Question d'origine :
Bonjour Cher Guichet,
Certains militaires français de "l'armée d'armistice" qui avaient pris part aux combats fratricides en Syrie en 1941 contre les anglais et les Français Libres se sont vus retirer par la suite les distinctions qu'ils avaient pu obtenir à cette occasion :
Serait-il possible d'avoir des précisions sur ce douloureux épisode ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 25/10/2016 à 08h44
Bonjour,
Tout d’abord, un petit rappel des faits :
« La Syrie et le Liban étaient des territoires, placés sous tutelle française par un mandat de la SDN, que les Français considéraient donc comme faisant partie de leur Empire. Début 1941, le général Dentz y commandait une armée de 37 700 hommes dont 28 000 indigènes. En s'en échappant quelques mois avant pour rejoindre les Forces françaises libres en Palestine, le général de Larminat n'avait réussi à entrainer que 300 hommes.
Le 1er avril 1941, il se produit en Irak, pays sous influence britannique, un coup d'État anti-britannique soutenu par les services allemands. L'enjeu pétrolier est évidemment de première importance. Tout en négociant les protocoles de Paris dont l'un est relatif au Levant (nom alors donné à la région du Proche-Orient sous mandat français), Darlan, avec l'accord personnel du maréchal Pétain, approfondit la collaboration avec l'ennemi en lui accordant en Syrie un soutien technique, ainsi que la possibilité pour les avions de la Luftwaffe, d'utiliser les aérodromes de la Syrie pour aller bombarder les Britanniques en Irak. Darlan rencontre Hitler le 14 mai 1941, puis Otto Abetz avec lequel il signe les accords de Paris qui prévoient, entre autres, de façon explicite, l'utilisation des bases françaises en Syrie. Le général Dentz nommé haut-commissaire au Liban en décembre 1940 fait passer en Irak, pour le compte des Allemands, deux trains d'armes françaises destinées aux partisans de Rachid Ali. 70 avions allemands transitent au-dessus de la Syrie et du Liban et un bon nombre s'y ravitaillent.
Lorsque les Britanniques en ont fini avec la rébellion de Rachid Ali, avec l'accord de De Gaulle, ils attaquent les forces françaises de la Syrie et du Liban le 8 juin 1941. 30 000 soldats britanniques épaulés par 6 000 hommes de la division de Français libres attaquent les 40 000 hommes du général Dentz. Le général Collet se rallie avec quelques centaines de cavaliers tcherkesses, mais loin de se limiter à un « baroud d'honneur », le gros de l'armée française du général Dentz résiste. Les combats durent jusqu'au 14 juillet ... »
L’Armée de Vichy, sur Wikipedia
Dans son article En lisant l’ouvrage de Robert O. Paxton sur l’armée de Vichy et le corps des officiers français de 1940 à 1944, Pierre de Longuemar évoque les enjeux de ces batailles.
Pour aller plus loin :
- La France des années noires, sous la dir. de Jean-Pierre Azéma et de François Bédarida
- Plusieurs documents au CHRD sur la campagne de Syrie
- Les forces françaises vichyssoises combattent durant la guerre de Syrie, photos de l’ECPA, l’agence d’images de la Défense
- En Syrie, actualités « officielles » août 1941, INA
- L’armée de Vichy, Robert O. Paxton développe les conséquences de la défaite de l’armée en Syrie
- L’Armée française et les États du Levant: 1936-1946, Maurice Albord, en partie en ligne sur Google Livres, et également au catalogue de la BML donne de nombreux détails du déroulement des opérations.
- Un article sur l’armistice de Saint Jean d’Acre, par Anne-Lucie Chaigne-Oudin sur Les Clés du Moyen-Orient
Pour ce qui est des distinctions, il semble que les médailles décernées par le gouvernement de Vichy aient toutes connu plus ou moins le même sort. C’est le cas de la médaille commémorative du Levant :
« La Seconde Guerre Mondiale vit s'opposer au Levant des formations militaires françaises fidèles à Vichy pour les unes et aux Forces Françaises Libres pour les autres.
Le gouvernement de Vichy créa donc la Médaille Commémorative du Levant identique à la Médaille Commémorative de Syrie-Cilicie (opérations du 8 juin au 12 juillet 1941). Elle fut supprimée et son port interdit par une ordonnance du 13 avril 1944.
