Question d'origine :
Bonjour guichet du savoir,
Se peut-il que le mot communauté ais plusieurs sens?
Comme par exemple aux États-Unis pour la plupart le mot communauté à une connotation plutôt religieuse tandis qu'ailleurs ce mot signifierais plutôt "société"...
Merci de votre réponse!!!!
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 22/04/2016 à 13h10
Bonjour,
Sans recourir à une enquête lexicographique complexe, il est facile de repérer que le sens du mot comporte des variations considérables d'une langue à l'autre et d'une situation d'emploi à l'autre. [...]
Différentes acceptions du terme "communauté"
Il n'est pas sans intérêt de montrer comment l'emploi de la notion de communauté renvoie, pour les groupes dotés de ressources historiques d'identification, à des modes très divers de définition de leur unité potentielle. La "communidade" portugaise reste fortement marquée par la nostalgie du projet impérial. C'est une catégorie "macrosociale" visant à rappeler l'unité indissolublement culturelle et politique d'une diaspora tellement éclatée qu'on ne s'y réfère souvent qu'au pluriel (communidades). La "comunità" italienne, à l'inverse des autres traditions européennes, renvoie très fréquemment à un espace urbain d'origine où peut se gérer "communalement" l'hétérogénéité croissante des situations produites par l'émigration2.
Mais les traditions les plus marquantes dont les interférences ajoutent sans doute à la confusion des propos actuels sont celles des sociologies anglo-saxonnes, d'une part, allemandes, d'autre part. Pour les premières, il s'agit principalement d'une catégorie sociopolitique qui désigne la façon dont, au niveau local, les gens s'organisent pour résoudre les problèmes posés par le développement économique et social "[dans les années 50] il y eut un intérêt croissant pour la façon dont opéraient les associations fondées sur le volontariat et les institutions politiques de la communauté locale qui aident à la régulation du changement économique et social" (Encyclopedia Britannica, article"Sociology", 1968). Est donc "communautaire", si l'on veut caractériser schématiquement une telle sémantique, la mobilisation des ressources liées au voisinage, à la proximité, de façon à pallier, sur un plan collectif, la déstructuration sociale qu'entraîne la modernité. On conçoit qu'on puisse aisément désigner par là non seulement la solidarité locale, mais aussi celle fondée sur l'ethnicité ou la culture religieuse. Cet ensemble de connotations étrangères aux conceptions étatiques de solidarité sociale a inspiré très clairement le titre de la première institution mise en place en Grande-Bretagne pour traiter des problèmes d'immigration : la Community Relations Commission (1968). Ce n'est pas non plus par hasard qu'elle fut remplacée assez vite par la Commission on Racial Equality. Même chez les Anglo-Saxons, le souci de déléguer à chaque groupe le soin de résoudre ses propres problèmes atteint rapidement les limites de l'acceptable ou tout simplement du possible.
Chez les Allemands, la notion de communauté fut l'objet d'une élaboration beaucoup plus proprement théorique. On leur doit, surtout à partir de Tônnies, la classification bipolaire des formes d'organisation collective opposant la "communauté" (Gemeinschaft) plus primitive à la société (Gesellschaft) liée au développement du capitalisme. D'un côté, les liens "du sang, du lieu et de l'âme", à forte charge émotionnelle. De l'autre, la relation contractuelle gouvernée par l'intérêt individuel. À partir de là, Max Weber opposera, avec sans doute plus de pertinence, plutôt deux sortes de processus que deux types globaux d'unité collective : d'un côté la communalisation qui évoque la pertinence du "sentiment subjectif des participants d'appartenir à une même communauté"3 ; de l'autre la socialisation qui renvoie à la négociation du lien social à partir de la "rationalité", c'est-à-dire de son évaluation en termes d'intérêt économique individuel. Cette opposition est plus ou moins étroitement corrélée avec d'une part la clôture, d'autre part l'ouverture des groupes. Ainsi employé dans toute sa rigueur, le type idéal wébérien de "communalisation" ne s'applique qu'à des groupes eux-mêmes constitués par des unités collectives, d'ordre familial ou ethnique4.
