Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaite rédiger mon dossier d'art visuel dans le cadre du CRPE et j'ai fait plusieurs séances avec les élèves de ce2 autour du chien (dessin petit modèle en feutres, grand format sur feuilles cartonnées et peinture... même dessin sur des œufs de Pâques et autre déco sur set pour la fête des mères...) cependant, j'ai peu recueilli d'informations pertinentes sur ce chien ( histoires ou origines, sens...).
Aussi, je souhaite faire un lien avec un travail en littérature niveau ce2 avec le fil conducteur de k Haring mais je ne trouve absolument rien ! Avez vous des données à me communiquer?
Comptant vivement sur vous,
En attendant de vous lire et vous remerciant par avance,
Bien cordialement,
Sandra
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 27/04/2016 à 13h42
Nous pouvons répondre à votre première quête d'informations sur le "chien" de Keith Haring.
Un Point d’actualité extrêmement complet, rédigé à l’occasion de l’exposition rétrospective au Musée d’Art Moderne de Lyon en 2008, liste les ouvrages clés pour l'analyse de l’œuvre et la compréhension de celle-ci.
Dans l’ouvrage the Political Line paru en 2013, page 20, tout un chapitre est consacré au chien en particulier et au sens que lui donne l’artiste:
« La signification de ces images varie selon leur contextualisation les unes par rapport aux autres. Ainsi le chien peut avoir
Dans un dessin de 1981, deux chiens attaquent de leurs gueules grandes ouvertes, un tagueur.
Dramatisée par les projections de peinture rouge, qui font allusion au sang jaillissant du tagueur aussi bien qu’à la couleur qu’il utilise, la scène se déroule en 2D, exactement comme dans
« Imaginez une vaste feuille de papier sur laquelle des lignes droites, des triangles, des carrés, des pentagones, des hexagones et autres figures, au lieu de rester à leur juste place, se meuvent en toute liberté, sur ou dans la surface, mais sans la capacité de s’élever au-dessus ou de sombrer en-dessous, exactement comme des ombres -mais rigides avec des arêtes claires-, et vous vous ferez alors une idée assez juste de ce pays et de ses habitants ».
Les personnage de Haring évoluent dans ce Flatland, réduits à leur contours simplifiés au maximum, la plupart du temps sans rien d’individuel, interchangeables et faciles à reproduire.
Ils sont des signes, ou plus exactement des icônes au sens de
Cependant c’est d’abord par les relations que les icônes entretiennent entre elles que leurs significations se développent dans le langage de Haring, puis jouent à leur tour avec des codes sociaux identifiables.
La silhouette libre de signification du chien à la gueule grande ouverte peut aussi bien représenter un chien qui aboie, qui mord ou qui halète. Le contexte ne prend tout son sens que lorsque l’on fait le lien avec la silhouette humaine qui s’écroule et sa bombe aérosol.
Dans d’autres œuvres le chien est représenté par un veau d’or, ou en train de copuler avec un autre chien ou un humain, ou bien encore, il est atteint par les rayons d’un ovni.
Dans l’une de ses premières peintures sur bâche de 1982, Haring dessina la silhouette d’un homme debout avec un énorme trou dans le ventre, au travers duquel sautent des chiens comme à travers un anneau de cirque.
L’artiste expliqua : « il s’agit d’une simple image qui vient de l’histoire de John Lennon avec le type au ventre troué et des chiens sautant à travers le trou. »
Haring faisait sans doute allusion à l’assassinat de John Lennon par le malade mental Mark David Chapman devant le Dakota Building à New York, le 8 décembre 1980.
Comme dans une bande dessinée il agrandit l’impact de la balle à la taille d’une ouverture, gigantesque par rapport aux proportions du corps, qui, à cause de son contour rouge, devient un anneau. Ce motif s’explique lorsque l’on regarde la Times Square Animation Vidéo de 1982.
Elle commence avec un bébé et un chien rayonnants. Puis, l’on voit un chien qui poursuit en aboyant un homme en train de descendre un escalier. Une ampoule s’allume -comme une idée lumineuse- et une télévision apparait. Celle-ci montre un homme avec une croix à la main, à la suite duquel un autre homme, venant dans la direction opposée, également une croix à la main, gravit un escalier en courant.
