Les archives ont-elles conservé les dossiers individuels des "délinquants" à la fin du 19e siècle ?
Question d'origine :
Bonjour,
Deux questions concernant le suivi des "délinquants" à la fin du 19e siècle :
- Est-ce que les archives ont conservé les dossiers individuels des hommes incorporés dans les bataillons d'Afrique (Bat' d'Af') ?
- Est-ce que les archives ont conservé les dossiers individuels des enfants internés dans la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray ?
Bien cordialement.
Léo
Réponse du Guichet
Pour retrouver les dossiers individuels des hommes incorporés dans les bataillons d'Afrique (Bat' d'Af') et des enfants internés dans la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray à la fin du 19e siècle, il vous faudra consulter différents fonds d'archives dans la mesure où ils n'ont pas été détruits.
Bonjour,
De nombreuses ressources sur les Bataillons d'infanterie légère d'Afrique (BILA) sont conservées par différents services d'archives en France.
Selon France archives, les documents les plus susceptibles de vous intéresser sont les registres de matricule du regroupement militaire. "Organisés sous forme de fiches nominatives, [ils] se présentent comme des récapitulatifs de carrière et contiennent de nombreuses informations personnelles". Ces documents sont en principe conservées par les archives départementales, à quelques exceptions près, toujours selon France archives :
L'Alsace et la Moselle
Allemands de 1871 à 1918, les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin n'ont pas tenu de registres matricules. Après leur retour à la France en 1919, ils ont ouvert des registres matricules pour suivre la carrière et les obligations militaires (notamment dans la Réserve) des conscrits redevenus Français. Les registres conservés par ces trois départements sont donc beaucoup moins détaillés que ceux disponibles dans les autres départements, et ne concernent que les soldats ayant survécu à la Première Guerre mondiale.
Dans le cas particulier des Alsaciens-Lorrains qui ont combattu sous l’uniforme allemand et qui ont survécu au conflit, les registres matricules peuvent néanmoins être très efficacement complétés par les dossiers de demande de carte ou de retraite du combattant, instruits par l’Office national du combattant à partir de 1927. Le Bas-Rhin a indexé plus de 80 000 de ces dossiers, dont 70 000 concernent des combattants de la Grande Guerre.
Les matricules des Alsaciens-Lorrains s'étant engagés dans l'armée française sont conservés dans les départements où ils se sont enrôlés.
La petite et la grande couronne parisienne
Les départements de la petite et de la grande couronne parisienne – Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-d'Oise – qui n'ont été créés qu'en 1964, ne conservent pas de registres matricules. Il faut chercher les informations qui les concerne dans les départements de Paris et des Yvelines, qui conservent les registres des anciens départements de la Seine et de la Seine-et-Oise.
Les Archives nationales d'outre-mer
Les matricules des Français résidants dans l'empire colonial, en Algérie, à Saint-Pierre et Miquelon, à la Réunion, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie, dans les Comores et dans la Polynésie française sont conservés par les Archives nationales d’outre-mer (ANOM) à Aix-en-Provence. Ces matricules concernent uniquement les personnes disposant du statut de citoyen français au moment de leur recrutement ou celles ayant obtenu ultérieurement la citoyenneté française (NB : les matricules de la Guadeloupe et de la Martinique sont conservés dans les services d'archives départementales concernés).
Le Maroc et la Tunisie
Le Centre des Archives diplomatiques de Nantes (CADN) conserve les registres établis au Maroc et en Tunisie (territoires sous protectorat français jusqu'en 1956). Ces fiches concernent exclusivement les appelés de nationalité française, domiciliés à l’âge de 20 ans dans les territoires marocains et tunisiens.
Les combattants ne disposant pas du statut de citoyen français
Les registres relatifs aux recrues ne disposant pas du statut de citoyen français (quel que soit leur lieu de résidence) dépendent du ministère des Armées et sont conservés par le Service historique de la Défense (SHD) au Centre des archives du personnel militaire de Pau. Ces matricules rejoindront le Grand Mémorial lorsque le ministère des Armées les aura numérisés et indexés.
