Quelle est la différence entre une salle d'asile publique et une salle d'asile libre ?
Question d'origine :
Quelle est la différence entre une salle d'asile publique et une salle d'asile libre svp ?
Ci-joint extrait de l'indicateur marseillais de 1858 à ce sujet.
Merci
Réponse du Guichet
Au XIXe siècle, les salles d'asile libres sont des classes maternelles d'écoles privées contrairement aux salles d'asiles publiques qui sont des établissements publics gérés par les communes, les départements ou l’État.
Cette distinction entre établissements privés et publics a été instituée par la loi Guizot du 28 juin 1833. En revanche, les dénominations "salles d'asile libres" et "salles d'asile publiques" sont nées de la Loi relative à l'enseignement du 15 mars 1850 qui en donne des définitions précises :
La loi du 15 mars 1850 divise les écoles en deux catégories, comme le faisait la loi du 28 juin 1833; mais elle substitue au nom d’écoles privées le nom plus juste et plus caractéristique d’écoles libres, et distingue les écoles publiques et les écoles libres par la définition suivante (art. 17):
Les écoles fondées ou entretenues par les communes, les départements ou l’État, prennent le nom d’écoles publiques;
Les écoles fondées et entretenues par des particuliers ou des associations prennent le nom d’écoles libres.
La même distinction, aux termes de l’art. 57 de la loi, conforme à l’art. 3 de l’ordonnance du 22 décembre 1837, s’applique aux Salles d’Asiles : elles sont Salles d’Asile publiques dès que leur entretien est supporté en tout ou en partie par les communes, les départements ou l’Etat [Néanmoins, une Salle d’Asile libre peut obtenir des secours sur les budgets des communes, des départements, de l’Etat (article 59), ou recevoir, moyennant une indemnité, les enfants pauvres d’une commune (article 36, alinéa 4), sans cesser d’être libre.].
source : Manuel des salles d'asile
Cette "liberté" est toutefois encadrée par la loi Guizot :
Elle pose le principe de la liberté de l’enseignement primaire, par la formule « l’instruction primaire est ou publique ou privée ». Cette liberté, s’agissant des écoles privées, est reconnue à tout individu sous réserve de conditions d’exercice déterminées par la loi, à savoir un brevet de capacité et un certificat de moralité délivrés par l’autorité publique. Les écoles publiques sont entretenues par les communes, les départements ou l’État, chaque commune devant entretenir une école primaire, avec un instituteur rétribué et logé, chaque département une école normale. Un comité local de surveillance a l’inspection sur les écoles publiques et privées de la commune, et un comité d’arrondissement sur toutes celles de son ressort, ce comité nommant les instituteurs publics sur présentation de candidats par le comité communal. Enfin, un ultime article ouvre la possibilité d’établir des écoles communales de filles, une initiative que rejettera le Parlement sans véritable opposition de Guizot.
Au total, ce texte court tendait à établir, autant qu’une concurrence, une complémentarité entre l’État et les Églises – essentiellement l’Église catholique – pour diffuser l’instruction primaire.
source : Association François Guizot
Les salles d'asile s’apparentent au départ à des garderies accueillant les enfants dont les mères travaillent et où des dames patronnesse s'assurent qu'ils reçoivent une éducation morale.
À partir de la fin des années 1820, des salles d’asile sont ouvertes pour accueillir les enfants de deux à six ans – que nous appellerons aussi jeunes enfants ou bambins – dont les mères travaillent et leur dispenser une éducation spécifique. Les premiers promoteurs de ces écoles enfantines institutionnelles sont des dames patronnesses, des philanthropes et des municipalités. Placé, dès 1836, sous la tutelle de l’État, le nouvel établissement se répand sur une grande partie du territoire grâce aux maîtresses fournies par les congrégations. En 1881, à la veille de leur transformation en écoles maternelles, cinq mille salles d’asile, dirigées trois fois sur quatre par des religieuses, enregistrent 650 000 usagers, soit 20% du public visé. Malgré ce succès, elles n’ont pas bonne réputation. Les réformateurs républicains des années 1880 les réduisent à de vulgaires refuges, soumis à l’influence cléricale.
source : Luc Jean-Noël, ««Je suis petit mais important». La scolarisation des jeunes enfants en France du début du xIxe siècle à nos jours», Carrefours de l'éducation, 2010/2 (n° 30), p. 9-22.
