Qu'y a-t-il dans le sang des saignements sous pilule ?
Question d'origine :
Bonjour, je voudrais savoir ce qu'il y a dans le sang des saignements sous pilule ? En quoi la composition de ce sang diffère-t-elle des vraies règles et pourquoi est-il parfois de couleur et de consistance différente ? En vous remerciant pour votre réponse,
Réponse du Guichet
Les saignements menstruels contiennent un mélange de sang et de muqueuse utérine. Étant donné que les contraceptifs hormonaux ont pour effet d'amincir la muqueuse de l'utérus, les "hémorragies de privation" vont être moins abondantes que les saignements de règles.
Bonjour,
Le sang des règles est en effet différent du sang lié aux "hémorragies de privation".
De quoi est constitué le sang des règles ?
Les règles sont donc constituées par le revêtement intérieur de l’utérus, ou «endomètre», fine dentelle de cellules gorgée de sang, qui se détache quand aucun embryon ne s’y est implanté. Les règles, c’est donc du sang ET des cellules endométriales. Cette composition explique que les règles puissent avoir un aspect différent (plus ou moins fluide, plus ou moins épaisses, avec des caillots, par exemple) selon les femmes ou selon les mois – c’est-à-dire, selon que l’endomètre se soit beaucoup épaissi ou non au cours du cycle précédent. On perd en moyenne 50 ml de sang (quantité qui peut varier entre 20 et 80ml), soit, pour vous donner une idée, un dixième d’une petite bouteille d’eau minérale.
source : Sang tabou [Livre] : essai intime, social et culturel sur les règles / Camille Emmanuelle
Voir aussi le schéma proposé par Anouk Perry dans cet article : sang menstruel : composition et perception dans la société
Les saignements sous contraceptif oral sont appelés "hémorragies de privation". Ils sont souvent moins abondants car la pilule empêche la muqueuse utérine de se former.
Les saignements qui surviennent sous pilules ne sont pas les mêmes que ceux des règles menstruelles. Techniquement, les règles sous pilules sont appelées « hémorragie de privation ». Ce terme fait référence à l’absence d’hormones dans la pilule et dans votre organisme. La baisse brutale des niveaux d’hormones provoque l’évacuation de la muqueuse recouvrant la cavité utérine, l’endomètre. Les saignements peuvent légèrement différer des règles que vous aviez avant de prendre la pilule. Ils peuvent aussi évoluer au fil du temps. [...]
Pourquoi mes saignements sont-ils différents sous pilule ?
La pilule contraceptive empêche la muqueuse de l’utérus, l’endomètre, de s’épaissir, comme celle-ci le ferait au cours d’un cycle menstruel normal. Elle bloque également l’ovulation et le cycle normal des hormones reproductives. Les saignements de privation sont souvent moins abondants que les règles classiques.
Il est aussi possible que vous n’en ayez pas ou que vous ayez uniquement du spotting durant les jours où vous prenez les comprimés non actifs (ou les jours où vous n’en prenez pas). Ce phénomène est plus courant chez les personnes prenant de plus fortes doses d’œstrogène ou une pilule comportant un intervalle sans hormone plus court (ou sans intervalle du tout). La plupart des pilules comprennent sept comprimés placebo. Consultez la notice et l’emballage de la votre ou discutez avec un•e professionnel•le de la santé pour obtenir plus d’informations sur celle que vous prenez.
source : A-t-on ses règles sous pilule ? La pilule, les règles et l’hémorragie de privation / Anna Druet
Ce document en anglais Period vs Withdrawal Bleeding: What's the Difference? précise :
Les saignements menstruels normaux contiennent un mélange de sang et de parties de la muqueuse utérine. La couleur du sang menstruel commence généralement par une couleur rouge clair et devient rouge foncé à brun après plusieurs jours de saignement.
Étant donné que les contraceptifs hormonaux ont pour effet d'amincir la muqueuse utérine afin d'éviter une grossesse, il y a moins de liquide dans un saignement de privation. La couleur du sang est généralement rosâtre ou rouge clair. Vers la fin du saignement, il peut s'agir d'une légère couleur rouille due à l'oxydation.
Dans un article publié en 2008 et intitulé Les règles n’ont plus la cote :une question de contraception ou de choix ? on trouve un schéma représentant la différence d'évolution de l'endomètre avec et sans contraception oestro-progestative en continue :
N'ayant pas accès à de la documentation scientifique type Encyclopédie médico-chirurgicale, nous ne pourrons détailler davantage la composition du sang provenant des hémorragies de privation.
N'hésitez pas à contacter des bibliothèques universitaires via par exemple le réseau Ubib où l'on pourra certainement répondre plus précisément à votre question.
Bonne journée.
Réponse du Guichet
Cette seconde réponse fait suite à votre commentaire du 13/12/21.
