Quelles sont les influences architecturales du palais présidentiel de Carthage ?
Question d'origine :
L'architecture du palais présidentiel de Carthage a-t-elle des fondements idéologiques africo-romains?
Les dessins techniques du palais sont-ils disponibles?
Réponse du Guichet
Le palais présidentiel, construit par l'architecte franco-tunisien Olivier-Clément Cacoub, a vocation à incarner la modernité de la jeune nation tunisienne :
"Le palais présidentiel, image du nouvel État, est perçu comme un symbole qui marque par l’architecture, le changement du pouvoir en place. Fortement référencé à l’héritage pré-protectorat du pays, il est donné à être vu comme s’inspirant de la « tradition andalouse », et ornementé par des éléments « du style tunisien ». "
(Olfa Bohli Nouri)
Bonjour,
Le palais présidentiel de Carthage, appelé officiellement palais de la République, est le siège et la résidence du président de la République tunisienne. Il est aménagé sur le front de mer à Carthage, près du site archéologique, à quinze kilomètres au nord-est de Tunis.
D'après la page Wikipedia consacrée au palais, celui-ci est construit par l'architecte franco-tunisien Olivier-Clément Cacoub, en trois tranches sur une période étalée de 1960 à 1969, selon une architecture arabo-andalouse.
Malheureusement les documents de la bibliothèque municipale de Lyon que nous avons pu consulter ne nous fournissent pas beaucoup de renseignements sur ce style architectural. Le guide d'Owen Hopkins Les styles en architecture renvoie au style baroque espagnol et latino-américain, ainsi qu'à l'orientalisme.
Le Dictionnaire des architectes de Bernard Oudin consacre une entrée à Olivier-Clément Cacoub :
Né en 1920 à Tunis, est l'un des plus prolifiques constructeurs du continent africain, notamment en Tunisie : hôtel Africa et palais des Sports à Tunis : club de vacances et motel "Les Palmiers" à Skanès, palais présidentiels de Carthage et de Skanès, nouveau marché à Monastir, palais des Congrès à Monastir et à Bizerte. Il a également travaillé en Afrique noire où il a bâti le palais du président Houphouët-Boigny à Yamoussoukro (Côte-d'Ivoire) et l'hôtel Teranga à Dakar (Sénégal).
Hors d'Afrique, il faut citer l'amphithéâtre de l'université de Grenoble à Saint-Martin-d'Hères, l'hôtel Château-Royal à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), l'hôtel Cosmos à Moscou (1979, avec Pierre et Simon Epstein) et à Paris, quai André-Citroën, le grand ensemble de bureaux "Le Ponant" (1989).
Un article du Moniteur lui rend hommage après sa mort, et revient sur son oeuvre :
Surnommé l'"architecte du soleil", il veillait à la dimension humaine de ses édifices. "Je conçois des plans pour les hommes. A ces hommes, je propose un habitat rénové, des structures repensées, une tentative de rencontre de la tradition et de la modernité, ou tout simplement, une architecture heureuse", disait-il.
Parmi ses nombreux travaux, Olivier-Clément Cacoub est notamment l'auteur de l'université d'Orléans, de l'aménagement du campus universitaire de Grenoble, du Palais de la Méditerranée à Nice, de l'"immeuble-miroir" futuriste Le Ponant ou de la rénovation du marché Saint-Germain à Paris.
Il était également l'un des architectes les plus prolifiques du continent africain, avec des réalisations en Tunisie, au Cameroun, en Côte d'Ivoire ou en République démocratique du Congo. Olivier-Clément Cacoub a notamment réalisé les palais présidentiels de Carthage et de Yaoundé.
Toujours dans le même article, est cité l'hommage que lui rend Christine Albanel, alors ministre de la Culture et de la Communication, qui décrit son oeuvre architecturale en ces termes :
Olivier-Clément Cacoub était un bâtisseur humaniste, animé par une haute intelligence des contextes et des cultures.
