Citation Orwell
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 05/07/2015 à 18h47
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Question d'origine :
Bonjour
J'ai entendu une citation qui était à peu près "celui qui est prêt à échanger sa liberté contre sa sécurité ne mérite pas la liberté et n'aura pas la sécurité". Elle était attribuée à George Orwell.
J'ai cherché partout mais je ne la retrouve pas, notamment pour cet auteur.
Auriez-vous plus de succès que moi ??
Je vous remercie
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 06/07/2015 à 15h05
Bonjour,
Cette phrase, qui se trouve originellement dans une lettre de l’assemblée de Pennsylvanie au gouverneur colonial en 1755 (et dont une version légèrement transformée est gravée sur une plaque du piédestal de la statue de la liberté), n’est pas attribuée à George Orwell, mais à Benjamin Franklin :
Those who would give up essential liberty, to purchase a little temporary safety, deserve neither Liberty nor Safety.
(source : The Life of Benjamin Franklin, Volume 3: Soldier, Scientist, and Politician, 1748-1757, J. A. Leo Lemay)
Traduction tirée des Mémoires de Benjamin Franklin : ceux qui abandonnent la liberté pour acheter une sécurité temporaire, ne méritent ni la liberté ni la sécurité.
Il semble que, replacée dans son contexte d’origine, cette citation n’a pas tout à fait le sens qu'on lui attribue aujourd’hui :
[…]très peu sont ceux qui, citant ces mots, ont une idée de leur provenance ou de ce que B. Franklin a vraiment voulu exprimer lorsqu'ils les écrivit. Ce n'est pas du tout surprenant, car ils sont bien plus souvent cités qu'expliqués, et le contexte dans lequel on les trouve est une bataille politique qui suscite peu l'intérêt des lecteurs d'aujourd'hui. La plupart des biographes de B. Franklin ne les citent pas du tout, et aucun des textes que j'ai trouvé ne tente sérieusement de les expliquer au regard de leur contexte. Résultat : pour aller au fond de ce qu'ils signifiaient pour B. Franklin, on doit fouiller les sources des années 1750, avec une littérature biographique secondaire qui ne donne qu'un cadre à la discussion. […]B. Franklin n'affirmait rien de ce que nous pensons lorsque nous citons ses mots.
Ils apparaissent originellement dans une lettre de 1755 que B. Franklin est censé avoir écrit au nom de l'Assemblée de Pennsylvanie à l'intention du gouverneur colonial durant la Guerre de Conquête. La lettre était une salve dans la lutte de pouvoir entre le gouverneur et l'Assemblée à propos du financement de la sécurité à la frontière, alors que l'Assemblée souhaitait taxer les terres de la famille Penn, qui gouvernait la Pennsylvanie de loin, de manière à lever des fonds pour la défense contre les attaques des Français et des Indiens. À la demande de la famille, le gouverneur émit son veto contre les actions de l'Assemblée. Donc pour commencer, B. Franklin n'écrivait pas dans la situation d'un sujet à qui il serait demandé de céder sa liberté à un gouvernement, mais en sa qualité de législateur à qui il est demandé de renoncer à son pouvoir de taxer des terres théoriquement sous sa juridiction. En d'autres termes, la « liberté essentielle » à laquelle se réfère B. Franklin n'est pas ce à quoi nous nous référons aujourd'hui à propos des libertés civiles mais, plutôt, au droit de l'auto-gouvernance d'un corps législatif dans l'intérêt de la sécurité collective.
De plus, l'« [obtention] d'une petite sécurité temporaire » que récrimine B. Franklin n'est pas la cession d'un pouvoir à un gouvernement Leviathan en échange de quelque promesse de protection envers une menace extérieure ; car dans la lettre de B. Franklin, le mot « acquérir » ne semble pas être une métaphore. En insistant pour assujettir les terres Penn aux impôts, l'Assemblée était accusée par le gouverneur de bloquer l'affectation des fonds pour la défense de la frontière — ce qui justifiait ainsi son intervention. Par ailleurs, la famille Penn offrit plus tard de l'argent pour la défense de la frontière aussi longtemps que l'Assemblée voulait reconnaître qu'elle n'avait pas le pouvoir de taxer ses terres. B. Franklin a donc contesté le choix qui s'imposait au corps législatif, entre d'un côté être capable de rassembler des fonds pour défendre la frontière et, de l'autre, conserver son droit à l'auto-gouvernance — et il critiqua le gouverneur d'avoir suggéré qu'on devait être prêt à renoncer au second pour obtenir le premier.
En somme, B. Franklin n'évoquait pas la tension entre le pouvoir du gouvernement et la liberté individuelle. Il faisait plutôt référence à l'auto-gouvernance efficace au service de la sécurité en tant que liberté même, réfractaire à la marchandisation. Nonobstant la manière dont la citation est arrivée jusqu'à nous, B. Franklin conçevait sur le même plan les droits à la liberté et à la sécurité de la Pennsylvanie.
