révoltes des camisards
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 13/02/2016 à 12h47
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Question d'origine :
Bonjour.
J'ai lu que la révolte protestante dans dans les Cévennes fut un événement marquant du XVIIe siècle mais je n'arrive pas à cerner ses répercutions. pouvez-vous l’éclairé sur ce sujet? Merci.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 15/02/2016 à 13h57
Bonjour,
La révolte des Camisards, alimentée par les arrestations, condamnations et persécutions à l’égard des protestants, éclate en 1702 et s’achève sur une défaite en 1704 :
La guerre proprement dite, ne dure que deux ans mais elle mobilise deux maréchaux de France et 25 000 soldats. Les Camisards font subir quelques défaites aux troupes royales. Leurs chefs les plus prestigieux sont Rolland et Jean Cavalier.
En mai 1704, après une défaite, Jean Cavalier accepte de négocier avec le maréchal de Villars. Il se rend et peut quitter la France. Parmi les autres chefs camisards certains sont tués, d’autres se rendent. Ils négocient avec le maréchal de Villars en ordre dispersé. Des tentatives pour relancer l’insurrection ont lieu jusqu’en 1710. Elles échouent toutes.
Qui sont ces camisards qui mettent en échec pendant près de deux ans les troupes de Louis XIV, une des meilleures armées d’Europe ? Des paysans ou artisans cévenols répartis en petites troupes par région avec des cadres permanents et des soldats occasionnels. Leurs chefs sont pour la plupart très jeunes et n’ont aucune formation militaire. Leur parfaite connaissance du terrain et le soutien de la population rendent cette guérilla efficace. La violence est extrême tant du côté camisard que de celui des troupes royales qui vont jusqu’à brûler des villages entiers. Le pays est mis à feu et à sang. Cette guérilla a une visée essentiellement religieuse : rétablir la liberté de culte. Au sein des troupes camisardes, une intense activité religieuse se développe : cultes clandestins, chant des psaumes, prières animées par des prédicateurs improvisés ou des prophètes. Les prophètes cévenols ont un rôle important dans cette guerre puisque c’est sous leur inspiration que sont déclenchées attaques ou opérations militaires. C’est pourquoi certains ont pu parler de « guerre sainte ».
La guerre des Camisards (1702-1710), museeprotestant.org
La rébellion écrasée, les assemblées demeuraient interdites, traquées et sévèrement réprimées.
La liberté de culte tant attendue par les Camisards ne sera obtenue qu’à la Révolution française en 1789.
Source : L’histoire des Camisards, museedudesert.com
En conclusion de son ouvrage sur les Camisards, Liliane Crété revient sur les conséquences de cette rébellion sur la vie des protestants jusqu’à la Révolution :
Tragiquement ou misérablement, les protagonistes en exil, les uns après les autres, disparurent ou tombèrent dans l’oubliette de l’Histoire. […] Alors une question se pose : la guerre des camisards fut-elle un drame inutile ? […] Sur les conséquences de la rébellion pour les protestants, l’opinion fut […] divisée. Même les réformés ne s’accordèrent pas entre eux. Pour les uns, le souvenir de l’insurrection aviva la persécution car les ecclésiastiques et les dévots l’employèrent comme épouvantail pour réveiller le zèle des puissances laïques lorsque celui-ci faiblissait trop à leur goût ; pour d’autres, comme le pasteur Charles Bost, elle laissa un souvenir si effrayant dans les mémoires que les « puissances » du Languedoc n’osèrent plus sévir aussi durement que ne l’avait fait Basville. « Les protestants, écrit-il, ne furent plus forcés d’aller à la messe. On les laissa plus libres quand on les craignit davantage.
A première vue, il apparaît que sous Louis XV la répression contre les « mal convertis » fut exercée avec une grande rigueur. Seule amélioration pour les pasteurs et les prédicants de l’Eglise du Désert, on ne rouait plus, on pendait. Quant aux « coureurs d’assemblées », tout pacifiques qu’ils fussent apparemment, ils étaient envoyés comme par le passé aux galères ou en prison. En 1775 seulement, les deux derniers forçats huguenots sortirent du bagne. Et pourtant, Charles Bost a raison : les protestants se sentaient plus libres et ils l’étaient. Car si les autorités continuèrent à exiger que les baptêmes, les mariages, les enterrements se fissent à l’église et pourchassèrent toute expression publique de la foi réformée, elles fermèrent le plus souvent les yeux sur l’assistance à la messe et, comme l’admettait l’intendant du Languedoc en 1751, « chaque particulier avait la liberté de dire des psaumes et de lire des livres saints dans sa maison ». Cette tolérance fut une victoire camisarde, rappelons-le ; et il est indubitable que la peur de réveiller les désordres, plus qu’une soudaine indulgence pour les protestants, contraignit les autorités à respecter leur promesse.