Le gouvernement de la France Libre fit fabriquer (à Londres) une Médaille du Levant (actions menées du 12 juillet 1941 au 14 août 1943) sans tenir compte des opérations antérieures. De même type que les précédentes, les collectionneurs notent sa teinte " chocolat " caractéristique. »
La fiche Médaille commémorative de Syrie Cylicie donne plus de détails et les textes juridiques, dont l’ordonnance du 13 avril 44 ci-dessous :
ORDONNANCE du 13 avril 1944
constatant la nullité de l'acte dit « loi du 24 décembre 1941 »
instituant une médaille dite « Médaille commémorative du Levant »
J.O. du 22 avril 1944 - Page 327
Le Comité français de la libération nationale,
Sur le rapport du commissaire à la guerre, du commissaire à l'air et du commissaire à la marine,
Vu l'ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité français de la libération nationale ;
Vu l'ordonnance du 7 janvier 1944 relative aux décorations décernées à l'occasion de la guerre ;
Le comité juridique entendu,
Ordonne :
Art. 1er. — Est nul et de nul effet l'acte dit « loi du 24 décembre 1941 » instituant une médaille dite « Médaille commémorative du Levant », avec agrafe « Levant 1941 ».
Art. 2. — La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la République française et exécutée comme loi.
Alger, le 13 avril 1944.
De Gaulle.
Par le Comité français de la libération nationale :
Le commissaire à la guerre, commissaire à la marine, par intérim, André Diethelm.
Le commissaire à l'air, Fernand Grenier.
Le commissaire aux affaires étrangères, par intérim, Catroux.
Le commissaire à l'intérieur, par intérim, François de Menthon.
Le commissaire aux colonies, R. Pléven.
De la même façon, la Croix de guerre de Vichy est supprimée par l’ordonnance du 7 janvier 1944, même si les citations acquises pouvaient êtres comptabilisés sur la croix de Guerre de 1939-1945.
Voir aussi : Croix de guerre 1939-1945
Idem pour la Croix du combattant :
« Le 28 mars 1941, le gouvernement de Vichy créa une Croix du Combattant 1939-1940. L’insigne était rigoureusement le même que celui de la Grande Guerre, sauf les dates « 1939-1940 ». Le ruban sur même fond bleu horizon, seuls les bandes verticales changeaient en nombre. Par ordonnance du 7 janvier 1944, le port de la Croix du Combattant 1939-1940 fut interdit. »
Article : Croix du combattant.
Bonnes lectures !
Tout d’abord, un petit rappel des faits :
« La Syrie et le Liban étaient des territoires, placés sous tutelle française par un mandat de la SDN, que les Français considéraient donc comme faisant partie de leur Empire. Début 1941, le général Dentz y commandait une armée de 37 700 hommes dont 28 000 indigènes. En s'en échappant quelques mois avant pour rejoindre les Forces françaises libres en Palestine, le général de Larminat n'avait réussi à entrainer que 300 hommes.
Le 1er avril 1941, il se produit en Irak, pays sous influence britannique, un coup d'État anti-britannique soutenu par les services allemands. L'enjeu pétrolier est évidemment de première importance. Tout en négociant les protocoles de Paris dont l'un est relatif au Levant (nom alors donné à la région du Proche-Orient sous mandat français), Darlan, avec l'accord personnel du maréchal Pétain, approfondit la collaboration avec l'ennemi en lui accordant en Syrie un soutien technique, ainsi que la possibilité pour les avions de la Luftwaffe, d'utiliser les aérodromes de la Syrie pour aller bombarder les Britanniques en Irak. Darlan rencontre Hitler le 14 mai 1941, puis Otto Abetz avec lequel il signe les accords de Paris qui prévoient, entre autres, de façon explicite, l'utilisation des bases françaises en Syrie. Le général Dentz nommé haut-commissaire au Liban en décembre 1940 fait passer en Irak, pour le compte des Allemands, deux trains d'armes françaises destinées aux partisans de Rachid Ali. 70 avions allemands transitent au-dessus de la Syrie et du Liban et un bon nombre s'y ravitaillent.
