Je cherche des ressources sur les notions d'art et d'artisanat en France
Question d'origine :
Bonjour,
Je suis en train de préparer une conférence sur les notions d'art et artisanat en France.
Je souhaiterais avoir des ressources sur l’histoire de ces deux statuts, pourquoi il y a l'Ecole des beaux-arts et des arts appliqués, pourquoi certains professionnels préfèrent ne pas choisir une étiquette, qu'elle est la différence entre exposer en galerie ou en boutique ...
Si vous avez des ressources numériques et des livres à me suggérer sur ce sujet, je suis preneuse.
Un grand merci pour votre précieuse réponse !
Réponse du Guichet
L'artiste, guidé par l'esthétisme, a un projet artistique. Il crée une œuvre unique tandis que l'artisan répond à une commande et fabrique plusieurs exemplaires d'un objet à partir d'un modèle pour pouvoir le vendre dans un commerce. Il en est de même des beaux-arts et des arts appliqués. L'un a un objectif esthétique, l'autre a un but commercial voire industriel.
Bonjour,
Quelles sont les différences et les points communs entre art et artisanat ? Que signifient Beaux-arts et arts appliqués ?
Pour comprendre leur définition et leur évolution, il nous faut remonter à l'étymologie du mot "art" donnée par Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française :
Ars a pris en latin le sens "d'habileté acquise par l'étude ou la pratique", et celui de "talent", opposé à natura, à ingenium, à scientia, puis est passé au sens de "métier, profession" (d'où artifex) et à la valeur péjorative de "ruse", d'où artificium (artifice). Le mot a servi d'équivalent au grec tekhnê (technique), d'où la valeur de "traité", qui a abouti en français par exemple à art poétique...
[...]
art poétique, calque latin du grec poietikê tekhnê "méthode de création", chez Aristote.
Pour les grecs, il s'agissait donc de maîtriser une technique dans un domaine précis et ils ne faisaient pas de distinction entre art et artisanat.
Depuis la plus lointaine Antiquité jusqu’à la Renaissance, l’art s’inscrivait dans l’ensemble des productions que les hommes ajoutaient aux créations de la nature.
Telle était la conception de l’art pour la majorité des penseurs grecs, qui ne distinguaient pas art et artisanat.
Source : Philippe GRANAROLO, « ART (notions de base) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 18 mars 2022. Article accessible en bibliothèque (BML) ou en accès à distance pour nos abonnés.
C'est au XVIIIème siècle que s'opposent les notions d'artiste et d'artisan et que le terme beaux-arts "c'est à dire "les techniques de la beauté", s'applique, en opposition à arts mécaniques..." précise le Robert, Dictionnaire historique de la langue française.
A ce stade, ce que nous pouvons retenir de la différence entre un artiste et un artisan, c'est que l'artiste a un projet artistique guidé par l'esthétisme. Il crée une œuvre unique tandis qu’un artisan va répondre à une commande et fabriquer plusieurs exemplaires d'un objet à partir d'un modèle pour pouvoir le vendre dans un commerce. Il en est de même des beaux-arts et des arts appliqués. L'un a un objectif esthétique, l'autre a un but commercial voire industriel.
Plus tard, le mouvement Arts and Crafts, le Wiener Werkstätte, le Bauhaus, ont rapproché aussi bien l'art et l'artisanat que les beaux-arts des arts appliqués.
Aujourd'hui, en France "l’artisan et l’artiste se distinguent par leurs modes de formation, leurs statuts juridiques, leurs marchés ou encore leurs modes de reconnaissance" explique Anne Jourdain dans son article Réconcilier l'art et l'artisanat publié dans la revue Sociologie de l'art en 2012 où elle explique que
les artisans d’art se caractérisent ainsi par la maîtrise d’un savoir-faire technique qu’ils appliquent à un matériau non périssable (bois, cuir, terre, verre, etc.) pour réaliser des pièces utilitaires ou décoratives avec une visée esthétique. Ce sont des céramistes, des ébénistes, des maroquiniers, des tapissiers, des verriers... Le terme qui les rassemble – « artisanat d’art » – traduit en lui-même la volonté d’effacer le clivage, historiquement construit, entre art et artisanat. À travers les discours des professionnels et surtout ceux des institutions qui les représentent, l’artisanat d’art se présente comme un secteur dans lequel la distinction entre art et artisanat est rendue caduque.
Contrairement à cette image véhiculée par le secteur sur lui-même, la distinction entre art et artisanat est en réalité loin d’être abolie parmi les artisans d’art. Plus encore, elle est à l’origine des plus forts clivages au sein du secteur : selon qu’ils se réfèrent davantage à la composante artistique ou artisanale de leur métier, à l’aspect créatif ou technique de leur activité, les artisans d’art diffèrent par leur trajectoire professionnelle ou par le travail effectué. La distinction entre art et artisanat reste donc opérante pour mettre au jour différentes façons d’être artisan d’art. Elle apparaît également très structurante dans les façons de se dire artisan d’art, c’est-à-dire dans les moyens discursifs auxquels les professionnels ont recours pour se positionner au sein du secteur. En dépit de sa volonté affichée de dépasser l’opposition entre art et artisanat, le secteur voit donc se reconstituer en son sein la distinction qu’il combat.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à prendre connaissance de cette bibliographie :
L'art et l'artisanat de William Morris, 2011
Wiener Werkstätte : art et artisanat de Werner J. Schweiger, 1986
Du coeur à l'ouvrage. Les artisans d'art en France d'Anna Jourdain, 2014
Pour une anthropologie de la création, article paru dans le hors-série 7 d'Images re-vues en 2019, Par-delà art et artisanat
Bonne journée.