soldat français en 1915, même si on parle plutôt d’insignes et de fanions.
Pour en savoir plus sur Claire Ferchaud vous pouvez consulter le livre de Jean-Yves Le Naour, Claire Ferchaud , la Jeanne d’Arc de la grande Guerre. Vous aurez aussi des compléments d’informations sur les drapeaux du Sacré-Cœur, notamment dans le chapitre 5.
Le 11 juin 1915, jour de la fête du SC, une fête est célébrée dans toutes les églises de France. » A la sortie de la messe, des enfants des écoles libres et de bonnes dames patronnesses vendent un petit drapeau avec l’emblème du cœur de Jésus au centre ; plus de cent mille sont ainsi écoulé en une seule journée ». P 135
« Faut-il croire Pierre Salgas, un auteur engagé dans la croisade cléricale, quand il affirme que près de 12 millions d’insignes, 1.5 millions de fanions et 32 000 drapeaux ont été distribués en quatre ans de guerre ? Le chiffre parait démesuré, mas il semble bien que l’activité conjuguée de divers centres de diffusion du drapeau du Sacré-Cœur ait été considérable en cette Grande Guerre. » Lecture à suivre p 140 et suivante Afficher le Sacré-Cœur sur sa poitrine.
Enfin, vous pouvez aussi consulter : Le Sacré-Cœur et la Grande Guerre, de Alain Denizot, aux Nouvelles Editions Latines .
« Sujet tabou, aux archives souvent muettes, aux détracteurs de tous bords dont les partis minimisent ou taisent les faits, « le Sacré-Cœur et la Grande Guerre » relate l’apothéose et la pérennité du Sacré-Cœur »
Il développe ce sujet : une première partie sur l’historique du Sacré-Cœur, une deuxième sur le Sacré-Cœur en 1914-1918 et une troisième le Sacré-Cœur à la Grande Guerre.
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