Question d'origine :
Bonjour Cher Guichet,
A la page 539 de son livre "Winston Churchill seigneur de guerre" l'historien Carlo d'Este écrit que " le 16 mai 1940 le gouvernement etait déjà en train de brûler ses documents classés secret sur les pelouses du Quai d'Orsay".
80 ans après ces faits serait-il possible de savoir de quels documents il s'agissait, à moins que le résultat soit lui aussi classé secret meme encore aujourd'hui ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 13/08/2020 à 10h02
Bonjour,
En effet, Winston Churchill, arrivé en urgence à Paris ce 16 mai 1940, pour venir en aide à la France en débâcle, a assisté à cette scène incroyable de cartons d’archives du Quai d’Orsay jetés par les fenêtres et brulés sur la pelouse. Il en fait le récit dans ses Mémoires de guerre 1919-1942.
Nous vous invitons à lire ce petit chapitre La destruction des archives du Quai d’Orsay tiré de l'ouvrage Henri Hoppenot (25 octobre 1891-10 août 1977), diplomate de Colette Barbier.
Nous y apprenons que les archives effectivement détruites le 16 mai 1940, dans la panique générée par l’imminence de l’invasion allemande, étaient composées de «neuf cent cartons environ pour les années 1935 à 1940, concernant les séries Allemagne, Angleterre, Italie, URSS », et qu'ils « ont été incinérés, le reste a été évacué sur la Châtaigneraie ».
Dans l’article Le Quai d’Orsay face aux saisies et spoliations d’archives diplomatiques par l’Allemagne nazie (1940-1944) de Vincent Laniol, il est mentionné «environ 700 cartons de la direction politique et des relations commerciales contenant surtout des documents relatifs à l’Allemagne, à l’Italie, à la Grande-Bretagne et à l’URSS (entre 1935 et 1940 ?) et près de mille cartons appartenant au contrôle des étrangers [avaient] été ainsi détruits ». (paragraphes 2 et 3 de l'article). Cet article est tiré de l’ouvrage Saisies, spoliations et restitutions : archives et bibliothèques au XXe siècle : [actes du colloque, Strasbourg, 22-23 octobre 2010].
Dans un article d’Henri Hoppenot publié dans Le Monde en 1947 COMMENT FURENT DÉTRUITES le 16 mai 1940 les archives secrètes du quai d'Orsay, voici encore des précisions :
« Il n'est pratiquement aucun des documents brûlés, et qui se composaient presque exclusivement de la correspondance échangée entre le ministère et ses représentants à l'étranger, qui n'eût son original ou son double dans les archives, soit de la mission diplomatique qui l'avait reçu ou expédié, soit de nos grandes ambassades auxquelles tous les télégrammes de quelque importance ainsi que les noies des missions étrangères étaient communiqués, soit dans les dossiers du bureau du chiffre qui furent mis en lieu sûr. C'est ce qui permet aujourd'hui à la direction des archives du ministère de reconstituer, avec l'aide des cahiers d'enregistrement au départ et à l'arrivée, la totalité des dossiers incinérés. »
Cet épisode a été relaté dans différents témoignages de l’époque comme la preuve ou l’exemple le plus flagrant de la panique généralisée, voir même comme un événement ayant déclenché ou en tout cas accentué la panique dans la population parisienne, la nouvelle ayant courue très vite.
