Comment la transition de la cité internationale de Lyon s'est faite morphologiquement et par une ségrégation socio-spatiale ?
Question d'origine :
Comment la transition de la cité internationale de Lyon c'est faite morphologiquement et par une ségrégation socio-spatiale ?
Réponse du Guichet
La Cité internationale occupe l'emplacement de l'ancien palais de la Foire. Le quartier résidentiel actuel ne remplace donc pas d'anciens logements. Sa morphologie n'a pas connu d'évolution à proprement parler depuis sa toute récente création à la fin du XXeme siècle.
Nous ne sommes pas en mesure de nous lancer dans une analyse technico-sociale de ce quartier, autant par défaut de compétence pointue en la matière que de temps. Nous disposons en revanche de quelques documents sur la Cité auquel vous pourrez peut-être accorder une place dans vos recherches.
Vous trouverez dans nos fonds quelques ouvrages consacrés à la Cité internationale :
- Penser la ville heureuse : Renzo Piano
- Cité internationale de Lyon
- Cité internationale de Lyon : Quai Achille Lignon. Tome 1 : 1985-1989. Tome 2 : 1989-1997
- ...
Et même un film documentaire réalisé pour les 20 ans de la Cité :
Le Dictionnaire de Lyon offre une synthèse des péripéties qui ont amenées à la conception de la Cité internationale. Nous la livrons ici telle quelle :
CITÉ INTERNATIONALE
«Les péripéties et rebondissements de ce dossier sont à ce point nombreux, qu'on n'ose plus les compter sur les doigts de la main», ne craint pas de noter Le Progrès du 4 décembre 1992, au sujet de l’interminable gestation de l’ambitieux projet, au fil des municipalités successives. Plus de quinze ans après, les deux mains n’y suffiraient pas ! Tout commence en 1984, quand la Foire de Lyon quitte le site du quai Achille-Lignon, pour rejoindre Eurexpo, dans l’Est lyonnais. Propriétaire des lieux, la Ville de Lyon, alors sous la mandature de Francisque Collomb (né en 1910), commence la démolition de bâtiments annexes, comme plusieurs halls et anciens stands en béton, puis du Hall de l'alimentation, jeté à bas en 1985. Mais c’est juré : jamais l’on ne touchera au grand Palais de la Foire élevé là par l'architecte Charles Meysson. Dans le même temps, un concours international est lancé, visant à la réutilisation de ce bâtiment, avec la création d’un «Centre de congrès », terme alors très à la mode, destiné à remplacer le Palais des congrès, que l’on va détruire. Il est remporté par l’architecte italien Renzo Piano (né en 1937), à qui l’on associe curieusement le second prix, l'architecte français Richard Plottier (né en 1939). Les deux artistes élaborent un projet commun, réhabilitant le bâtiment de Meysson et construisant alentour des bureaux, des hôtels et le fameux Centre de congrès, sur une surface voisine de cent cinquante mille mètres carrés de constructions neuves. Reste à trouver un aménageur pour mener à bien l’opération. En juin 1989, après consultation de cinq promoteurs potentiels, la SARI, société privée appartenant au groupe Générale des eaux, associée à la SERL, société locale d’économie mixte, est choisie, «par sept élus du Conseil municipal, dans le bureau de Francisque Collomb», rapporte perfidement Lyon Figaro avant d'ajouter : «Le 16 janvier 1989, le premier projet est remis en question à la demande de la SARI qui désire une densification de l'opération» (5 février 1991). On débarque donc Richard Plottier et Renzo Piano reste seul architecte, chargé d’un nouveau projet où il est prévu que l’ancien Palais de la “Foire ne sera pas conservé, mais complètement rasé, En mars 1989, après l'élection du maire Michel Noir (né en 1944), le nouvel adjoint à l’urbanisme, Henry Chabert (né en 1945), annonce une remise à plat des dossiers. En juin suivant, Piano livre son premier projet, d’où le bâtiment de Meysson a complètement disparu. En juillet, le maire signe le permis de démolition, mais quelques Lyonnais épris de patrimoine s'inquiètent et forment, autour de l'éditeur Michel Chomarat (né en 1948), un collectif qui lance une pétition afin de sauver ce fleuron de l'héritage architectural lyonnais. On évoque l'inscription du Palais à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, mais la commission ad hoc en décide autrement. Finalement on coupe la poire en deux : le ministre de la Culture Jack Lang (né en 1939), refuse la destruction total