Je cherche des informations sur un grand immeuble situé à l'une des extrémités de la place Raspail
Question d'origine :
Bonjour,
IL s'agit d'une question sur l'urbanisme et l'architecture de Lyon.
Pourriez-vous me donner des précisions sur un grand immeuble situé à l'une des extrémités de la place Raspail ? C'est un bâtiment d'angle orné sur sa façade d'une haute scène sculptée. Cet immeuble est voisin d'un autre, de 6 étages, au sommet duquel est installée une publicité pour la marque Panasonic.
Bien cordialement
Réponse du Guichet
Si notre localisation du bâtiment que vous indiquez est exacte (angle nord-est de la place Antonin Jutard), il s'agit du Palais de la Mutualité, ou Hôtel de la Mutualité, construit entre 1910 et 1913 à l’initiative du maire de Lyon, Edouard Herriot, pour héberger les sociétés mutualistes lyonnaises. L’architecte en est François Clermont.
Malheureusement, Le dossier consacré au Palais de la Mutualité sur le site de l'Inventaire du patrimoine culturel en Auvergne-Rhône-Alpes est actuellement dépourvu d’informations historiques et architecturales, contrairement à d'autres immeubles de ce secteur (voir les dossiers liés en bas de page, cliquer sur "contient").
Le livre Zoom rive gauche : lire la ville en creux et en relief : lieux, sites et acteurs du patrimoine lui consacre une courte notice :
«Palais de la Mutualité.
Construit par l’architecte Clermont entre 1910 et 1913, cet édifice est une commande de la Ville de Lyon pour servir de siège aux sociétés mutualistes et de retraite. La façade principale présente de larges baies surmontées d’une sculpture symbolisant la mutualité, accompagnée de la devise «tous pour un, un pour tous». Un campanile domine l’ensemble. C’est encore aujourd’hui le siège de mutuelles mais aussi un espace de conférences et d’expositions.»
Le site de l’ENS de Lyon L’Atelier numérique de l’histoire s'intéresse également à l'Hôtel de la Mutualité de Lyon et à son utilisation pendant la Première Guerre mondiale (voir en ligne). On y apprend également que le bâtiment a fait l’objet d’une double inauguration, le 24 mai 1914 par le président Raymond Poincaré et le 24 avril 1921 en présence du ministre de l’Hygiène de l’Assistance et de la Prévoyance sociale Jean-Georges Lérédu.
Dans Lyon, l'art et la ville, Gilbert Gardes en fournit une courte description :
«Aux 31 salles des sociétés s’ajoutent deux salons, des salles de consultation et une salle de conférence de mille places. L’étroite façade en pan coupé, dont la verticalité contraste avec l’allure horizontale des ailes, est décorée d’un fronton sculpté d’une allégorie de la Mutualité (P. Aubert).»
Pour en savoir plus sur le contexte de construction de ce Palais de la Mutualité, vous pouvez lire le chapitre «Du mutuellisme lyonnais à la mutualité républicaine: espaces et valeurs de la solidarité, 1804-1914.» de l’ouvrage L'esprit d'un siècle: Lyon, 1800-1914, et plus particulièrement les pages 212-213 :
«Le Palais de la Mutualité: la politique républicaine de l’espace»
«Connu comme «maître bâtisseur» d’hôpitaux et d’écoles, Herriot encourage la collaboration entre la mutualité et la Ville. Inspiré par l’inauguration de la première maison de la Mutualité à Marseille en 1906, par l’expansion des Bourses du travail pour les syndicats et par la vision de l’architecte Tony Garnier, le maire menace l’Union mutualiste de supprimer ses subventions municipales si elle n’arrive pas à un accord pour construire, avec l’aide de la ville, un centre d’hygiène et d’économie sociale qui réunirait les services sociaux publics et privés dans le quartier de la Guillotière. On prévoit le transfert de l’Office municipal du Travail de la Bourse du Travail ainsi que celui des bureaux du Comité d’hygiène sociale, de deux dispensaires et de la mutualité maternelle.
En 1910, on pose la première pierre, en dépit d’une grève des maçons dans les rues. Herriot affirme toute sa sollicitude pour le rôle social de la mutualité, forte alors de 80000 adhérents dans la ville: «Cette maison sera pour les mutualistes, en même temps, le Temple de la Concorde, un centre merveilleux de travail et d’étude, où il leur sera possible de solutionner les divers problèmes sociaux à leur examen et d’arriver ainsi à une adaptation des idées nouvelles. Le président du Comité général, Délorière, promet à son tour de collaborer avec le gouvernement dans l’administration de la loi sur les retraites ouvrières (1910) (…).
Le président de la République Raymond Poincaré inaugure le Palais de la Mutualité lors de l’Exposition de l’hygiène sociale à Lyon en 1914, en reconnaissance de la collaboration entre la mutualité et l’Etat. (…) Financé conjointement par les secteurs privé et public, le Palais de la Mutualité symbolise la préférence républicaine donnée à l’initiative privée – unions, coopératives, associations, et sociétés de secours mutuels– dans la résolution des problèmes sociaux.»
Vous trouverez p. 213 une reproduction de L'élaboration de la façade du Palais de la Mutualité, par l’architecte François Clermont, avec la modification de l’entrée surmontée d’un campanile, 1912 (Source: Archives municipales de Lyon)
Une photographie de presse de l'agence Rol prise lors de l'inauguration de 1914 est consultable sur Gallica : 24-5-14, Lyon, Mrs Poincaré et Doumergue quittent le Palais de la mutualité.
Vous trouverez sur le site des Archives municipales de Lyon des photographies de l’intérieur du Palais de la mutualité après le départ des Allemands prises le 2 septembre 1944.
La revue La Construction Lyonnaise, consultable sous forme numérisée sur Numelyo, permet de suivre différentes étapes de sa construction au travers des avis et adjudications publiées dans ce titre. On trouve par exemple dans la Construction lyonnaise du 1 octobre 1911 le résultat du concours pour le fronton de l’Hôtel de la Mutualité, dont M. P. Aubert remporte le 1er prix pour sa maquette «In sociis quies» .
Quant à l'immeuble portant autrefois l'enseigne Panasonic, puis Liligo, le voilà libéré de toute publicité depuis mars 2021 : À la Guillotière, la pub lumineuse Liligo.com a disparu du ciel lyonnais : ce n’est qu’un début, Le Progrès, 29 mars 2021