Même si, on l’a vu, les archives qui ont été détruites, ont été sélectionnées et les documents les plus importants sauvés, ce moment est le plus souvent décrit comme une folie… :
« Le matin de ce jour, une grande agitation s’empara du ministère : le front était enfoncé ; les troupes allemandes y pénétraient profondément ; elles risquaient d’arriver jusqu’à Paris ; il fallait détruire d’urgence les archives ? Et voici que du troisième étage où des collègues faisaient la chaîne, les cartons, sur le choix d’un sous-directeur, étaient précipités et venaient s’écraser dans la cour intérieure. Ils y étaient repris, portés dans le jardin du ministère, brûlés sur la pelouse. Une colonne de fumée monta bientôt vers le ciel tranquille, emportant sur son air chaud des télégrammes noircis, certains encore lisibles, qui allaient retomber dans la rue de l’Université, où les ramassaient des curieux. On brûla tout le jour. Au soir tombant, j’allai voir dans le jardin les foyers fumants ; le chef du matériel, un blessé de la première guerre, les fouillait du bout caoutchouté de sa canne. Une fenêtre s’ouvre au cabinet du ministère et la voix de Mme de Portes : « Quel est le c… qui a donné un ordre pareil ? » et le médaillé militaire sans se retourner : « Mais madame, c’est monsieur le président du Conseil. » dans Au temps du danger allemand / Armand Gérard (p. 430)
« Madame Jean Brunhes, qui est liée avec tous les ministres, a été témoin de scènes écœurantes. Hier, on jetait par les fenêtres du ministère des Affaires étrangères les dossiers importants et on les conduisait au calorifère. On a ainsi brûlé plusieurs tonnes de papier. On perdait littéralement la tête. » dans Journal 1939-1945, Maurice Garçon
« Au premier jour de l’offensive allemande contre la France, le Quai d’Orsay, prenant la tête des semeurs de panique, enjoignit confidentiellement les représentations diplomatiques accréditées à Paris de se tenir prêtes à partir et leur recommanda de détruire les archives intransportables. Le Quai d’Orsay lui-même entreprit de brûler les siennes. » dans L’agonie de la France, Manuel Chaves Nogales
Il semble que les agents du Quai d’Orsay n’aient pas été les seuls à agir de la sorte. Marguerite Lebrun, la femme d’Albert Lebrun, alors Président de la République raconte dans son journal : « Albert a emballé ses valeurs et papiers secrets. Magre (secrétaire général de la présidence de la République) et lui ont fait brûler quantité de documents. » Comment la IIIe République a sombré : journal de Marguerite Lebrun : septembre 1939-juillet 1940 / M. Lebrun
Autres sources mentionnant l’épisode :
Commentaire. 01, : De Vienne à Alger (1938-1944) / Jean Chauvel
Journal 1939-1940 / Roland de Margerie
En revanche, nous n’avons trouvé aucun élément dans les documents suivants :
Trésors et secrets du Quai d'Orsay / Pierre-Jean Rémy
Diplomates en guerre : la Seconde Guerre mondiale racontée à travers les archives du Quai d'Orsay / Pierre-Jean Rémy
Dans les archives secrètes du Quai d'Orsay : cinq siècles d'histoires et de diplomatie / sous la direction de Emmanuel de Waresquiel
Bonne lecture
En effet, Winston Churchill, arrivé en urgence à Paris ce 16 mai 1940, pour venir en aide à la France en débâcle, a assisté à cette scène incroyable de cartons d’archives du Quai d’Orsay jetés par les fenêtres et brulés sur la pelouse. Il en fait le récit dans ses Mémoires de guerre 1919-1942.
Nous vous invitons à lire ce petit chapitre La destruction des archives du Quai d’Orsay tiré de l'ouvrage Henri Hoppenot (25 octobre 1891-10 août 1977), diplomate de Colette Barbier.