C'est en Tunisie, son pays natal, qu'il a fait ses premiers pas professionnels, comme architecte-conseil auprès de la République tunisienne. Il est toujours resté très attaché au continent africain, dont il a su revisiter les traditions esthétiques. Il partageait ainsi son art entre la France, la Tunisie, le Cameroun, la Côte d'Ivoire ou encore la République démocratique du Congo.
Dans Fabrique du tourisme et expériences patrimoniales au Maghreb, XIXe-XXIe siècles, Charlotte Mus-Jelidi (Le président, la mer et l'architecte. Cacoub bâtisseur d'une nation touristique) évoque le style arabo-andalou employé par l'architecte dans certains de ses projets : "les architectures dites « signal », dans lesquelles se combinent des échos plus ou moins lointains au patrimoine local ou plus largement arabo-andalou et des références nord-américaines".
Du palais présidentiel de Carthage notamment, elle dit qu'il a "pour but d’incarner la modernité de la jeune nation tunisienne".
Plus loin elle décrit ainsi le palais :
Les références sont diverses, aussi bien françaises que vernaculaires, tantôt tunisiennes, tantôt maghrébines. Une grande partie du mobilier créé par André Leleu et Pierre Deshays de la maison Jansen est de style louis XVI ; les jardins sont à la française, tandis que le palais regorge de plafonds en caissons ouvragés (dans la galerie de la salle de réception), de décors de stucs et de zelliges (dans la salle d’honneur) ou encore de moucharabiehs en façade (en bois cette fois et reprenant des formes vernaculaires), qui tous ont vocation à montrer le savoir-faire artisanal local aux hôtes étrangers lors des visites officielles. L’identité tunisienne est ici plus affirmée que dans le Palais de marbre où elle était subtilement suggérée.
Voici enfin les précisions apportées par Olfa Bohli Nouri dans sa thèse La fabrication de l’architecture en Tunisie indépendante : une rhétorique par la référence :
Le palais de Carthage
Retrouvé dans les archives sous le nom de palais présidentiel à Sayda ou à Saïda, il s’agit de l’extension d’un bâtiment existant, celui de l’ancienne résidence du secrétaire général du gouvernement tunisien sous le protectorat, et de la construction de bâtiments annexes.
« Qui reconnaît cette façade de Palais donnant sur la mer ? Ancienne demeure des secrétaires généraux (français) du gouvernement tunisien, le palais s’est tunisifié jusque dans l’architecture ». C’est en ces termes qu’est commenté le projet du palais de Carthage, oeuvre de l’architecte Olivier Clément Cacoub et des célèbres décorateurs parisiens Leleu, Jansen et Deshays. L’expression « s’est tunisifié » résume parfaitement le parcours de l’architecture en Tunisie indépendante. Le palais présidentiel, image du nouvel État, est perçu comme un symbole qui marque, par l’architecture, le changement du pouvoir en place. Fortement référencé à l’héritage pré-protectorat du pays, il est donné à être vu comme s’inspirant de la « tradition andalouse », et ornementé par des éléments « du style tunisien ». La tunisification de l’ancienne résidence générale soulève ainsi la problématique de l’usage de la référence architecturale à des fins politiques, dès les premières années de l’indépendance.
Nos recherches ne nous ont pas permis de localiser les dessins techniques du palais. Nous vous conseillons de contacter les archives nationales de Tunisie et le Centre d’archives d’architecture du XXe siècle qui seront peut-être en mesure de vous orienter.
NB : Etant en télétravail au moment où nous rédigeons cette réponse, nous n'avons pas pu consulter l'ouvrage d'Olivier Clément Cacoub, Architecture de soleil, qui contient peut-être des éléments de réponse complémentaires. Nous le consulterons dès que possible, et compléterons notre réponse s'il y a lieu.
Bonne journée.
Complément(s) de réponse
Bonjour,
L'ouvrage Architecture de soleil consacre bien quelques pages au palais de Carthage (p. 28 à 33). Nous y trouvons p. 32 le plan ci-dessous :
Bonne journée.
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