Existe-il une ethnographie et/ou une archéologie des nœuds ?
Question d'origine :
Bonjour,
Existe-il une ethnographie et/ou une archéologie des nœuds? J'ai lu sur Wikipedia qu'un cabestan vieux de 10 000 ans a été trouvé au Danemark. Est-ce qu'on a étudié l'évolution et la diffusion dans le temps et l'espace des noeuds, comme on le fait pour la langue? Les samis, tarahumaras, iroquois ou massaïs utilisent-iels les mêmes nœuds?
Merci de votre réponse!
Réponse du Guichet

Nous n'avons pas trouvé d'étude portant précisément sur l'ethnographie ou archéologie des noeuds mais nous vous proposons ici quelques pistes à explorer.
Bonjour,
Nous n'avons pas trouvé d'étude historique ethnographique ou anthropologique du noeud. Ce travail reste probablement à réaliser !
Voici néanmoins quelques bribes d'informations et pistes de recherche qui pourront peut-être vous intéresser.
Tout d'abord quelques extraits du dictionnaire culturel en langue française :
Avant toute métaphore, le nœud est une configuration prise par un objet flexible ou par deux de ces objets ainsi réunis. Il résulte d’une action humaine ou d’une disposition naturelle, et dans le premier cas, s’intègre aux opérations artisanales sur de nombreux matériaux, végétaux ou animaux, cordes et fils, tiges souples… Celles-ci forment divers types d’entrelacs, et les techniques fondamentales du tissage, du maillage, du nattage, du tricot, de la vannerie, appartiennent au même univers de la torsion, du retournement, de l’enroulement et de l’enchaînement auquel le nœud participe.
Les deux fonctions principales du nœud sont l’une technique, l’autre sémiotique. D’une part le nœud maintient et relie, ce qu’exprime le verbe nouer et ses équivalents en d’autres langues. De l’autre, il sert sur un même support souple, de repère et de marque. D’un côté, on noue les cordons d’un vêtement pour l’assujettir et le retenir; de l’autre, on fait un nœud à son mouchoir pour se souvenir d’autre chose: le nœud est un signe. Dans les utilisations culturelles, dans les emplois symboliques, on retrouve ces deux valeurs; dans les figures rhétoriques portant sur le mot signifiant «nœud», c’est la fonction de lien ou d’assemblage qui l’emporte.
[…]
En tant que moyen de réunir, le nœud est une technique perfectionnée, tant dans l’univers pratique et concret que dans la symbolique. La science des nœuds, de la marine, du scoutisme, est subtile.
Le répertoire des nœuds de marin est impressionnant, et leur maîtrise délicate; mais ces nœuds, conçus pour ne pas se défaire ou pour «couler», n’ont de valeur que fonctionnelle, à la différence des nœuds signifiants: […] les chinois ne disposaient pour tout véhicule de leurs réflexions que de cordelettes qu’ils nouaient de place en place à intervalles appropriés. La disposition des nœuds disait avec peine ce qu’ils voulaient communiquer. (Roger Caillois, Babel: Orgueil, confusion et ruine de la littérature, p. 228).
Le cas le plus notoire de «code à nœuds» est celui des quipous péruviens: D’autres messages étaient transmis, non verbalement, mais par écrit pour ainsi dire, bien que nous ayons dit qu’ils ne connaissaient pas l’écriture. Celle-ci était remplacée par des nœuds faits avec des fils de couleurs différentes, rangés par ordre, mais pas toujours de la même manière car parfois ils mettaient une couleur devant l’autre, et parfois ils la changeaient au rebours. Ces nœuds étaient comme autant de chiffres grâce auxquels l’Inca et ses gouverneurs s’entendaient et savaient ce qu’il fallait faire. Les nœuds et les couleurs des fils signifiaient le nombre de personnes, d’armes, de vêtements, la quantité d’approvisionnement ou toute autre chose qu’il fallait envoyer ou tenir prêts. Les fils ainsi noués étaient appelés par les Indiens Quipu […]
Ainsi le nœud a été dans plusieurs civilisations sans écriture un moyen efficace de fixer des données et de communiquer.
En Polynésie, la fonction religieuse du Récitant consistait à retenir la totalité de l’histoire du groupe, et à la réciter dans des occasions déterminées, assurant ainsi la cohésion de la communauté. L’ensemble des récits se maintenait intact grâce à des procédés mnémotechniques fondés sur le jeu des nœuds. […]
Quoi qu’il en soit, plusieurs langues assimilent à des nœuds les renflements de certaines tiges; en Chine, ceux du bambou ont valeur symbolique de marques échelonnées sur l’axe Terre-Ciel. Selon Granet, l’idée chinoise d’une captation et d’un repérage d’états fait partie de la fonction nodale. Les systèmes analogues aux quipous, connus aussi des Maoris, seraient la mise en œuvre artificielle de cette disposition dictée par la nature.
Signe et condensation d’un principe de vie, le nœud est omniprésent dans les religions égyptienne, asiatiques, dans l’islam et sa valeur symbolique semble universelle – à l’instar de celle du pli et du repli.
On trouve de nombreuses études et articles portant sur les quipous :
- Les quipus, le code secret des Incas / Ariadna Baulenas - National géographic
- Les Khipu : une mémoire locale ? / Pierre Déléage
- Le calcul des années et-des mois dans les quipus péruviens / Nordenskiöld Erland. In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 18, 1926. pp. 51-65.
ainsi qu'une bibliographie sur l'écriture sélective nouée : bibliographie les écritures amérindiennes (pages 17-18).
Autres documents :
- Le MAEDUP : l'art des noeuds coréens
- Le grand livre des noeuds [Livre] / Clifford W. Ashley ; traduction de Karin Huet
Etant une bibliothèque généraliste et ne disposant pas de bases de données spécialisées, nous vous renvoyons, pour plus d'information, vers le service de Questions/réponses proposé par des bibliothèques universitaires : Ubib.
Bonne journée.