Usages populaires
Lorsque les immigrés eux-mêmes invoquent leur "communauté", il est clair qu'il est difficile de référer leur propos à l'une ou l'autre tradition. En général, ce qu'ils désignent ainsi par opposition sémantique aux Français ou autres groupes immigrés désigne simplement une unité nominale dont aucun dispositif institutionnel déterminé ne précise les limites ni ne montre la cohésion.
Nous vous laissons consulter cet article dans son intégralité : "Communauté" : discours savants, usages populaires (Rétrospective) écrit par Marie-Antoinette HILY et Michel ORIOL, à l'Institut d'études et de recherches interethniques et interculturelles (IDERIC) de Nice.
Nous vous invitons également à lire le livre de Cherry Schrecker La Communauté. Histoire critique d'un concept dans la communauté anglo-saxonne que vous pourrez localiser grâce au catalogue du SUDOC.
Le concept de communauté, qui a ses origines dans la sociologie allemande, est souvent employé sans recours à une définition précise. Des situations sociales très diverses sont examinées sous l'égide de cette notion. Cet ouvrage retrace les origines de ce concept et son utilisation dans la sociologie américaine et britannique.
Après avoir présenté les débats théoriques, l'attention est dirigée vers les études de communauté (community studies) effectuées en grand nombre aux Etats-Unis et en
Grande-Bretagne
Quelques articles présentent cet ouvrage :
* Cherry Schrecker, La Communauté. Histoire critique d’un concept dans la sociologie anglo-saxonne/ Samuel Lézé - L’Homme, 187-188 | 2008, 482-483.
* La communauté. Histoire critique d'un concept dans la sociologie anglo-saxonne / Melchior, le site des sciences économiques et sociales
* Le concept de communauté dans la sociologie anglo-saxonne / Cherry SCHRECKER, chercheur au laboratoire LASTES de l'université de Nancy II
A consulter également :
- un article de Jacquier Claude : « Qu'est-ce qu'une communauté ? En quoi cette notion peut-elle être utile aujourd'hui?. », Vie sociale 2/2011 (N° 2) , p. 33-48.
- QU'EST CE QU'UNE COMMUNAUTÉ ? - Mana n°16 - Sous la direction de Sylvain Pasquier
Bonne journée.
Sans recourir à une enquête lexicographique complexe, il est facile de repérer que le sens du mot comporte des variations considérables d'une langue à l'autre et d'une situation d'emploi à l'autre. [...]
Il n'est pas sans intérêt de montrer comment l'emploi de la notion de communauté renvoie, pour les groupes dotés de ressources historiques d'identification, à des modes très divers de définition de leur unité potentielle. La "communidade" portugaise reste fortement marquée par la nostalgie du projet impérial. C'est une catégorie "macrosociale" visant à rappeler l'unité indissolublement culturelle et politique d'une diaspora tellement éclatée qu'on ne s'y réfère souvent qu'au pluriel (communidades). La "comunità" italienne, à l'inverse des autres traditions européennes, renvoie très fréquemment à un espace urbain d'origine où peut se gérer "communalement" l'hétérogénéité croissante des situations produites par l'émigration2.
Mais les traditions les plus marquantes dont les interférences ajoutent sans doute à la confusion des propos actuels sont celles des sociologies anglo-saxonnes, d'une part, allemandes, d'autre part. Pour les premières, il s'agit principalement d'une catégorie sociopolitique qui désigne la façon dont, au niveau local, les gens s'organisent pour résoudre les problèmes posés par le développement économique et social "[dans les années 50] il y eut un intérêt croissant pour la façon dont opéraient les associations fondées sur le volontariat et les institutions politiques de la communauté locale qui aident à la régulation du changement économique et social" (Encyclopedia Britannica, article"Sociology", 1968). Est donc "communautaire", si l'on veut caractériser schématiquement une telle sémantique, la mobilisation des ressources liées au voisinage, à la proximité, de façon à pallier, sur un plan collectif, la déstructuration sociale qu'entraîne la modernité. On conçoit qu'on puisse aisément désigner par là non seulement la solidarité locale, mais aussi celle fondée sur l'ethnicité ou la culture religieuse. Cet ensemble de connotations étrangères aux conceptions étatiques de solidarité sociale a inspiré très clairement le titre de la première institution mise en place en Grande-Bretagne pour traiter des problèmes d'immigration : la Community Relations Commission (1968). Ce n'est pas non plus par hasard qu'elle fut remplacée assez vite par la Commission on Racial Equality. Même chez les Anglo-Saxons, le souci de déléguer à chaque groupe le soin de résoudre ses propres problèmes atteint rapidement les limites de l'acceptable ou tout simplement du possible.