Bonjour,
Tout d'abord, comme nous l’indiquions dans notre première réponse, la bml est une bibliothèque municipale et nous n’avons pas accès à des ressources aussi spécialisées qu’une bibliothèque universitaire: nous réitérons donc notre conseil de consulter le réseau Ubib dont la réponse sera certainement beaucoup plus complète que la nôtre.
Nous avons effectué des recherches supplémentaires, mais nous n’avons pas vraiment trouvé d’informations plus précises sur la composition du sang dans les saignements sous contraception hormonale, qu’il s’agisse des hémorragies de privation ou d’autres types de saignements qui peuvent survenir pendant une contraception hormonale (spottings, métrorragies...).
Voici néanmoins quelques informations générales sur les saignements qui surviennent pendant la contraception hormonale, disponibles sur le site du médecin Martin Winckler :
pas d’ovulation => pas de règles
C’est ce qu’on observe lorsque une femme n’a pas d’ovulation(s) pour une raison spécifique (puberté retardée, cycles longs, problèmes de santé, ménopause...) ou si elle prend une contraception hormonale sans interruption. Alors, certes, quand une utilisatrice de pilule arrête sa contraception, elle se met à saigner. Mais ces saignements ne sont pas des règles naturelles, c’est ce que les médecins appellent une "hémorragie de privation". Privé d’hormones, le tissu intérieur de l’utérus se détache... Le terme est inquiétant, parce qu’il ne s’agit pas vraiment d’une "hémorragie", mais de l’élimination du tissu intérieur de l’utérus (l’endomètre) qui est gorgé de sang. Une "mue" de l’endomètre, en quelque sorte.
[…]
Pourquoi les utilisatrices de méthodes de contraception hormonales n’ont-elles parfois plus de règles?
Les méthodes contraceptives hormonales (pilules, patch, anneau vaginal, DIU hormonal, implant) ont deux effets principaux:
1° Elles font croire à l’organisme féminin qu’elle est déjà enceinte . Cela suspend l’ovulation. Les femmes qui utilisent la pilule n’ovulent pas, elles ne devraient donc pas avoir de règles (et d’ailleurs, celles qui prennent la pilule en continu n’ont pas de règles). Mais il y a 50 ans, quand les premières pilules ont été commercialisées, les femmes associaient l’absence de règles à la grossesse. Les premiers expérimentateurs de la pilule ont donc instauré une semaine d’arrêt pendant laquelle le sevrage d’hormones entraîne des saignements qui ne sont pas dues à une «ovulation non fécondée», mais seulement à l’élimination de l’endomètre qui n’est plus stimulé par les hormones de la pilule.
2° Les méthodes hormonales contiennent toutes un progestatif, qui s’oppose à l’épaississement de l’endomètre. De sorte que, pour certaines femmes qui prennent la pilule, même lorsqu’elles l’arrêtent une semaine sur quatre, l’utérus a peu de chose à évacuer. Les saignements sont donc souvent plus courts et moins abondants que les règles naturelles de la femme. Il arrive aussi, pour cette même raison, que les utilisatrices de pilule n’aient pas de règles pendant la semaine d’arrêt, sans pour autant être enceinte.
C’est ce phénomène d’amincissement de l’endomètre qui explique que la plupart des femmes sous pilule aient des règles beaucoup moins abondantes que quand elles ne la prennent pas, et que les femmes qui prennent une contraception purement progestative, celles qui portent un implant progestatif, et celles qui portent un DIU hormonal (qui ne contient qu’un progestatif) aient peu de règles, ou pas de règles du tout. Leur endomètre est si mince qu’elles n’ont rien à éliminer. Il arrive en revanche souvent que les utilisatrices d’implant ou de DIU hormonal aient d’autres symptômes évocateurs (elles se sentent patraque quelques jours avant, elles ont des crampes dans le bas-ventre), mais pas de saignements.
Pourquoi certaines utilisatrices de contraception ont-elles, au contraire, des saignements tout le temps ?
Toujours à cause des progestatifs. Quand l’endomètre est trop mince à cause d’une contraception trop dosée en progestatifs pour une femme donnée, il devient fragile et saigne à la moindre contraction de l’utérus (de même que les gencives saignent facilement, sans être pour autant malades, quand on se brosse les dents trop fort). Or, l’utérus se contracte en permanence. Les saignements répétés, fréquents, qui peuvent survenir dans ces circonstances, se nomment un «spotting».
Qu’est-ce qui peut provoquer un spotting?
- une pilule inadaptée
- un implant (surtout les 6 premiers mois d’utilisation)- un DIU hormonal (surtout les deux ou trois premiers mois d’utilisation)
Comment peut on faire disparaître un spotting?
- en changeant de pilule (pour une marque plus «estrogénique») ou, dans le cas du DIU hormonal et de l’implant, en utilisant des AINS (anti-inflammatoires comme l’ibuprofène). Car, comme je l’ai expliqué plus haut, les AINS diminuent les contractions de l’utérus, or ce sont souvent ces contractions qui favorisent les saignements de l’endomètre, rendu très fin par les hormones de la contraception.
Bonne journée.
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