[…]Les protestants durent attendre 1787 pour se voir enfin accorder un état civil, c’est-à-dire le droit de faire enregistrer leurs naissances, leurs baptêmes, leurs mariages, leurs décès. On réhabilita ou officialisa les mariages antérieurs célébrés au Désert ; on légitima les enfants nés de ces unions. Néanmoins, ni la liberté de culte ni la liberté de conscience ne furent officiellement reconnues. Il leur fallut attendre deux ans encore : le 24 décembre 1789, l’Assemblée constituante accordait aux protestants la plénitude des droits civiques et politiques. Dès 1791, on renonçait à proclamer le culte catholique « seul autorisé » .
La lutte que les protestants de France livrèrent au cours des siècles pour sauver leur foi atteignait son but. Les camisards n’avaient pas combattu pour rien. Sans leur intervention, qui sait même si le protestantisme en France, comme l’espéraient Fléchiers et Basville, n’aurait pas fini par disparaître. C’est dans le vide laissé dans les Cévennes et le Bas-Languedoc par le départ des prédicants, en 1699, que s’installèrent les prophètes, porteurs du glaive de la vengeance.
Source : Les camisards, 1702-1704, Liliane Crété
Pour aller plus loin :
- Comprendre la révolte des camisards, textes Marianne Carbonnier-Burkard; photographies Jacques Debru; avec la collaboration du Musée du Désert de Mialet
- Une guerre sans épithète : les troubles des Cévennes au prisme catholique : Déchirures civiles et violences de religion (vers 1685 – vers 1710), Chrystel Bernat, Revue de l’Histoire des Religions, 4/2009
- Protestants et catholiques face à la Révolution dans les montagnes du Languedoc, Valérie Sottocasa, Annales historiques de la Révolution française, janvier-mars 2009
Bonne journée.
La révolte des Camisards, alimentée par les arrestations, condamnations et persécutions à l’égard des protestants, éclate en 1702 et s’achève sur une défaite en 1704 :
La guerre proprement dite, ne dure que deux ans mais elle mobilise deux maréchaux de France et 25 000 soldats. Les Camisards font subir quelques défaites aux troupes royales. Leurs chefs les plus prestigieux sont Rolland et Jean Cavalier.
En mai 1704, après une défaite, Jean Cavalier accepte de négocier avec le maréchal de Villars. Il se rend et peut quitter la France. Parmi les autres chefs camisards certains sont tués, d’autres se rendent. Ils négocient avec le maréchal de Villars en ordre dispersé. Des tentatives pour relancer l’insurrection ont lieu jusqu’en 1710. Elles échouent toutes.
Qui sont ces camisards qui mettent en échec pendant près de deux ans les troupes de Louis XIV, une des meilleures armées d’Europe ? Des paysans ou artisans cévenols répartis en petites troupes par région avec des cadres permanents et des soldats occasionnels. Leurs chefs sont pour la plupart très jeunes et n’ont aucune formation militaire. Leur parfaite connaissance du terrain et le soutien de la population rendent cette guérilla efficace. La violence est extrême tant du côté camisard que de celui des troupes royales qui vont jusqu’à brûler des villages entiers. Le pays est mis à feu et à sang. Cette guérilla a une visée essentiellement religieuse : rétablir la liberté de culte. Au sein des troupes camisardes, une intense activité religieuse se développe : cultes clandestins, chant des psaumes, prières animées par des prédicateurs improvisés ou des prophètes. Les prophètes cévenols ont un rôle important dans cette guerre puisque c’est sous leur inspiration que sont déclenchées attaques ou opérations militaires. C’est pourquoi certains ont pu parler de « guerre sainte ».
La guerre des Camisards (1702-1710), museeprotestant.org
La rébellion écrasée, les assemblées demeuraient interdites, traquées et sévèrement réprimées.
La liberté de culte tant attendue par les Camisards ne sera obtenue qu’à la Révolution française en 1789.
Source : L’histoire des Camisards, museedudesert.com
En conclusion de son ouvrage sur les Camisards, Liliane Crété revient sur les conséquences de cette rébellion sur la vie des protestants jusqu’à la Révolution :
Tragiquement ou misérablement, les protagonistes en exil, les uns après les autres, disparurent ou tombèrent dans l’oubliette de l’Histoire. […] Alors une question se pose : la guerre des camisards fut-elle un drame inutile ? […] Sur les conséquences de la rébellion pour les protestants, l’opinion fut […] divisée. Même les réformés ne s’accordèrent pas entre eux. Pour les uns, le souvenir de l’insurrection aviva la persécution car les ecclésiastiques et les dévots l’employèrent comme épouvantail pour réveiller le zèle des puissances laïques lorsque celui-ci faiblissait trop à leur goût ; pour d’autres, comme le pasteur Charles Bost, elle laissa un souvenir si effrayant dans les mémoires que les « puissances » du Languedoc n’osèrent plus sévir aussi durement que ne l’avait fait Basville. « Les protestants, écrit-il, ne furent plus forcés d’aller à la messe. On les laissa plus libres quand on les craignit davantage.
A première vue, il apparaît que sous Louis XV la répression contre les « mal convertis » fut exercée avec une grande rigueur. Seule amélioration pour les pasteurs et les prédicants de l’Eglise du Désert, on ne rouait plus, on pendait. Quant aux « coureurs d’assemblées », tout pacifiques qu’ils fussent apparemment, ils étaient envoyés comme par le passé aux galères ou en prison. En 1775 seulement, les deux derniers forçats huguenots sortirent du bagne. Et pourtant, Charles Bost a raison : les protestants se sentaient plus libres et ils l’étaient. Car si les autorités continuèrent à exiger que les baptêmes, les mariages, les enterrements se fissent à l’église et pourchassèrent toute expression publique de la foi réformée, elles fermèrent le plus souvent les yeux sur l’assistance à la messe et, comme l’admettait l’intendant du Languedoc en 1751, « chaque particulier avait la liberté de dire des psaumes et de lire des livres saints dans sa maison ». Cette tolérance fut une victoire camisarde, rappelons-le ; et il est indubitable que la peur de réveiller les désordres, plus qu’une soudaine indulgence pour les protestants, contraignit les autorités à respecter leur promesse.
[…]Les protestants durent attendre 1787 pour se voir enfin accorder un état civil, c’est-à-dire le droit de faire enregistrer leurs naissances, leurs baptêmes, leurs mariages, leurs décès. On réhabilita ou officialisa les mariages antérieurs célébrés au Désert ; on légitima les enfants nés de ces unions. Néanmoins, ni la liberté de culte ni la liberté de conscience ne furent officiellement reconnues. Il leur fallut attendre deux ans encore : le 24 décembre 1789, l’Assemblée constituante accordait aux protestants la plénitude des droits civiques et politiques. Dès 1791, on renonçait à proclamer le culte catholique « seul autorisé » .
La lutte que les protestants de France livrèrent au cours des siècles pour sauver leur foi atteignait son but. Les camisards n’avaient pas combattu pour rien. Sans leur intervention, qui sait même si le protestantisme en France, comme l’espéraient Fléchiers et Basville, n’aurait pas fini par disparaître. C’est dans le vide laissé dans les Cévennes et le Bas-Languedoc par le départ des prédicants, en 1699, que s’installèrent les prophètes, porteurs du glaive de la vengeance.
Source : Les camisards, 1702-1704, Liliane Crété
- Comprendre la révolte des camisards, textes Marianne Carbonnier-Burkard; photographies Jacques Debru; avec la collaboration du Musée du Désert de Mialet
- Une guerre sans épithète : les troubles des Cévennes au prisme catholique : Déchirures civiles et violences de religion (vers 1685 – vers 1710), Chrystel Bernat, Revue de l’Histoire des Religions, 4/2009
- Protestants et catholiques face à la Révolution dans les montagnes du Languedoc, Valérie Sottocasa, Annales historiques de la Révolution française, janvier-mars 2009
Bonne journée.
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