du bâtiment, faisant obligation à l'architecte de conserver un mince fragment : l’atrium et la façade du pavillon central (septembre 1989). Renzo Piano élabore donc son deuxième projet, qui inclut les parties désignées par le ministère dans son plan d’ensemble, très densifié, comprenant une inévitable tour haute de cent soixante mètres, alors que Michel Noir signe le second permis de démolir. Parallèlement, la municipalité contacte les cinq groupes initialement consultés, avec une condition nouvelle : le fameux Centre de congrès ne sera plus un équipement municipal et sa construction comme sa gestion devront être prises en charge par l'investisseur choisi. La SARL, cette fois seule, remporte une nouvelle fois la compétition, devant le groupe Bouygues (8 février 1990) et la convention est promptement entérinée par le Conseil municipal (18 février) et par celui de la Communauté urbaine de Lyon (5 mars). Dès le mois de mai, Renzo Piano présente son troisième projet, où apparaît une tour haute de cent quarante-cinq mètres seulement, contenant deux hôtels, Le moment est mal choisi ; la crise économique vient d’éclater, qui touche tout particulièrement le marché de l'immobilier, surtout d’entreprise. Il faut donc diminuer d'importance le chiffre des surfaces à construire sur le site et Renzo Piano revoit une nouvelle fois sa copie : son quatrième projet, qu'il présente en février 1991, ne comprend plus une seule et haute tour, mais deux tours jumelles, dans un cadre devenu agreste à souhait. « La Cité sous les arbres», titre ironiquement Lyon Figaro (5 février). Nouveau et cinquième projet, début 1992, avec une tour unique mais encore moins haute, de quatre-vingt-dix mètres seulement. Puis le problème se déplace : la SARL se débat dans de sombres problèmes financiers, alors que son président directeur-général est empêtré dans un scandale immobilier parisien qui lui vaut deux inculpations. La Générale des eaux décide donc de prendre les choses en main et de gérer elle-même le dossier, On demande à Piano un sixième projet présenté en décembre 1992... en l’absence de l’architecte. L'ambition est devenue plus modeste, toute présence de tour a disparu, les divers équipements sont noyés dans dix-sept hectares de verdures et d’espace public, et s’alignent le long d'une rue centrale couverte, rappelant l’ancien Palais, sous forme de dix pavillons jouant volontiers avec la brique rouge. La Cité internationale voit démarrer sa première tranche de travaux en novembre 1993. En 1995, ce qui est devenu un (petit) Palais des congrès bis de huit cents places est construit, que la Ville va curieusement racheter, en 1999, à son propriétaire, la société privée SPAICIL (Société privée d'aménagement et d'investissement de la Cité internationale de Lyon), filiale du groupe Vivendi. Le Musée d’art contemporain (MAC) est alors édifié, cofinancé par la Générale des eaux, les collectivités publiques et l'État, et les collections y sont installées dans le courant de l’année 1996. Des bureaux et des appartements sont également construits, ainsi qu’un grand parc de stationnement souterrain, tout comme un complexe de quatorze salles de cinéma réalisé par l’UGC, qui ouvre en septembre 1997, totalisant pas moins de deux mille huit cent cinquante places. Dès octobre 1995, Lyon Capitale a pu écrire : «La Cité internationale était jusqu'à ces derniers mois comme l’Arlésienne de Lyon. On en parlait toujours, pour ne voir sur place que des gravats. La construction du Palais des congrès et du Musée d’art contemporain, les aménagements du quai Achille-Lignon, donnent aujourd’hui à voir l'esquisse réussie d’un équipement de qualité. Mais rien n'est joué et dans le secret d'âpres discussions, le fameux hôtel a du mal à voir le jour. Les investisseurs font la moue, la mairie s'impatiente » (18 octobre). Car la construction de l’hôtel et de son (obligé ?) corollaire, un casino, va s’avérer une nouvelle cause, particulièrement efficace de crispation. En 1995, la SPAICIL convainc la mairie, où Raymond Barre a remplacé Michel Noir, de la nécessité de créer un casino au sein de l’hôtel quatre étoiles luxe, selon le raisonnement que les investisseurs seraient intéressés uniquement par une formule «hôtel-casino» et que cet assemblage contribuerait à l'attractivité du Centre de congrès et des manifestations internationales. D’autant