Nous y apprenons que les archives effectivement détruites le 16 mai 1940, dans la panique générée par l’imminence de l’invasion allemande, étaient composées de «
Dans l’article Le Quai d’Orsay face aux saisies et spoliations d’archives diplomatiques par l’Allemagne nazie (1940-1944) de Vincent Laniol, il est mentionné «
Dans un article d’Henri Hoppenot publié dans Le Monde en 1947 COMMENT FURENT DÉTRUITES le 16 mai 1940 les archives secrètes du quai d'Orsay, voici encore des précisions :
« Il n'est pratiquement aucun des documents brûlés, et qui se composaient presque exclusivement de la correspondance échangée entre le ministère et ses représentants à l'étranger, qui n'eût son original ou son double dans les archives, soit de la mission diplomatique qui l'avait reçu ou expédié, soit de nos grandes ambassades auxquelles tous les télégrammes de quelque importance ainsi que les noies des missions étrangères étaient communiqués, soit dans les dossiers du bureau du chiffre qui furent mis en lieu sûr. C'est ce qui permet aujourd'hui à la direction des archives du ministère de reconstituer, avec l'aide des cahiers d'enregistrement au départ et à l'arrivée, la totalité des dossiers incinérés. »
Cet épisode a été relaté dans différents témoignages de l’époque comme la preuve ou l’exemple le plus flagrant de la panique généralisée, voir même comme un événement ayant déclenché ou en tout cas accentué la panique dans la population parisienne, la nouvelle ayant courue très vite.
Même si, on l’a vu, les archives qui ont été détruites, ont été sélectionnées et les documents les plus importants sauvés, ce moment est le plus souvent décrit comme une folie… :
« Le matin de ce jour, une grande agitation s’empara du ministère : le front était enfoncé ; les troupes allemandes y pénétraient profondément ; elles risquaient d’arriver jusqu’à Paris ; il fallait détruire d’urgence les archives ? Et voici que du troisième étage où des collègues faisaient la chaîne, les cartons, sur le choix d’un sous-directeur, étaient précipités et venaient s’écraser dans la cour intérieure. Ils y étaient repris, portés dans le jardin du ministère, brûlés sur la pelouse. Une colonne de fumée monta bientôt vers le ciel tranquille, emportant sur son air chaud des télégrammes noircis, certains encore lisibles, qui allaient retomber dans la rue de l’Université, où les ramassaient des curieux. On brûla tout le jour. Au soir tombant, j’allai voir dans le jardin les foyers fumants ; le chef du matériel, un blessé de la première guerre, les fouillait du bout caoutchouté de sa canne. Une fenêtre s’ouvre au cabinet du ministère et la voix de Mme de Portes : « Quel est le c… qui a donné un ordre pareil ? » et le médaillé militaire sans se retourner : « Mais madame, c’est monsieur le président du Conseil. » dans Au temps du danger allemand / Armand Gérard (p. 430)
« Madame Jean Brunhes, qui est liée avec tous les ministres, a été témoin de scènes écœurantes. Hier, on jetait par les fenêtres du ministère des Affaires étrangères les dossiers importants et on les conduisait au calorifère. On a ainsi brûlé plusieurs tonnes de papier. On perdait littéralement la tête. » dans Journal 1939-1945, Maurice Garçon
« Au premier jour de l’offensive allemande contre la France, le Quai d’Orsay, prenant la tête des semeurs de panique, enjoignit confidentiellement les représentations diplomatiques accréditées à Paris de se tenir prêtes à partir et leur recommanda de détruire les archives intransportables. Le Quai d’Orsay lui-même entreprit de brûler les siennes. » dans L’agonie de la France, Manuel Chaves Nogales
Il semble que les agents du Quai d’Orsay n’aient pas été les seuls à agir de la sorte. Marguerite Lebrun, la femme d’Albert Lebrun, alors Président de la République raconte dans son journal : « Albert a emballé ses valeurs et papiers secrets. Magre (secrétaire général de la présidence de la République) et lui ont fait brûler quantité de documents. » Comment la IIIe République a sombré : journal de Marguerite Lebrun : septembre 1939-juillet 1940 / M. Lebrun
Commentaire. 01, : De Vienne à Alger (1938-1944) / Jean Chauvel
Journal 1939-1940 / Roland de Margerie
En revanche, nous n’avons trouvé aucun élément dans les documents suivants :
Trésors et secrets du Quai d'Orsay / Pierre-Jean Rémy
Diplomates en guerre : la Seconde Guerre mondiale racontée à travers les archives du Quai d'Orsay / Pierre-Jean Rémy
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Bonne lecture
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