Question d'origine :
Bonjour,
Au cours du Moyen Âge, le monde chrétien était tenu à moult périodes de jeunes imposées par l'Eglise durant lesquelles la consommation de viande était prescrite. A la fin du XIIIe siècle ces jours dits "maigres" concernaient entre 120 et 182 jours par an.
Cependant, il semble qu'il faille relativiser cela car le poisson n'était pas le seul animal autorisé à être consommé d'après une source que je n'arrive plus à retrouver. Qu'était donc interdit et autorisé durant ce XIIIe siècle ?
Pourriez-vous m'aider sur ce sujet ?
Merci d'avance
Cordialement
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 19/02/2016 à 16h25
Bonjour,
La définition du jeûne dans Dictionnaire du Moyen Age comme celle du Dictionnaire encyclopédique du Moyen Age mettent l’accent sur la différence entre le jeûne qui consiste à ne rien manger du tout et l’abstinence qui consiste à ne pas manger certains aliments .
Ceci étant dit, jeûne (sur un temps cours) et abstinence se confondent au Moyen-Age.
Dans Manger au Moyen-Age , Bruno Laurioux nous entraîne dans une découverte du monde médiéval ou la cuisine est tributaire des contraintes naturelles et économiques aussi bien que religieuses et culturelles.
P. 108 et suivantes, il tient notamment une comptabilité très précise des jours d’abstinence.(On pouvait jeûner presque 200 jours par an).
Mais intéressons-nous plutôt à ce qui vous préoccupe:
L’église chrétienne latine encadre la quasi-totalité de la population ; les autorités ecclésiastiques s’évertuent à maintenir un calendrier de privations dont l’application dans le détail dépend beaucoup des coutumes locales…
Si l’église n’interdit pas absolument quelque aliment que ce soit, elle peut en prohiber la consommation à certains moments. Les règlements de toutes sortes, parfois contradictoires, qui constituent le droit canonique appellent ces périodes de privations des jeûnes.Le jeûne est une pratique très ancienne dans le christianisme, qui l’a héritée de la religion juive…
Aux yeux du fidèle, le jeûne apparaît avant tout comme une pénitence, pour ne pas dire une punition. Les tribunaux ecclésiastiques continuent à l’imposer à ceux qui ont commis des fautes…
Le jeûne a été institué par l’Eglise pour réprimer la convoitise des plaisirs du toucher qui ont pour objet la nourriture et la volupté ; l’abstinence doit donc porter sur les aliments les plus délectables et les plus excitants ; Telle est la chair des quadrupèdes et des oiseaux, tels aussi le laitage et les œufs ; ce qui n’est pas le cas des poissons puisque, selon une opinion très ancienne, « ils ne produisent pas l’incendie de la luxure » ; Comme on le verra, les poissons constituent la pièce essentielle, l’aliment qui finit par la symboliser…
Un jeûne complet et étalé sur plusieurs semaines est un exploit digne d’un personnage biblique ou d’un saint ; le commun des chrétiens est tenu à de moins rudes obligations ; originellement, le jeûne s’étendait sur une privation de toute nourriture jusqu’à l’heure de vêpres, c'est-à-dire le coucher du soleil, à l’instar de ce que les musulmans pratiquent encore aujourd’hui lors de ramadan. Dès l’époque carolingienne, et malgré la résistance des autorités ecclésiastiques, le moment de ce premier reps est avancé jusqu’à none, c'est-à-dire la neuvième des heures du jour (et ola troisième après midi), qui était aussi celle de la mort du Christ. On aura même de plus en plus tendance dans les milieux monastiques où la prescription du repas unique se maintient théoriquement, à faire glisser none, et par conséquent le moment de rompre le jeûne, jusqu’au milieu du jour : l’après midi en anglais en gardera son nom d’ »afternoon » (après none »….