Dès le milieu du XIXe siècle, le corps encadrant se professionnalise et l'instruction scolaire est de mise :
l’État les retire alors du patronage des dames et les place sous le contrôle du ministère de l’Instruction publique. Cette mise en tutelle officielle entraîne la création d’un corps d’inspectrices et la fondation d’une école normale des salles d’asile (1847). En 1855, le Second Empire édicte un nouveau règlement plus normatif, insistant sur la vocation scolaire des établissements. En 1859, une réforme atténue cette tentation de l’instruction anticipée. En 1880, à la veille de leur remplacement par les écoles maternelles, 5000 salles d’asile accueillent 650 000 enfants, soit environ 20% de la classe d’âge des deux-six ans.
[...]
Une des grandes interrogations qui parcourt tout le livre concerne la finalité des salles d’asile, la réponse à cette question variant au cours du siècle et entraînant des projets divergents pour l’organisation de leurs activités. Les salles d’asile ont toujours eu trois objectifs : porter assistance aux mères pauvres obligées de travailler et ne sachant comment faire garder leurs jeunes enfants ; éduquer d’une manière rationnelle et méthodique les enfants des classes populaires à l’âge où ils sont le plus réceptifs, au lieu de les abandonner à la rue, à l’atelier ou aux garderies ; instruire précocement ces enfants, car la demande sociale en faveur de l’anticipation de l’apprentissage des rudiments est forte de plusieurs côtés : les parents les plus pauvres sont désireux d’écourter la scolarisation primaire pour mettre leurs enfants au travail le plus tôt possible ; dans les milieux un peu plus aisés (artisans, commerçants), l’apprentissage scolaire précoce est considéré comme un gage de succès pour des études ultérieures qui assureront la promotion sociale.
source : Morel Marie-France, «Jean-Noël Luc, L'invention du jeune enfant au XIXe siècle. De la salle d'asile à l'école maternelle, Paris, Belin, 1997, 512p., 150F. », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2001/4 (no48-4), p. 250-255.
Existait-il une réelle différence entre les établissements publics et privés ? Il semblerait que les disparités entre salles d'asiles étaient grandes (salubrité des locaux, méthodes pédagogiques, attention apportée à l'enfant...) mais ne relevaient pas de leur tutelle.
En 1877, à la fin de sa tournée, l’inspecteur général Émile Anthoine insiste sur l’extrême disparité entre les établissements : « Il y a d’une salle d’asile à une autre salle d’asile de telles différences que l’on comprend l’hésitation à les réunir sous une dénomination commune. Ici, une construction spacieuse, bien entendue, où tout est gai, riant [… ] ; là, une pauvre maison, appropriée comme on a pu, d’aspect morne et misérable ; ici, une directrice entourée d’aides et de femmes de service ; là, une brave fille réduite à ses seules forces, plus dévouée qu’instruite. »
source : Morel Marie-France, «Jean-Noël Luc, L'invention du jeune enfant au XIXe siècle. De la salle d'asile à l'école maternelle, Paris, Belin, 1997, 512p., 150F. », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2001/4 (no48-4), p. 250-255.
Nous ne sommes pas en mesure de consulter les ouvrages suivants (notre silo de conservation étant en travaux jusque début novembre) mais vous pourrez certainement approfondir plus en détail les différences entre ces types d'établissements en consultant ces ouvrages :
- Les origines de l'école maternelle / Frédéric Dajez
- De la salle d'asile à l'école maternelle / M.L Caron, P. Kergomard, A. Larger, E. Larger, Y. Maire
Bonne journée.