Qui était ce ministre français qui s'est baigné près d'un lieu de tir nucléaire ?
Question d'origine :
Bonjour ,je me permets une fois de plus vers vous car je me montre incapable malgré des heures de recherche de retrouver le nom de ce ministre français dans les années 60 qui , pour rassurer l'opinion générale qui s'inquiétait des retombées nucléaires dans le Pacifique , prit publiquement un bain dans un lac proche d'un lieu de tir....et qui fut ,sans le savoir à l'époque , je crois , malheureusement contaminé .Merci d'ores et déjà pour votre concours que j'espère fructueux
Réponse du Guichet
Nous trouvons surtout des informations sur Paul Quilès, ministre de la Défense qui se baigna dans le lagon de Mururoa en 1985. Ses prédécesseurs Yvon Bourges et Charles Hernu auraient également perpétué cette "tradition", qui aurait été initiée par Georges Pompidou et Pierre Messmer (information incertaine). En revanche aucune de ces personnes n'a, à notre connaissance, été contaminée.
Bonjour,
En polynésie, les essais nucléaires français commencent en 1966 : de 1966 à 1974, 46 essais aériens sont effectués. En 1975, la France abandonne les essais aériens au profit des essais souterrains : 147 essais souterrains dans les sous-sols et sous les lagons des atolls de Mururoa et Fangataufa.
En 1985, le ministre de la Défense Paul Quilès se baigne dans le lagon de Mururoa pour y faire une interview :
Fabius à Mururoa : " Innocuité totale "
Le premier ministre a réaffirmé, après le tir nucléaire souterrain, que l'atoll de Mururoa constituait un élément essentiel de la dissuasion nucléaire.
[...] Bain dans le lagon
[...] Auparavant, le premier ministre s'était rendu sur le point zéro de l'explosion, sommet de la cheminée de 700 mètres de profondeur, pour montrer par sa présence qu'il n'y avait aucun risque.
Il n'a cependant pas participé au traditionnel bain dans le lagon alors que le ministre de la défense, Paul Quilès, le secrétaire d'Etat aux risques naturels, Haroun Tazieff, et les parlementaies jouaient avec les journalistes au jeu des "interviews aquatiques".
Source : Sud Ouest, Bordeaux, samedi 26 octobre 1985 5547 mots, p. 3 (consulté via Europresse)
Claude Bartolone participe à ce test, mais souffre ensuite d'une importante éruption cutanée. On s'inquiète de cette contre-publicité sur l'innocuité des expériences françaises, jusqu'à ce que les médecins diagnostiquent une allergie liée à des repas trop riches à base de homards. Tout va bien. Pour ce qui est de Quilès, il évoque son bain devant un journaliste anglais, vingt-cinq ans plus tard, et celui-ci se borne à plaisanter sur les conséquences possibles : "Vous aviez déjà les yeux bleux avant de plonger dans le lagon ?" Humour britannique...
Source : Paul Quilès ou comment rester socialiste : De Mitterrand à... Jaurès, André CABANIS, Serge REGOURD
- Je me souviens (11). Claude Bartolone en 1985. Abus de langoustes à Mururoa Quand le conseiller de Fabius se baignait dans le lagon après un essai nucléaire, Libération
- L'enjeu de l'indépendance nationale, Le Monde
- Force tranquille, Le Monde
Ce "traditionnel" bain dans le lagon suggère que cette pratique n'est pas apparue avec Paul Quilès. Malheureusement nos recherches ne nous ont pas permis d'en déterminer l'origine avec certitude. Les ouvrages que nous avons pu consulter à la bibliothèque ne nous ont pas fourni de détails sur ce sujet. Tout au plus pouvons-nous lire dans l'ouvrage de Bruno Barrillot, Essais nucléaires français : l'héritage empoisonné :
On ne compte plus les ministres de la République qui, pendant trente-six ans, se pavanèrent sur les sites d'essais du Sahara comme de Polynésie, vantant l'innocuité des essais nucléaires de la France.
D'après un ouvrage consulté sur Google Livres, Une vie de légionnaire : de l'Algérie au Gabon de Mauro Carra, Pompidou et Messmer auraient inauguré cette tradition, mais nous n'en avons pas trouvé la confirmation dans d'autres sources.
Par ailleurs, il semble qu'Yvon Bourges, ministre de la Défense de 1975 à 1980, et Charles Hernu, ministre de la défense de 1981 à 1985, aient précédé Paul Quiès dans le lagon de Mururoa, dont l'Express rapporte la baignade obligée dans le lagon.
Les autres documents que nous avons consultés :
Victimes des essais nucléaires : histoire d'un combat / Bruno Barrillot
Les essais nucléaires et la santé : actes de la conférence du 19 janvier 2002 au Sénat / sous la présidence de Marie-Claude Beaudeau
Moruroa et nous : expériences des Polynésiens au cours des 30 années d'essais nucléaires dans le Pacifique Sud / Pieter De Vries, Han Seur
Les documents suivants n'ont pas pu être consultés car indisponibles actuellement (prêt, travaux du silo) :
Toxique : enquête sur les essais nucléaires français en Polynésie / Sébastien Philippe, Tomas Statius
Les cobayes de l'Apocalypse nucléaire : contre-enquête inédite sur les victimes des essais français / Jean-Philippe Desbordes
Ajoutons une dernière référence à laquelle nous n'avons pas accès mais qui pourrait vous intéresser : Tahiti de l’atome à l’autonomie, de Philippe Mazellier. Les baignades des ministres dans le lagon de Mururoa semblent y être évoquées, d'après la présentation que nous pouvons lire dans ce document : Les polynésiens etles essais nucléaires :
L’ouvrage de Philippe Mazellier « Tahiti de l’atome à l’autonomie » couvre pratiquement toute la période des essais nucléaires atmosphériques. Bien que le journaliste ne prétende pas faire œuvre d’historien, ce volume reprenant des faits de l’actualité polynésienne illustre le climat politique, économique et social de l’époque. Les essais nucléaires couvrent certes quelques dizaines de pages des 580 que compte l’ouvrage, mais ils sont situés dans le contexte typique du « Paradis des tropiques », refuge des stars du « show biz » et de la « jet set », terrain de joutes oratoires d’une classe politique sans pouvoir réel, témoin ironique du « ballet » des ministres métropolitains en (brève) visite largement « couronnés » selon la tradition ou plongeant de satisfaction dans le lagon « des plus propres » de Moruroa.
Bonne journée.