Chez les Allemands, la notion de communauté fut l'objet d'une élaboration beaucoup plus proprement théorique. On leur doit, surtout à partir de Tônnies, la classification bipolaire des formes d'organisation collective opposant la "communauté" (Gemeinschaft) plus primitive à la société (Gesellschaft) liée au développement du capitalisme. D'un côté, les liens "du sang, du lieu et de l'âme", à forte charge émotionnelle. De l'autre, la relation contractuelle gouvernée par l'intérêt individuel. À partir de là, Max Weber opposera, avec sans doute plus de pertinence, plutôt deux sortes de processus que deux types globaux d'unité collective : d'un côté la communalisation qui évoque la pertinence du "sentiment subjectif des participants d'appartenir à une même communauté"3 ; de l'autre la socialisation qui renvoie à la négociation du lien social à partir de la "rationalité", c'est-à-dire de son évaluation en termes d'intérêt économique individuel. Cette opposition est plus ou moins étroitement corrélée avec d'une part la clôture, d'autre part l'ouverture des groupes. Ainsi employé dans toute sa rigueur, le type idéal wébérien de "communalisation" ne s'applique qu'à des groupes eux-mêmes constitués par des unités collectives, d'ordre familial ou ethnique4.
Usages populaires
Lorsque les immigrés eux-mêmes invoquent leur "communauté", il est clair qu'il est difficile de référer leur propos à l'une ou l'autre tradition. En général, ce qu'ils désignent ainsi par opposition sémantique aux Français ou autres groupes immigrés désigne simplement une unité nominale dont aucun dispositif institutionnel déterminé ne précise les limites ni ne montre la cohésion.
Nous vous laissons consulter cet article dans son intégralité : "Communauté" : discours savants, usages populaires (Rétrospective) écrit par Marie-Antoinette HILY et Michel ORIOL, à l'Institut d'études et de recherches interethniques et interculturelles (IDERIC) de Nice.
Nous vous invitons également à lire le livre de Cherry Schrecker La Communauté. Histoire critique d'un concept dans la communauté anglo-saxonne que vous pourrez localiser grâce au catalogue du SUDOC.
Le concept de communauté, qui a ses origines dans la sociologie allemande, est souvent employé sans recours à une définition précise. Des situations sociales très diverses sont examinées sous l'égide de cette notion. Cet ouvrage retrace les origines de ce concept et son utilisation dans la sociologie américaine et britannique.
Après avoir présenté les débats théoriques, l'attention est dirigée vers les études de communauté (community studies) effectuées en grand nombre aux Etats-Unis et en
Grande-Bretagne
Quelques articles présentent cet ouvrage :
* Cherry Schrecker, La Communauté. Histoire critique d’un concept dans la sociologie anglo-saxonne/ Samuel Lézé - L’Homme, 187-188 | 2008, 482-483.
* La communauté. Histoire critique d'un concept dans la sociologie anglo-saxonne / Melchior, le site des sciences économiques et sociales
* Le concept de communauté dans la sociologie anglo-saxonne / Cherry SCHRECKER, chercheur au laboratoire LASTES de l'université de Nancy II
A consulter également :
- un article de Jacquier Claude : « Qu'est-ce qu'une communauté ? En quoi cette notion peut-elle être utile aujourd'hui?. », Vie sociale 2/2011 (N° 2) , p. 33-48.
- QU'EST CE QU'UNE COMMUNAUTÉ ? - Mana n°16 - Sous la direction de Sylvain Pasquier
Bonne journée.
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