Quelle valeur donner à l'emploi de l'infinitif dans l'expression "avoir beau...." ?
Question d'origine :
Quelle justification et quelle valeur donner à l'emploi de l'infinitif dans l'expression "avoir beau...." comme dans l'exemple. "on a beau dire, on a beau faire" ?
Réponse du Guichet
Cette locution viendrait du français médiéval où le verbe à l'infinitif serait substantivé et qualifié par l'adjectif beau.
Bonjour,
Voici ce qu'indique Bernard Cerquiglini dans Petites Chroniques du français comme on l'aime en page 78 à propos de la locution "avoir beau + infinitif":
Beaucoup sont ceux qui cherchent à comprendre l’expression avoir beau qui les trouble toujours, avec son allure de faux passé composé. L’expression est d’emploi courant en français : il a beau réfléchir, il ne comprend pas; j’ai beau sonner, personne n’entend. […]
Le problème réside dans cette curieuse construction formée du verbe avoir suivi de l’adjectif beau et d’un infinitif. En effet, nous ne sommes pas en présence d’un passé composé (*il a beau réfléchi), mais d’un présent (il a beau réfléchir). C’est un grammairien anglais, John Orr, qui a débrouillé l’affaire, en rappelant ce proverbe médiéval: «A beau mentir qui vient de loin.» Celui qui vient de très loin ment aisément et impunément: il a beau mentir. Mentir est un infinitif substantivé, objet du verbe avoir; il est construit sans article, comme c’est l’usage dans les proverbes, et qualifié par l’épithète beau. Avoir beau + infinitif s’est figé, au sens de «avoir toute facilité pour».
La première proposition a valeur de concession tandis que la deuxième a valeur d'opposition.
Retrouvez l'explication de Bernard Cerquiglini en vidéo :
source : Merci Professeur - Vendredi 1 août 2014
Nous vous laissons approfondir le sujet en consultant ces articles écrits par Marie-José Béguelin et Virginie Conti qui indiquent également :
Dans ce proverbe à la syntaxe archaïque, attesté jusqu’à l’époque moderne, la CV avoir beau + Vinf fonctionne comme un îlot syntaxique indépendant : l’énoncé est aphoristique et tout à fait étranger à l’expression de la concession. L’adjectif beau y est analysé soit comme une épithète du verbe à l’infinitif (lequel aurait valeur substantivale, cf. Orr [1963]), soit plutôt comme un attribut du complément de verbe (explication soutenue par Goosse [1991])
- Syntaxe des structures avec avoir beau en français préclassique et classique / Marie-José BÉGUELIN & Virginie CONTI
- Les constructions avec avoir beau sont-elles libres ou dépendantes ? / Marie-José BÉGUELIN
- Le statut des concessives en avoir beau du français: considérations synchroniques et diachroniques / Virginie CONTI et Marie-José BÉGUELIN
Bonne journée.