Les animaux sauvages sont-ils capables de témoigner de la tendresse aux humains ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir si les animaux sauvages (comme les lions, les loups...) sont capable de témoigner de la tendresse aux humains sans avoir été apprivoisés au préalable ?
Réponse du Guichet
Si l'on peut recenser de nombreuses interactions "positives" entre les animaux sauvages et les humains (qui se manifestent sous la forme de curiosité, jeux et même dans certains cas de protection des humains), il semblerait difficile d'affirmer que les animaux sauvages soient capables de tendresse envers les humains sans avoir été apprivoisés ou habitués à leur présence. Mais pour autant, dans certaines situations, ceux-ci sont capables de sympathie et d'empathie envers les humains.
Bonjour,
Si l'on se base sur les expériences menées par les primatologues Dian Fossey auprès des gorilles et Jane Goodall auprès des chimpanzés, l'une et l'autre ont créé des liens affectifs très forts avec certains de ces grands singes (toutes deux ont en effet réussi à créer des contacts paisibles avec ces animaux sauvages). Mais ceci après de longs mois voire de longues années d'approches comme relaté ici sur le site de l'institut Jane Goodall :
"Se rapprocher toujours un peu plus était le but de Jane, qui a mis énormément de temps avant de gagner la confiance des chimpanzés de la réserve. Jane ne voulait pas les brusquer et prendre le risque de les faire fuir. Alors elle usa de patience, de beaucoup de patience. Cela prit un peu plus d’un an avant qu’elle puisse seulement voir un repas.
Au début, Jane ne pouvait s’approcher qu’à cinq cents mètres maximum, ce qui pouvait laisser présager la difficulté d’acceptation. Un an après, seuls trente mètres séparaient Jane des familles de grands singes. C’est après deux longues années teintées de patience et d’optimisme que Jane fut enfin acceptée, et qu’elle put créer un contact."
A force d'insistance et de patience ces chercheuses se sont rendues familières à "leur objet d'étude" et d'une certaine manière les ont apprivoisés.
Sans créer des liens affectifs aussi forts que ceux que ces primatologues ont eu avec certains de ces animaux (et que l'on peut sans doute apparenter à de la tendresse), la zoologue Stephanie Chanvallon rapporte et analyse dans l'article "Les relations humains/animaux De l’espace protégé à l’espace partagé, une géographie physique et sensible" des témoignages de professionnels de la nature qui ont eu des interactions "positives" avec des animaux sauvages :
"Nous focaliserons essentiellement sur les relations avec les animaux sauvages. «Sauvage» sera employé à propos des animaux qui vivent sur leur territoire naturel et qui décident ou non de rencontrer l’espèce humaine. Il ne faut pas voir ici une vision idéalisée et idyllique de l’animal ni de la rencontre entre un être humain et un animal – potentiellement dangereuse. Dans ces mondes animaux, il y a des temps pour s’alimenter, se reproduire, se protéger, se reposer, jouer, et puis il y a des interstices ouverts pour la curiosité (Lorenz, 1985). Nombre d’espèces témoignent d’un intérêt pour l’espèce humaine, se rapprochent et créent des interfaces.«Je pense qu’ils cherchent aussi à interagir avec nous. Les orques invitent les hommes», souligne Marc, plongeur apnéiste d’une quarantaine d’années, organisateur de croisières à la rencontre des orques dans les eaux de Norvège."
Il apparaît donc que les animaux sauvages peuvent être parfois à la recherche d’interaction avec les humains par curiosité, jeux, besoin de contact...
La zoologue désigne cette relation entre un animal sauvage et un être humain comme un "entre-deux animal" qui serait "l'aboutissement d'une intimité entre deux êtres, d’une «complicité», d’où les contraintes extérieures, pour un temps, sont exclues. Cet entre-deux est la conjugaison d’un agencement et d’un désir partagé, et de fait il ne peut se définir qu’en référence à une situation et une seule. Chaque être humain et chaque animal crée ainsi de nouveaux territoires et de nouvelles modalités de relations."
Dans son ouvrage "Les émotions des animaux", Marc Bekoff relate plusieurs rencontres illustrant l’empathie dont sont capables les animaux sauvages envers les humains sans pour autant pouvoir qualifier cela de tendresse :
"Les lions sont de formidables carnivores et de puissants prédateurs; mais ils font aussi preuve également de compassion, de sympathie et d’empathie de manière tout à fait inattendue. Ainsi en Ethiopie, trois lions sont venus au secours d’une fillette de douze ans kidnappée par un gang. (...) En Nouvelle Zélande, un banc de dauphin a protégé un groupe de nageurs en leur tournant autour pour parer les attaques d’un grand requin blanc".
Dans un autre registre, plusieurs cas "d'enfants sauvages" élevés (et donc adoptés) par des animaux sauvages ont étés recensés depuis le XIVe siècle (ce qui pourrait s’apparenter à de la tendresse), mais "la véracité des cas d'enfants «sauvages» est à réévaluer en fonction des recherches modernes dans les archives menées, des enquêtes sur le terrain, de l'analyse (le plus souvent négligée) des symptômes médicaux de ces «enfants sauvages», de leurs cicatrices, etc.", d'autant plus que, " sur un plan purement éthologique, une telle adoption n'est possible que si l'animal adoptant vient de perdre sa propre descendance, manifeste encore l'instinct maternel ou paternel de protection, et vit seul : dans toute autre configuration, l'enfant est une proie à dévorer (pour les compagnons de l'animal adoptant, s'il vit en groupe) ou bien une gêne (cas des herbivores ou omnivores en cas de nécessité de fuir)." (Wikipédia)