Lorsque les deux hommes se retrouvent sur le palier, le second dissimule sa croix derrière son dos, attrape un bâton et empale le premier qui tombe alors en arrière dans les escaliers et finit par flotter sur les dernières marches. Le petit trou s’élargit en un grand anneau à travers lequel enfin, comme dans un tableau, sautent les chiens. Le film d’animation se termine sur les mêmes chien et bébé rayonnants.
Cette scène de l’homme poursuivi par un chien a conduit à celle de la bâche où les mêmes chiens qui avaient auparavant chassé l’homme finissent par sauter à travers son corps et le pénétrer. Il devient alors évident que ces scènes indépendantes sont reliées entre elles, même si Haring les dote chacune d’une nouvelle signification en leur apportant de légères modifications ou en les mettant en scène différemment.
Ces scènes autonomes deviennent ainsi, à l’instar des icônes, des signes, dont le sens ne prend souvent toute son ampleur qu’avec les autres scènes, ou reste matière à diverses interprétations.
Ainsi, l’artiste reprit également la scène de la bâche avec un dessin où des chiens sautent au travers du corps d’un homme, ce dernier tenant à la main un bâton rayonnant (activité) qui a été ou sera utilisé par ou contre lui.
Haring présentera une autre fois, sur une poutre d’acier peinte, une scène où des chiens sont à la poursuite d’hommes. L’un des chiens finit par se transformer lui-même en un homme, qui, à son tour, titube et tombe.
Les scènes s’enchainent ainsi les unes aux autres, comme dans un film, tout en ayant lieu dans un Flatland.
Il en va de même pour les chiens debout, visiblement amusés, qui foulent les hommes de leurs pieds et les font tournoyer comme dans une danse macabre. Dans un tableau de 1983, leurs têtes sont remplacées par des masques de crocodiles. Les bêtes dansantes se révèlent alors être des tortionnaires géants ; piétinant sans pitié une masse d’hommes, en maltraitant certains pris au hasard, elles évoquent l’holocauste et le sadisme des nazis.
Il serait cependant erroné de supposer que toutes ces figures stéréotypées de chiens et d’hommes traduisent l’aspiration de l’artiste à l’uniformisation : « il est important, pour l’existence future de la race humaine, que l’on comprenne l’importance de l’individu et le fait que nous sommes tous différents, tous particuliers, tous changeants, et tous prenant par à « l’ensemble » en tant qu’individus, non en tant que groupes ou produits « d’identité de masse », groupes « anti-individuels », « stéréotypés », de personnes avec les mêmes objectifs, les mêmes idées et les mêmes besoins. »
En créant des icônes facilement identifiables d’un chien, d’un homme debout, courant ou tombant, Haring renvoie les spectateurs, passants fortuits ou visiteurs d’une exposition, aux tentatives de
Le bâton ayant servi à menacer, à frapper, à tuer des hommes, jusqu’à leur faire exploser la tête, est brisé et les oppresseurs sont affrontés. Sur une autre bâche, on voit un individu aux contours blancs sur fond noir et marqué d’une croix rouge ; écartelé par des mains géantes sortant des quatre coins du tableau, il est sur le point de se déchirer.
C’est le cri de l’individu auquel Haring fait écho : « je suis moi-même. Je te ressemble certes, mais si tu regardes de plus près, tu comprendras que je ne te ressemble pas du tout. Je suis très différent.»
Les hommes sont tous différents et doivent être considérés dans leur individualité. Par l’utilisation d’icônes, Haring cherche à provoquer notre imagination et nous incite à aller plus loin. Son art célèbre l’humanité en chacun de nous.
Nous vous conseillons également la lecture du Journal de Keith Haring qui regorge d’informations permettant d’être au plus près des ressentis et intentions de l’artiste.
Enfin Le chien dans l’art de Tamsin Pickeral offre une vision chronologique d’envergure sur la thématique canine dans l'art…
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