Lorsque les Britanniques en ont fini avec la rébellion de Rachid Ali, avec l'accord de De Gaulle, ils attaquent les forces françaises de la Syrie et du Liban le 8 juin 1941. 30 000 soldats britanniques épaulés par 6 000 hommes de la division de Français libres attaquent les 40 000 hommes du général Dentz. Le général Collet se rallie avec quelques centaines de cavaliers tcherkesses, mais loin de se limiter à un « baroud d'honneur », le gros de l'armée française du général Dentz résiste. Les combats durent jusqu'au 14 juillet ... »
L’Armée de Vichy, sur Wikipedia
Dans son article En lisant l’ouvrage de Robert O. Paxton sur l’armée de Vichy et le corps des officiers français de 1940 à 1944, Pierre de Longuemar évoque les enjeux de ces batailles.
Pour aller plus loin :
- La France des années noires, sous la dir. de Jean-Pierre Azéma et de François Bédarida
- Plusieurs documents au CHRD sur la campagne de Syrie
- Les forces françaises vichyssoises combattent durant la guerre de Syrie, photos de l’ECPA, l’agence d’images de la Défense
- En Syrie, actualités « officielles » août 1941, INA
- L’armée de Vichy, Robert O. Paxton développe les conséquences de la défaite de l’armée en Syrie
- L’Armée française et les États du Levant: 1936-1946, Maurice Albord, en partie en ligne sur Google Livres, et également au catalogue de la BML donne de nombreux détails du déroulement des opérations.
- Un article sur l’armistice de Saint Jean d’Acre, par Anne-Lucie Chaigne-Oudin sur Les Clés du Moyen-Orient
Pour ce qui est des distinctions, il semble que les médailles décernées par le gouvernement de Vichy aient toutes connu plus ou moins le même sort. C’est le cas de la médaille commémorative du Levant :
« La Seconde Guerre Mondiale vit s'opposer au Levant des formations militaires françaises fidèles à Vichy pour les unes et aux Forces Françaises Libres pour les autres.
Le gouvernement de Vichy créa donc la Médaille Commémorative du Levant identique à la Médaille Commémorative de Syrie-Cilicie (opérations du 8 juin au 12 juillet 1941). Elle fut supprimée et son port interdit par une ordonnance du 13 avril 1944.
Le gouvernement de la France Libre fit fabriquer (à Londres) une Médaille du Levant (actions menées du 12 juillet 1941 au 14 août 1943) sans tenir compte des opérations antérieures. De même type que les précédentes, les collectionneurs notent sa teinte " chocolat " caractéristique. »
La fiche Médaille commémorative de Syrie Cylicie donne plus de détails et les textes juridiques, dont l’ordonnance du 13 avril 44 ci-dessous :
ORDONNANCE du 13 avril 1944
constatant la nullité de l'acte dit « loi du 24 décembre 1941 »
instituant une médaille dite « Médaille commémorative du Levant »
J.O. du 22 avril 1944 - Page 327
Le Comité français de la libération nationale,
Sur le rapport du commissaire à la guerre, du commissaire à l'air et du commissaire à la marine,
Vu l'ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité français de la libération nationale ;
Vu l'ordonnance du 7 janvier 1944 relative aux décorations décernées à l'occasion de la guerre ;
Le comité juridique entendu,
Ordonne :
Art. 1er. — Est nul et de nul effet l'acte dit « loi du 24 décembre 1941 » instituant une médaille dite « Médaille commémorative du Levant », avec agrafe « Levant 1941 ».
Art. 2. — La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la République française et exécutée comme loi.
Alger, le 13 avril 1944.
De Gaulle.
Par le Comité français de la libération nationale :
Le commissaire à la guerre, commissaire à la marine, par intérim, André Diethelm.
Le commissaire à l'air, Fernand Grenier.
Le commissaire aux affaires étrangères, par intérim, Catroux.
Le commissaire à l'intérieur, par intérim, François de Menthon.
Le commissaire aux colonies, R. Pléven.
De la même façon, la Croix de guerre de Vichy est supprimée par l’ordonnance du 7 janvier 1944, même si les citations acquises pouvaient êtres comptabilisés sur la croix de Guerre de 1939-1945.
Voir aussi : Croix de guerre 1939-1945
Idem pour la Croix du combattant :
« Le 28 mars 1941, le gouvernement de Vichy créa une Croix du Combattant 1939-1940. L’insigne était rigoureusement le même que celui de la Grande Guerre, sauf les dates « 1939-1940 ». Le ruban sur même fond bleu horizon, seuls les bandes verticales changeaient en nombre. Par ordonnance du 7 janvier 1944, le port de la Croix du Combattant 1939-1940 fut interdit. »
Article : Croix du combattant.
Bonnes lectures !
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