Je voudrais en savoir plus sur l'histoire de cet enfant de 7 ans qui a décollé seul à bord d'un aérostat en 1902, à Tourcoing
Question d'origine :
Bonjour
Je souhaiterais en savoir plus sur l'histoire de cet enfant de 7 ans qui, le 14 juillet 1902, seul a bord d'un aérostat a décollé de la place de la République à Tourcoing, dans le but de montrer la maniabilté de l’appareil. Il réussira à poser le ballon en Belgique.
Par avance, je vous remercie.
Bien cordialement
Réponse du Guichet
D'après les articles de l'époque que nous avons consultés, il s'agit d'un accident : Louis Duhem, 7 ans, fils de l'aéronaute Palmyr Duhem, a été emporté à bord d'un ballon en direction de la Belgique après la chute de son père. Il sera heureusement retrouvé sain et sauf.
Bonjour,
Malheureusement la BmL ne possède pas l'ouvrage cité en référence par l'article de Wikipedia sur Tourcoing qui mentionne cet événement : Cent ans de vie dans la région, Tome 1 : 1900-1914, éditions la Voix du Nord, 1998, page 41. Nous n'avons donc pas eu la possibilité de le consulter.
En revanche nous avons accès à Retronews qui nous permet de retrouver des articles évoquant cet incident, par exemple l'article du Réveil du Nord du 16 juillet 1902, Dramatique ascension à Tourcoing :
En l'honneur de la fête nationale, un de nos concitoyens, M. Palmyr Duhem devait accomplir lundi soir, vers 6 heures, sur la place de la République, une ascension aérostatique.
Cette ascension a été très mouvementée. Voici, au surplus, les renseignements que nous avons recueillis sur cette affaire.
Pas de chance !
Décidément la journée de lundi ne fut pas, pour M. Duhem, une journée de veine !
L'aéronaute devait monter son "Formidable", mais, quelques heures avant le départ, on s'aperçut qu'une fuite s'était produite, et qu'il serait impossible de le gonfler.
M. Duhem qui ne parvenait pas à comprendre cet incident, se décida néanmoins à faire apporter un autre ballon lui appartenant également, et qui était déposé à l'estaminet du "Prince", rue de Gand.
Second à-coup : en route, un essieu de la charrette se brise.
Quand la guigne s'en mêle, voyez-vous ! L'aérostat est enfin amené sur la place.
Lâchez tout !
Vers six heures un quart, la foule s'entassait, s'écrasait sur la place de la République, pour assister au départ de l'aérostat.
Tant bien que mal, le ballon est prêt.
M. Palmyr Duhem, qui, paraît, à la célébrité, vouloir sacrifier toute prudence, place dans la nacelle, son garçon, le petit Louis, âgé de 7 ans, qui doit l'accompagner dans son ascension, puis se lie avec une corde à la ceinture, et s'assied sur son trapèze.
Le traditionnel "lâchez-tout" est poussé. Lentement, l'aérostat s'élève, aux applaudissements enthousiastes de la foule, ce pendant que, dans le vide, l'aéronaute exécute de périlleux tours de gymnastique, et que le bambin, dont la tête émerge à peine de la nacelle, lance par-dessus bords des papiers multicolores.
Chute de l'aéronaute
Tout à coup, l'aérostat est à peine à 60 mètres de hauteur, se dirigeant vers les Francs qu'il baisse considérablement, et bientôt tombe au-dessus de l'établissement, et bientôt tombe au-dessus de l'établissement de M. Edouard Six-Dewavrin, négociant en laines, rue de la Blanche-Porte.
Voyant le danger qu'il court, M. Palmyr Duhem essaie de détacher la corde qui le lie au trapèze, pour remonter dans la nacelle, jeter du lest et tâcher d'atterrir plus loin.
Malheureusement, il est projeté contre un mur, tandis que la nacelle baigne dans la bache du réfrigérant de l'usine Six.
A ce moment, Mme Alphonse Lefebvre et ses deux demoiselles, qui tiennent l'estaminet du "Petit Tonneau", rue du Sentier, 42, se trouvaient dans leur jardin.
"M. Duhem, nous ont-elles dit, appelait au secours, et le petit garçon, son papa. Nous avons crié au bambin : "Jette-toi dans la bâche, nous irons te chercher". Mais l'enfant n'a pas su enjamber la nacelle. Soudain un coup du vent amena le ballon au milieu de notre jardin. M. Duhem était suspendu par les mains au trapèze. La corde de sauvetage pendait si bas que nous avons sauté pour la saisir, mais nous n'avons pu y parvenir.
Que se passa-t-il en ce moment ? Nous ne savons. M. Duhem venait de lâcher le trapèze et était tombé sur un poirier dont une branche se brisa et de là sur le sol. Nous le crûmes mort ; il n'était qu'évanoui.
Pendant ce temps si court qu'on ne peut l'appréciser, le ballon montait avec une vitesse vertigineuse emportant l'enfant qui criait : "Papa ! Maman !" Il était à trois cents mètres que nous l'entendions encore, puis il nous sembla qu'il était tombé au fond de sa nacelle.
MM. les docteurs Leduc et Vienne, que nous avions envoyé chercher, arrivèrent et, grâce à l'éther que nous avions sous la main, ils firent reprendre ses sens à l'aéronaute qui n'avait pour toute blessure que des contusions à la joue gauche, ou plutôt des égratignures faites par les branches du poirier sur lequel il était tombé."
A la recherche du ballon
Le désespoir de M. Duhem faisait peine à voir. Encore étourdi par la chute, il balbutiait des propos incohérents, appelant son fils.