Source : Against a Crude Balance : Platform Security and the Hostile Symbiosis Between Liberty and Security, Benjamin Wittes, Harvard Law School
(pour la traduction : Christophe Masutti)
Bonne journée.
Cette phrase, qui se trouve originellement dans une lettre de l’assemblée de Pennsylvanie au gouverneur colonial en 1755 (et dont une version légèrement transformée est gravée sur une plaque du piédestal de la statue de la liberté), n’est pas attribuée à George Orwell, mais à Benjamin Franklin :
Those who would give up essential liberty, to purchase a little temporary safety, deserve neither Liberty nor Safety.
(source : The Life of Benjamin Franklin, Volume 3: Soldier, Scientist, and Politician, 1748-1757, J. A. Leo Lemay)
Traduction tirée des Mémoires de Benjamin Franklin : ceux qui abandonnent la liberté pour acheter une sécurité temporaire, ne méritent ni la liberté ni la sécurité.
Il semble que, replacée dans son contexte d’origine, cette citation n’a pas tout à fait le sens qu'on lui attribue aujourd’hui :
[…]très peu sont ceux qui, citant ces mots, ont une idée de leur provenance ou de ce que B. Franklin a vraiment voulu exprimer lorsqu'ils les écrivit. Ce n'est pas du tout surprenant, car ils sont bien plus souvent cités qu'expliqués, et le contexte dans lequel on les trouve est une bataille politique qui suscite peu l'intérêt des lecteurs d'aujourd'hui. La plupart des biographes de B. Franklin ne les citent pas du tout, et aucun des textes que j'ai trouvé ne tente sérieusement de les expliquer au regard de leur contexte. Résultat : pour aller au fond de ce qu'ils signifiaient pour B. Franklin, on doit fouiller les sources des années 1750, avec une littérature biographique secondaire qui ne donne qu'un cadre à la discussion. […]B. Franklin n'affirmait rien de ce que nous pensons lorsque nous citons ses mots.
Ils apparaissent originellement dans une lettre de 1755 que B. Franklin est censé avoir écrit au nom de l'Assemblée de Pennsylvanie à l'intention du gouverneur colonial durant la Guerre de Conquête. La lettre était une salve dans la lutte de pouvoir entre le gouverneur et l'Assemblée à propos du financement de la sécurité à la frontière, alors que l'Assemblée souhaitait taxer les terres de la famille Penn, qui gouvernait la Pennsylvanie de loin, de manière à lever des fonds pour la défense contre les attaques des Français et des Indiens. À la demande de la famille, le gouverneur émit son veto contre les actions de l'Assemblée. Donc pour commencer, B. Franklin n'écrivait pas dans la situation d'un sujet à qui il serait demandé de céder sa liberté à un gouvernement, mais en sa qualité de législateur à qui il est demandé de renoncer à son pouvoir de taxer des terres théoriquement sous sa juridiction. En d'autres termes, la « liberté essentielle » à laquelle se réfère B. Franklin n'est pas ce à quoi nous nous référons aujourd'hui à propos des libertés civiles mais, plutôt, au droit de l'auto-gouvernance d'un corps législatif dans l'intérêt de la sécurité collective.
De plus, l'« [obtention] d'une petite sécurité temporaire » que récrimine B. Franklin n'est pas la cession d'un pouvoir à un gouvernement Leviathan en échange de quelque promesse de protection envers une menace extérieure ; car dans la lettre de B. Franklin, le mot « acquérir » ne semble pas être une métaphore. En insistant pour assujettir les terres Penn aux impôts, l'Assemblée était accusée par le gouverneur de bloquer l'affectation des fonds pour la défense de la frontière — ce qui justifiait ainsi son intervention. Par ailleurs, la famille Penn offrit plus tard de l'argent pour la défense de la frontière aussi longtemps que l'Assemblée voulait reconnaître qu'elle n'avait pas le pouvoir de taxer ses terres. B. Franklin a donc contesté le choix qui s'imposait au corps législatif, entre d'un côté être capable de rassembler des fonds pour défendre la frontière et, de l'autre, conserver son droit à l'auto-gouvernance — et il critiqua le gouverneur d'avoir suggéré qu'on devait être prêt à renoncer au second pour obtenir le premier.
En somme, B. Franklin n'évoquait pas la tension entre le pouvoir du gouvernement et la liberté individuelle. Il faisait plutôt référence à l'auto-gouvernance efficace au service de la sécurité en tant que liberté même, réfractaire à la marchandisation. Nonobstant la manière dont la citation est arrivée jusqu'à nous, B. Franklin conçevait sur le même plan les droits à la liberté et à la sécurité de la Pennsylvanie.
Source : Against a Crude Balance : Platform Security and the Hostile Symbiosis Between Liberty and Security, Benjamin Wittes, Harvard Law School
(pour la traduction : Christophe Masutti)
Bonne journée.
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