Si le droit canonique définit la périodisation des jeûnes obligatoires, la nature des aliments qui sont alors autorisés aux fidèles peut beaucoup varier, dans le temps comme dans l’espace ; Ces variations suivent cependant les mêmes principes, en distinguant plusieurs degrés d’abstinence…L’abstinence minimale est celle des jours maigres des périodes ordinaires (c'est-à-dire grasses), où l’on doit seulement se passer de viande…le maximum de privation est atteint lors du carême durant lequel, tous les jours, on doit s’interdire, outre la viande et les graisses animales, les laitages et les œufs qui sont bel et bien produits par des animaux à viande ; on a la le noyau dur de l’abstinence médiévale, admis partout sans aucune réserve ; entre les deux figurent les vigiles où la viande est prohibée mais pas les laitages, ni les œufs…
Il existe cependant de multiples dispenses, dont vous nous ferons grâce
L’alternance entre jours gras et jours maigres structure la plupart des livres de cuisine du XIVe et XVe siècles qui proposent souvent des versions de leurs plats de viande pour « les jours de poisson » ou le carême ; certains adaptent même des pâtés au fromage conçus pour les jours maigres, en ne leur donnant qu’une « saveur » de fromage »…
Venons –en maintenant à ce que l’auteur appelle les« aliments ambigus » : Nombreux étaient les chrétiens du Moyen-Age qui ne pouvaient arguer d’une maladie ou de leur âge pour échapper aux rigueurs du jeûne ; certains animaux, dont les particularités déjouaient les classements pointilleux des canonistes, leur offrait alors une ressource ;
En premier lieu le castor, qui présente l’immense avantage d’être amphibie…sa queue a la saveur et la nature du poisson ; une partie de sa queue est mangeable mais l’autre est interdite à l’usage ; quand au reste du corps, c’est de la viande…Et de ce fait, rapporte Giraud de Barri « en Allemagne et dans les régions nordiques où les castors abondent, de grands hommes et des religieux en mangent la queue comme poisson en temps de jeûnes »…
La bernache (ou barnacle) n’a pas suscité autant de commentaires gourmands que le castor ; cette petite oie sauvage d’arctique qui hiverne sur les côtes de la mer du nord a pourtant joué un rôle fort important dans les représentations alimentaires, sinon dans la consommation ; Les bernaches sont en effet censées ne pas se reproduire naturellement au moyen des œufs par une génération spontanée, comme fruits d’un arbre d’où elles tombent à l’eau, ou bien encore à partir des coquillages formés sur l.re bois en putréfaction qui flotte dans la mer : le coquillage en question, l’anatife, que l’on appelle encore aujourd’hui bernache comme l’oiseau, est en réalité un crustacé qui, vu sous un certain angle, peut évoquer une oie en miniature, source probable de la légende ; fruit ou même fruit de » mer, la bernache n’est pas considérée comme un véritable oiseau et les populations côtières d’Irlande, des Flandres, ou d’Allemagne n’hésitent pas à en manger durant le carême, ce que contestent vigoureusement de nombreux canonistes et théologiens…
Voir aussi :
Manger chrétien, une exposition de la BNF
La définition du jeûne dans Dictionnaire du Moyen Age comme celle du Dictionnaire encyclopédique du Moyen Age mettent l’accent sur la différence entre le jeûne qui consiste à ne rien manger du tout et l’abstinence qui consiste à ne pas manger certains aliments .
Ceci étant dit, jeûne (sur un temps cours) et abstinence se confondent au Moyen-Age.
Dans Manger au Moyen-Age , Bruno Laurioux nous entraîne dans une découverte du monde médiéval ou la cuisine est tributaire des contraintes naturelles et économiques aussi bien que religieuses et culturelles.
P. 108 et suivantes, il tient notamment une comptabilité très précise des jours d’abstinence.(On pouvait jeûner presque 200 jours par an).
