Des défenses antimissiles nous protègent-elles contre une frappe nucléaire ?
Question d'origine :
Bonjour
A l'heure où on parle de menace nucléaire Russe :
Si la Russie tire des missiles sur la France ou un autre pays, des défenses antimissiles nous protégeraient-elles, ou l’issue est-elle inéluctable ?
Merci
Nerus
Réponse du Guichet
Bien que la France dispose de défenses antimissiles, celles-ci ne sont pas adaptées face à l'arsenal de missiles intercontinentaux de la Russie. Notre meilleure défense reste donc à ce jour la dissuasion nucléaire, c'est-à-dire la menace de représailles immédiates en cas d'attaque. Malheureusement cela signifie que si un missile intercontinental était bel et bien tiré en direction de la France, il atteindrait son objectif en 15 minutes, avec les conséquences terribles que l'on peut imaginer.
Bonjour,
Un article du Huffington Post publié hier répond à cette question brûlante d'actualité : bien que la France dispose de défenses antimissiles, celles-ci ne sont pas adaptées face à l'arsenal de missiles intercontinentaux de la Russie. Notre meilleure défense reste donc à ce jour la dissuasion nucléaire, c'est-à-dire la menace de représailles immédiates en cas d'attaque. Malheureusement cela signifie que si un missile intercontinental était bel et bien tiré en direction de la France, il atteindrait son objectif en 15 minutes, avec les conséquences terribles que l'on peut imaginer.
Le missile Satan 2 serait capable de raser entièrement un territoire de la superficie de la France ou du Texas.
La France peut-elle se protéger face à un missile chargé d’une ogive nucléaire? Comme vous pouvez le découvrir dans la vidéo en tête de cet article, la réponse est non... s’il s’agit d’une attaque provenant de la Russie, et si on s’en tient aux informations connues du grand public sur les capacités de défense de l’armée française.
Depuis 2010, dans le cadre de l’OTAN mais également sur le territoire hexagonal, des systèmes ont bien été mis en place. En Roumanie et en Pologne, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord a ainsi installé son système Aegis, qui comprend des missiles américains SM-3s. Ces derniers ont déjà démontré qu’ils étaient capables d’intercepter un missile longue portée.
En France, le système SAMP/T permet de lancer, depuis des unités mobiles, des missiles Aster 30 sol-air, produits par le consortium EUROSAM. Ces derniers peuvent faire exploser un missile de croisière en vol, comme un test mené en 2020 l’a encore démontré.
Pourquoi alors sommes-nous tout de même vulnérables à une attaque russe?
15 minutes pour un missile russe intercontinental
Aucun de ces parapluies n’est prévu contre l’arsenal russe, pléthorique et constitué de missiles intercontinentaux susceptibles d’atteindre des vitesses moyennes de 7km/s. La protection offerte par le système Aegis est pensée pour se protéger contre un tir de la Corée du Nord ou de l’Iran: des pays dont les stocks et les capacités n’ont rien à voir avec ceux de Moscou.
Les missiles Aster, extrêmement versatiles et dont est également équipée l’Italie, la Turquie ou encore Singapour, sont également pensés pour d’autres situations de défense sol-air. Sur terre, ils servent prioritairement à défendre des sites stratégiques comme une base militaire ou un aéroport contre des missiles de courte ou moyenne portée: rien à voir avec une ogive nucléaire tirée par exemple du silo de Barnaoul, dans le sud de la Russie, à 6100 kilomètres de Paris.
Autrement dit, il semble impossible de parer une éventuelle attaque nucléaire russe visant l’Hexagone, si on s’en réfère aux informations connues du grand public sur les capacités antimissiles de la France. Côté américain, le constat est le même: malgré ses capacités militaires et un système Aegis embarqué pour protéger son territoire, il ne pourrait empêcher le feu nucléaire de l’atteindre.
Mais des deux côtés de l’Atlantique, cette éventualité reste inconcevable. Avec ou sans système antimissile, la dissuasion nucléaire entre pays possesseurs de la bombe atomique reste le meilleur des boucliers. Le président américain, interrogé le 28 février sur la possibilité d’un tel péril, a tout simplement répondu: “non”.
En se "limitant" à environ 300 têtes nucléaires (plus précisément 290 d'après cet article publié il y a deux jours par Ouest France : Guerre en Ukraine. Après les menaces de Poutine, quels pays ont le plus de têtes nucléaires ?), la France est capable d'infliger à un agresseur des dommages qui sont considérés comme suffisants pour le faire renoncer à une attaque. C'est ce qu'explique Nicolas Haupais dans son ouvrage La France et l'arme nucléaire au XXIe siècle :
Comme on l'a vu, les arsenaux de la France sont beaucoup plus faibles que ceux des supergrands nucléaires, Etats-Unis et Russie. Ce fossé est évidemment dû au différentiel de puissance qui existe entre les différents Etats, mais il est également lié à une doctrine très tôt formulée par le général de Gaulle lui-même. Lors du Conseil des ministres du 3 juillet 1963, il déclare ainsi : "Il ne s'agit pas pour nous de nous doter d'une force équivalente à celle des Américains et des Russes. Nous ne sommes pas dans le domaine des armes conventionnelles, mais dans le domaine de la dissuasion. La question n'est pas de se hisser au même niveau que celui d'en face. La question est de représenter une capacité de représailles suffisante pour le faire renoncer à l'agression. La dissuasion commence dès que l'on a la possibilité de tuer assez de gens chez l'agresseur pour qu'il soit persuadé que le jeu n'en vaut pas la chandelle [...]. Quand on est sûr de pouvoir tuer [...] 40 ou 50 millions d'habitants chez notre agresseur, nous sommes assurés de ne pas être attaqués." Certes, cette doctrine ne reflète pas la conception actuelle qui récuse les frappes démographiques mais la logique qui la sous-tend reste valide : la question de comment faire mal appelle des réponses différentes, mais celle qui demeure centrale - faire mal ou non ? - est supposée ne pas faire l'objet de beaucoup de débats.
Quant à savoir si Vladimir Poutine partage cet avis, personne ne peut le dire.
Bonne (?) journée.