A quel barreau appartenait Me Dupond-Moretti quand il a acheté sa Maserati ?
Question d'origine :
Bonjour,
A quel Barreau appartenait Maître Eric Dupond-Moretti quand il a acquis une Voiture Mazeratti à Monaco, comme on vient, de l'apprendre récemment ?
Merci
Réponse du Guichet
Lorsqu'il acheta sa Maserati au début 2013, Eric Dupond-Moretti était inscrit au barreau de Lille, où il exerça de 1984 à 2016.
Bonjour,
Nous n'avons pas pu consulter le livre de mémoires d'Éric Dupond-Moretti, Le dictionnaire de ma vie, car il est actuellement en prêt. Mais de nombreuses sources en ligne (Trombinoscope, Who's who...) indiquent que l'intéressé a été inscrit au barreau de Lille de 1984 à 2016, avant de choisir le barreau de Paris. On trouve aussi un aperçu de son cursus professionnel sur le site du Gouvernement :
- Avocat pénaliste depuis 1984
- En activité à Lille pendant trente ans
- Inscrit au barreau de Paris en 2016. Fonde le cabinet Dupond-Moretti & Vey.
- Nommé garde des Sceaux, ministre de la Justice le 6 juillet 2020.
Ce que confirme cet article de France bleu :
Né à Maubeuge en 1961, Eric Dupont-Moretti passe son enfance dans l'Avesnois et fait une partie de ses études au Lycée Notre-Dame de Valenciennes. Il s'inscrit au barreau de Lille en 1984. Il en est membre jusqu'en 2016, date à laquelle il s'inscrit au barreau de Paris.
Le Barreau de Lille ne mentionne plus Me Dupond-Moretti puisque celui-ci est désormais inscrit au barreau de Paris. Mais selon les révélations de Médiapart datant de février dernier, c'est en mars 2013 que le garde des sceaux aurait fait l'acquisition de sa belle italienne, dans des circonstances assez atypiques :
Tout commence le 23 janvier 2013 quand le compte professionnel du cabinet de Me Dupond-Moretti est crédité d’une somme de 100 000 euros provenant d’une société baptisée Exelyum — le nom figure en toutes lettres sur le bordereau bancaire. Celle-ci est domiciliée aux Seychelles, l’un des plus redoutables paradis fiscaux de la planète. Elle est dirigée par un certain Jean-Pierre Nitkowski.
Problème : ni Nitkowski ni Exelyum n’ont jamais été les clients de Me Dupond-Moretti et de son cabinet. En revanche, Nitkowski et Exelyum sont deux noms bien connus de la police et de la justice : le premier était alors suspecté d’être le cerveau d’une gigantesque escroquerie boursière à la Madoff qui a floué des centaines de victimes pour un préjudice se chiffrant à plus de 20 millions d’euros. Et Exelyum, la boîte noire où a atterri tout l’argent détourné.
C’est dans le cadre de l’enquête sur cette vaste escroquerie internationale qu’un juge d’instruction lyonnais, Marc-Emmanuel Gounot, tombe sur l’étrange virement au profit d’Éric Dupond-Moretti. D’autant plus étrange que non seulement Exelyum et Nitkowski n’ont jamais été défendus par Me Dupond-Moretti, mais sitôt les fonds perçus depuis le compte à Londres de la société offshore, ceux-ci ont été transférés sur un compte personnel du célèbre avocat, puis, de nouveau dans la foulée, sur un deuxième compte personnel manifestement ouvert pour l’occasion.
Quelques jours plus tard, le 5 mars 2013, Éric Dupond-Moretti vire 75 000 euros de ce compte au bénéfice d’un garage à Monaco, où le pénaliste s’achète un bolide de luxe, une Maserati Grancabrio noire. Coût total de l’opération : 95 158 euros. Les 20 158 euros de différence ont été versés en cash par l’avocat — deux dépôts de 7 000 euros et un dernier de 6 158 euros —, selon les documents consultés par Mediapart.
L'article peut être consulté au sein des Bibliothèques de Lyon sur le site du média, qui fait partie de nos ressources numériques. La date de 2013 est également citée par d'autres articles de presse :
La société à l’origine du versement était domiciliée aux Seychelles, un paradis fiscal. À sa tête, un certain Jean-Pierre Nitkowski, déjà condamné par le passé pour escroquerie à Monaco, et condamné en 2013 à cinq ans de prison ferme et 150 000 euros d’amende, pour une arnaque à la Madoff dont il était considéré comme le cerveau. Il a laissé derrière lui des centaines de victimes pour un préjudice évalué à 23 millions d’euros. C’est dans le cadre de cette affaire que les juges lyonnais en charge de l’enquête ont découvert ce virement au bénéfice d’Éric Dupond-Moretti. Selon « Mediapart », en décembre 2012, Jean-Pierre Nitkowski a croisé un autre détenu, Immanuel de Agrella qui, lui, a bel et bien été un client d‘Éric Dupond-Moretti. Les deux hommes auraient « scellé en cellule un drôle de pacte », écrit Mediapart : « Agrella donne des tuyaux boursiers sur le trading haute-fréquence à Nitkowski ; en échange, Nitkowski paye avec sa coquille aux Seychelles les copieux frais d’avocats d’Immanuel de Agrella (client de Éric Dupond-Moretti, ndlr), dont la femme vient de prendre attache avec le cabinet Dupond-Moretti », écrit le journaliste d’investigation Fabrice Arfi.
Si cette interprétation peut être discutée, Mediapart fait toutefois dans son enquête le lien avec l’achat du véhicule de luxe qui intervient quelques jours plus tard, le 5 mars 2013, auprès d’un garage monégasque. “Coût total de l’opération : 95 158 euros. Les 20 158 euros de différence ont été versés en cash par l’avocat — deux dépôts de 7 000 euros et un dernier de 6 158 euros —, selon les documents consultés par Mediapart.”
Source : Sud-Ouest
Un article de Libération signale d'ailleurs que si le cabinet du ministre nie l'aspect frauduleux de la transaction, il ne semble pas contester l'existence et la date de celle-ci :
Sollicité par Mediapart, le cabinet du ministère de la Justice souligne que l’affaire concernant la société Exelyum «a été instruite par un juge d’instruction, spécialisé en matière financière, qui disposait de tous les éléments et a procédé à des investigations sans juger pour autant nécessaire d’entendre Éric Dupond-Moretti.» On n’aura pour le moment pas de détails supplémentaires sur les pratiques de l’ancien avocat. Le cabinet ajoute que le ministre «a acheté sa voiture légalement, l’a utilisée et l’a revendue légalement».
C'est donc bien au barreau de Lille que le Ministre de la Justice appartenait lorsqu'il a acquis sa Maserati.
Bonne journée.