Mais intéressons-nous plutôt à ce qui vous préoccupe:
L’église chrétienne latine encadre la quasi-totalité de la population ; les autorités ecclésiastiques s’évertuent à maintenir un calendrier de privations dont l’application dans le détail dépend beaucoup des coutumes locales…
Si l’église n’interdit pas absolument quelque aliment que ce soit, elle peut en prohiber la consommation à certains moments. Les règlements de toutes sortes, parfois contradictoires, qui constituent le droit canonique appellent ces périodes de privations des jeûnes.Le jeûne est une pratique très ancienne dans le christianisme, qui l’a héritée de la religion juive…
Aux yeux du fidèle, le jeûne apparaît avant tout comme une pénitence, pour ne pas dire une punition. Les tribunaux ecclésiastiques continuent à l’imposer à ceux qui ont commis des fautes…
Le jeûne a été institué par l’Eglise pour réprimer la convoitise des plaisirs du toucher qui ont pour objet la nourriture et la volupté ; l’abstinence doit donc porter sur les aliments les plus délectables et les plus excitants ; Telle est la chair des quadrupèdes et des oiseaux, tels aussi le laitage et les œufs ; ce qui n’est pas le cas des poissons puisque, selon une opinion très ancienne, « ils ne produisent pas l’incendie de la luxure » ; Comme on le verra, les poissons constituent la pièce essentielle, l’aliment qui finit par la symboliser…
Un jeûne complet et étalé sur plusieurs semaines est un exploit digne d’un personnage biblique ou d’un saint ; le commun des chrétiens est tenu à de moins rudes obligations ; originellement, le jeûne s’étendait sur une privation de toute nourriture jusqu’à l’heure de vêpres, c'est-à-dire le coucher du soleil, à l’instar de ce que les musulmans pratiquent encore aujourd’hui lors de ramadan. Dès l’époque carolingienne, et malgré la résistance des autorités ecclésiastiques, le moment de ce premier reps est avancé jusqu’à none, c'est-à-dire la neuvième des heures du jour (et ola troisième après midi), qui était aussi celle de la mort du Christ. On aura même de plus en plus tendance dans les milieux monastiques où la prescription du repas unique se maintient théoriquement, à faire glisser none, et par conséquent le moment de rompre le jeûne, jusqu’au milieu du jour : l’après midi en anglais en gardera son nom d’ »afternoon » (après none »….
Si le droit canonique définit la périodisation des jeûnes obligatoires, la nature des aliments qui sont alors autorisés aux fidèles peut beaucoup varier, dans le temps comme dans l’espace ; Ces variations suivent cependant les mêmes principes, en distinguant plusieurs degrés d’abstinence…L’abstinence minimale est celle des jours maigres des périodes ordinaires (c'est-à-dire grasses), où l’on doit seulement se passer de viande…le maximum de privation est atteint lors du carême durant lequel, tous les jours, on doit s’interdire, outre la viande et les graisses animales, les laitages et les œufs qui sont bel et bien produits par des animaux à viande ; on a la le noyau dur de l’abstinence médiévale, admis partout sans aucune réserve ; entre les deux figurent les vigiles où la viande est prohibée mais pas les laitages, ni les œufs…
Il existe cependant de multiples dispenses, dont vous nous ferons grâce
L’alternance entre jours gras et jours maigres structure la plupart des livres de cuisine du XIVe et XVe siècles qui proposent souvent des versions de leurs plats de viande pour « les jours de poisson » ou le carême ; certains adaptent même des pâtés au fromage conçus pour les jours maigres, en ne leur donnant qu’une « saveur » de fromage »…
Venons –en maintenant à ce que l’auteur appelle les
En premier lieu le castor, qui présente l’immense avantage d’être amphibie…sa queue a la saveur et la nature du poisson ; une partie de sa queue est mangeable mais l’autre est interdite à l’usage ; quand au reste du corps, c’est de la viande…Et de ce fait, rapporte Giraud de Barri « en Allemagne et dans les régions nordiques où les castors abondent, de grands hommes et des religieux en mangent la queue comme poisson en temps de jeûnes »…
La bernache (ou barnacle) n’a pas suscité autant de commentaires gourmands que le castor ; cette petite oie sauvage d’arctique qui hiverne sur les côtes de la mer du nord a pourtant joué un rôle fort important dans les représentations alimentaires, sinon dans la consommation ; Les bernaches sont en effet censées ne pas se reproduire naturellement au moyen des œufs par une génération spontanée, comme fruits d’un arbre d’où elles tombent à l’eau, ou bien encore à partir des coquillages formés sur l.re bois en putréfaction qui flotte dans la mer : le coquillage en question, l’anatife, que l’on appelle encore aujourd’hui bernache comme l’oiseau, est en réalité un crustacé qui, vu sous un certain angle, peut évoquer une oie en miniature, source probable de la légende ; fruit ou même fruit de » mer, la bernache n’est pas considérée comme un véritable oiseau et les populations côtières d’Irlande, des Flandres, ou d’Allemagne n’hésitent pas à en manger durant le carême, ce que contestent vigoureusement de nombreux canonistes et théologiens…
Voir aussi :
Manger chrétien, une exposition de la BNF
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter