Que signifient les attributs des statues de la gare des Brotteaux ?
Question d'origine :
Bonjour,
Sur la façade de l'ancienne gare des brotteaux, il y a deux bustes de femme coiffées l'une d'un bonnet phrygien, l'autre d'une étoile. Restpectivement, elles sont sous les blasons de la ville de Marseille et de Paris. Cela permet de matérialiser la ligne PLM. Mais je n'ai trouvé la signification de ces attributs. Est-ce que le bonnet est en lien avec la Révolution quand les révolutionnaires du Midi étaient coiffés du bonnet et le portaient comme emblème de la liberté ?
Pour Paris, l'étoile est-ce en lien avec le rayonnement de la capitale ?
Merci d'avance pour votre aide si vous trouvez l'origine de ces attributs.
Cordialement,
JCa
Réponse du Guichet
La documentation disponible sur la gare des Brotteaux est singulièrement lacunaire sur le décor sculpté par F. Masson, représentant les blasons des villes traversées par les trains de la société PLM et les allégories de Paris et de Marseille. Nous n'avons rien trouvé de probant sur les coiffes des deux têtes sculptées qui vous intéressent, cependant une recherche sur les allégories au XIXe siècle nous donne quelques éléments.
Bonjour,
Nous n'avons malheureusement trouvé aucune réponse satisfaisante à votre question. Les sources disponibles sur la gare des Brotteaux restent singulièrement superficielles sur la décoration extérieure. Voici ce qu'on peut lire sur le site du Patrimoine Auvergne-Rhône-Alpes :
Au-dessus des chapiteaux centraux, 2 têtes de femmes, l´une coiffée d´un bonnet, l´autre d´une étoile, doivent symboliser les villes de Marseille et Paris, puisque au-dessus d´elles, les 2 écussons des villes terminus du P.L.M., Marseille et Paris, « déploient leur luxueux décor ». Les blasons de la frise, groupés 5 par 5, figurent les villes traversées par la compagnie P.L.M. interrompus au centre par l´inscription « chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée ».Un cartouche sculpté sous l´horloge précise la date de la construction de la gare « 1905-1908 ».
Ni ce site, ni l'inventaire des monuments historiques qui décrit également l'édifice, ni le site de la Gare des Brotteaux ne donnent d'explication quant à l'étoile et au bonnet.
Les quelques autres sources disponibles en ligne (ferro-lyon.net, Monumentum, Wikipédia, ou même le Guichet du Savoir) ne nous en apprennent pas plus. On saura seulement que la façade a été construite comme la gare vers 1908-1909, et le décor sculpté par un certain F. Masson.
Une réponse récente de nos collègues de la documentation régionale nous apprend que "les blasons de la façade de la gare des Brotteaux n’ont pas fait l’objet d’un inventaire détaillé" - il semble que ce soit, hélas, le cas de toute la façade. Même la presse spécialisée de l'époque de l'inauguration (1909) était singulièrement peu détaillée sur les ornementations de la façade : voyez par exemple cet article de La Construction lyonnaise consultable sur Numelyo, très détaillé sur les aspects techniques de la construction du bâtiment, et qui ne dit presque rien du décor...
Nous avons également consulté sans succès les documents suivants :
- Façades lyonnaises [Livre] : 2000 ans de création architecturale et de confluence culturelle / Nicolas Jacquet ; préface de Régis Neyret
Cela dit, observant le détail de la tête de gauche (Marseille) sur ferro-lyon.net, un doute nous vient quant à l'identification d'un bonnet phrygien : il nous semble que l'allégorie est coiffée d'un bonnet en forme de diadème, plus ornementé qu'un bonnet révolutionnaire. En tout état de cause, nous n'avons trouvé aucune mention d'une allégorie de Marseille coiffée d'un bonnet phrygien. Une représentation de la cité phocéenne par André Allar (1890) sur une fontaine marseillaise porte ainsi une couronne...
Nos recherches concernant la tête "parisienne" nous ont en revanche mis sur une piste, bien que non confirmée : il semble qu'au cours des XVIIIè-XIXè siècles, les allégories de Paris, de la Liberté et de la République aient partagé certains attributs... au point de presque se confondre. Une Allégorie de la Ville de Paris de Gabriel Doyen, visible au Musée Carnavalet présente dès 1765 un groupe de personnage, dont un, ailé, portant une flamme au front, annonce le Génie de la Liberté d'Auguste Dumont, réalisée en 1836 et couronnant la colonne de Juillet, place de la Bastille, à Paris. Celui-ci, ailé également, éclaire également le monde, mais porte au front une étoile semblable à celle de la tête des Brotteaux.
Or, on lit dans "Un usage de la femme au XIXe siècle : l'allégorie de la République", article de Maurice Agulhon publié en 1973 dans la revue Les Annales et consultable sur Persée, que la représentation de la Liberté a posé problème au début de la IIIe République. Le symbole du bonnet phrygien, récupéré par la Commune de Paris, n'était plus admissible.
L'allégorie féminine était trop liée à toute la tradition de la République pour que l'on puisse s'en passer, mais son attribut essentiel, le bonnet- phrygien, était insupportable, puisque la Commune l'avait associé à son souvenir, et par ce biais à la révolution populaire plus ou moins socialiste d'inspiration.
Ainsi s'explique le choix du symbole officiel des années 80 : une femme, une femme de type Minerve, bien entendu, calme et sereine ; et, de plus, et surtout, sans bonnet : sa coiffure sera composée d'une couronne d'épis de blé complétée sur le front, en place de diadème, par une étoile à cinq branches. Le bonnet rouge, le bonnet phrygien, emblème traditionnel de la liberté depuis l'Antiquité romaine, se trouve dissocié de la Liberté- Sagesse pour s'associer, le rouge et la Commune aidant, à la révolution sociale, au point même d'être subversif dans la République de Ferry et de Gambetta. A la même époque d'ailleurs survient un événement politico-artistique qui va dans le même sens. Un succès prodigieux entoure La Liberté éclairant le Monde d'Auguste Bartholdi, transportée de France jusqu'au port de New- York dans un grand cérémonial d'amitié entre les deux républiques (sages) de France et d'Amérique, et cela contribue à associer l'idée de liberté à celle de la coiffure en rayons de soleil imaginée par le grand sculpteur alsacien.
À regarder la photo que vous avez jointe à votre question, il nous semble que derrière cette étoile à cinq branches, c'est bien une couronne semblable à celle de la statue le la Liberté que Masson a sculptée. S'il a cherché à représenter la ville de Paris, c'est donc apparemment pour en faire implicitement un guide des idées de liberté et de république.
Bonne journée.