A peine remis, il demanda la bicyclette d'un passant, pour suivre le ballon.
Un chauffeur, M. Jules Vandecastelle, qui demeure rue de Strasbourg et travaille à Fives-Lille chez MM. Morancher et Maréchal, constructeurs d'automobiles, vint à passer en tricycle à pétrole.
Il prit en croupe M. Duhem, et les deux hommes se dirigèrent à toute vitesse vers la frontière, à la recherche du ballon.
Pénible incident
La nouvelle de l'accident s'était répandue en ville comme une traînée de poudre.
Bientôt elle parvint aux oreilles de Mme Duhem, qui assistait sur la place de la République au départ du ballon.
La pauvre femme fut prise d'une violente attaque de nerfs. On la transporta à la pharmacie Boyaval, où M. Dron, maire, qui se trouvait non loin de là, vint lui donner ses soins.
Il jugea son état tellement alarmant qu'il la fit transporter d'urgence à l'Hôtel-Dieu.
L'enfant est sauvé
En quittant Tourcoing, MM. Duhem et Vandecastelle passèrent à Wattrelos, puis à Herseaux, Dottignies, Evregnies, Saint-Genois.
Partout, le ballon avait été vu, mais on ne savait où il était parti.
De Saint-Genois, les deux hommes revinrent à Dottignies, où leur avait-on dit, un ballon venait d'atterrir.
C'en était un, en effet, mais celui de M. Glorieux, parti de Roubaix.
Devant cette déconvenue, les voyageurs poursuivent leur route. A Aurroir, près du Mont de l'Enclus, le tricycle reste en panne, et les recherches deviennent plus difficiles.
Enfin, à minuit 15, ils arrivent à Arc-Ainières, entre Amougies et Celles-Escanaffies, près de Tournai et là, MM Duhem et Vandecastelle apprennent que l'enfant est sain et sauf. Le ballon a atterri sans encombre, à sept heures douze du soir, dans une pâture.
Le gamin a, paraît-il, demandé aux paysans accourus de l'aider à plier le ballon.
On l'a recueilli, et on lui a donné l'hospitalité à la ferme Bischoops, où son père le retrouva.
Il est inutile, croyons-nous, de dépeindre la joie de M. Duhem, qui, avec raison, craignait un malheur.
Le retour à Tourcoing
Vers dix heures et demie du matin, une dépêche, envoyée par M. Duhem, à son domicile, rue Saint-Pierre, apprenait à la famille l'heureux dénouement du drame que nous venons de narrer.
Cette nouvelle se répandit rapidement en ville, où l'accident dont on ne connaissait pas l'épilogue à 2 heures du matin, avait causé une émotion considérable.
MM. Duhem, Vandecastelle et le jeune aéronaute étaient attendus pour midi et demi.
Vers cette heure, les abords de la gare sont envahis par une foule compacte.
Soudain, un cri se fait entendre : "Les voilà !" Tout le monde se précipite, se presse, se bouscule ; chacun veut voir, toucher même le petit Louis, un blondin à la figure bien éveillée et à la mine franche et hardie.
Les voisins de M. Duhem avaient voulu bien faire les choses.
L'un d'eux remet au gamin une palme, avec cette inscription : "Honneur au jeune aéronaute".
Les... héros et leurs amis prennent place dans plusieurs voitures. Un cortège se forme et se rend vers le domicile de M. Duhem. Le long de la route le nombre des curieux grossit toujours.
Il ne manque pas de badauds dans notre bonne ville.
Après plusieurs stations dans différents cafés, le cortège est enfin arrivé sur la Grande Place. Nouvel arrêt au "Café Moderne", qui, en un clin d'oeil est envahi.
Là, sur l'initiative de M. Catrice, tenancier de l'établissement, une quête est faite en faveur du jeune aéronaute.
Cette quête a rapporté 22 fr. 15.
Le cortège s'est remis en route pour arrêter plus loin dans d'autres estaminets.
Nous demandons à l'enfant comment s'est fait l'atterrissement. Il nous dit qu'ayant aperçu une grande pâture propice pour la descente, il a essayé "d'ouvrir la soupape", mais comme il ne possédait pas la force musculaire pour le faire, il a roulé la corde autour de son corps.
Est-ce bien exact ? Toujours est-il que le ballon a, d'après les personnes ayant assisté à l'atterrissement, descendu avec une vitesse vertigineuse.
Nous nous sommes borné à enregistrer dans notre enquête, les renseignements nous paraissant les plus vraisemblables.
Nous ne pouvions ajouter foi aux divers récits, tous au plus dramatique, mis en circulation.
Il est heureux que cette ascension mouvementée n'ait pas eu d'autre dénouement.
M. Duhem aurait alors chèrement expié l'imprudence commise par lui en se faisant accompagner par son gamin.
Nous qualifions imprudence, pour ne pas dire folie.
Dans la soirée d'hier, nous avons pris des nouvelles de Mme Duhem.
Son état s'est sensiblement amélioré.
Les autres articles que nous avons consultés confirment qu'il s'agit d'un accident :
Dramatique ascension à Tourcoing, Le Progrès de la Somme, 15 juillet 1902
Un drame dans les airs, Le Petit Parisien, 16 juillet 1902
Dramatique ascension : notre enquête à Tourcoing, La Patrie, 17 juille 1902
Dramatique ascension, La Lanterne, 17 juillet 1902
Dramatique ascension, Le Petit Troyen, 17 juillet 1902
Un drame dans les airs, L'Avenir de la Mayenne, 20 juillet 1902
Bonne journée.