plus que, depuis amendement Chaban-Delmas voté en 1988, autorisation est donnée aux agglomérations de plus de cinq cent mille habitants, à caractère touristique, de se doter d’un casino intra-muros. En janvier 1996, le Conseil municipal entérine le principe d'un casino. «Sans grand emballement. Raymond Barre avait même déclaré qu'il aurait préféré ne pas avoir à présenter le dossier. Mais, sans casino, tables de jeux et machines à sous, point d'hôtel de luxe rentable dans une Cité internationale chétive», rappellera Le Progrès du 20 décembre 1997. En décembre 1996, le groupe Partouche, déjà propriétaire du casino Le Lyon vert, dans l'Ouest lyonnais, est retenu pour édifier l'hôtel, dont la gestion sera confiée à la chaîne Hilton, ainsi que le fameux casino dont les confortables recettes épongeront le déficit prévisible des étages supérieurs. En février 1997, le contrat de concession, signé par le Maire, impose l'obtention de l'autorisation, que doit accorder le ministère de l’intérieur, mais un courant opposé à l'installation de salles de jeux se manifeste, bientôt rejoint par les élus Verts de l'opposition municipale et de la Communauté urbaine, au moment même où s'ouvre la traditionnelle enquête publique en la matière. Sous le titre «Les Verts veulent mettre le casino au tapis», Le Progrès du 20 décembre 2007 signale que «Gilles Buna [né en 1951], maire du 1er arrondissement, et Étienne Tête [né en 1956], conseiller régional, ont déposé, lors de l'enquête publique, un avis défavorable à l’implantation du casino à la Cité internationale. Il y aurait eu des pressions et ça les agace. On aurait cherché à décourager les opposants au futur casino, réunis en collectif, en septembre et depuis aux abonnés absents». Après un avis défavorable de la Commission supérieure des jeux, le ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement (né en 1939), refuse l'autorisation, en juin 1998. Motif : selon le projet présenté, il y aurait un trop grand nombre de machines à sous — quatre cents — par rapport au nombre de tables de grands jeux et les obligations d'animation culturelle de qualité ne seraient pas à la hauteur des ambitions affichées par la Ville sur le site, la construction non encore achevée ne permettant pas, de surcroît, de vérifier la conformité des lieux au regard de la réglementation des jeux. Le groupe Partouche présente une deuxième demande, en octobre 1998, source d’une nouvelle enquête publique, en mars, d’une nouvelle délibération du Conseil municipal, en avril, et d’un nouveau refus, en août, Il sera plus heureux avec sa troisième demande, plaidée devant la Commission par l’avocat André Soulier (né en 1933), en septembre 1999, dans laquelle l'investisseur augmente le nombre de tables de jeux traditionnels et annonce un calendrier d'animations (culturelles) plus étoffé et pour le moins éclectique : de l’Orchestre national de Lyon à Enrico Macias (né en 1938), en passant même... par William Shakespeare (1564-1616) ! Sans doute convaincu, le ministre accorde le précieux visa en janvier 2000, alors que l’Hôtel Hilton a déjà ouvert, mais que l'inauguration officielle, prévue en mai, a dû être annulée à la suite d’un malencontreux incendie, ce qui permet à Lyon Figaro de titrer : «Feu l'inauguration ». Le sulfureux casino est enfin inauguré en avril 2000... par Raymond Barre. «Les jeux sont faits, pour la première fois !», s’exclame Le Progrès. Alors que le quai Général-de-Gaulle, bordant le Rhône, est remodelé selon les plans du paysagiste Michel Corajoud (né en 1937) - le parc de la Tête-d’Or gagne dans l'affaire dix hectares en direction du fleuve-, le dernier épisode du feuilleton consiste en la construction d’un nouveau et immense Palais des congrès, élevé sur la partie orientale du site et offrant une superbe salle de trois mille places. En mai 2003, le nouveau maire, Gérard Collomb (né en 1947), en pose la première pierre, devant un grand concours d’édiles locaux et en présence de l'architecte Renzo Piano revenu qui, maniant sans doute l'humour, déclare que «la Ville de Lyon a été un bon client, Il faut de la clarté et de la continuité...» La salle, tout d’abord appelée «Salle 3000» puis «l'Amphithéâtre», point d'orgue à un Centre des congrès qui peut accueillir de cinquante à cent mille participants par an, est officiellement ouverte le 1er juin 2006.