Certains services d'archives ont mis en ligne une partie de leur fonds : c'est le cas de Archives des Hautes-Pyrénées par exemple, pour les registres des matricules militaires des classes 1859 à 1921.
Les Archives nationale d'Outre-Mer sont actuellement engagés dans un chantier de numérisation :
Dans le cadre de l’opération nationale de numérisation des registres matricules jusqu’à la classe 1921, les Archives nationales d’outre-mer ont commencé en novembre 2014 la mise en ligne des registres et tables alphabétiques qu’elles conservent. En fonction de l’état de conservation des originaux et des opérations de contrôle, l’ensemble des territoires sera peu à peu interrogeable. Les données porteront à terme sur près de 300 000 matricules.
Il est important de préciser que les registres conservés aux Archives nationales d'outre-mer concernent uniquement les personnes disposant du statut de citoyen français au moment de leur recrutement ou celles ayant obtenu ultérieurement la citoyenneté française : les registres concernant les recrues ne disposant pas du statut de citoyen français sont conservés par le Service historique du ministère de la Défense.
Sont actuellement en ligne (août 2015) :
Attention : conformément aux recommandations de la CNIL seuls les registres antérieurs à 1922 sont en ligne
Tables alphabétiques des registres matricules : pour tous les pays, des origines à 1940 : 2508 images
- Afrique occidentale française (1888-1917) : 2539 images
- Algérie (1866-1921) : 413313 images
- Cote française des Somalis (1910-1917) : 42 images
- Comores (1895-1918) : 870 images
- Guyane (1890-1914) : 6644 images
- Inde et Indochine (1897-1909) : 117 images
- Madagascar (1889-1918) : 1632 images. Certains registres postérieurs sont conservés aux Archives de Paris.
- Nouvelle-Calédonie (1907-1918) : 221 images
- Polynésie (1894-1919) : 18436 images
- Réunion (1884-1918) : 34122 images
- Saint-Pierre-et-Miquelon (1901-1921) : 667 images. Les registres postérieurs sont conservés aux Archives de Paris.
Contenu des registres
Sont indiqués sur les registres, l’état civil du conscrit, avec les noms de ses parents, son domicile (ainsi que les localités successives habitées), sa profession, son « signalement » physique (taille, couleur des cheveux, marques particulières), son degré d’instruction, la décision du conseil de révision, le détail des services et mutations (campagnes, blessures, actions d’éclat, décorations), les corps d’affectation, les passages dans la disponibilité, la réserve de l’armée active, l’armée territoriale et sa réserve.
Un document des archives de Paris, qui pourrait vous aider dans vos recherches, signale la présence d'un fonds sur les BILA sous la cote Section 45Yc: Bataillons d'infanterie légère d’Afrique (1877-1909)
Nous vous invitons donc à contacter ces institutions, ainsi que le Service historique de la Défense.
A propos des enfants internés dans la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray, à la côte 114J, France archives possède le Fonds de l'Association La Paternelle (1839-2008) - Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray. Village de l'Espoir,... Dans la partie Informations sur l'acquisition on apprend que "les archives de l'Association La Paternelle ont été déposées aux Archives départementales d'Indre-et-Loire le 9 février 2001" et qu'"un second versement a été réalisé en 2019. Son inventaire a été fait en 2021." L'historique de conservation nous indique toutefois que les dossiers individuels des enfants ont été détruits sauf ceux "des années 1936-1937 que nous retrouvons bien dans les fonds du tribunal de grande instance de Tours versés aux Archives départementales d'Indre-et-Loire."
Enfin, une documentation, enrichie au cours des années, témoigne de l'intérêt suscité par la Colonie.
Il n'en reste pas moins vrai, vu le nombre de colons qui ont séjourné, soit à la Colonie, soit à la Maison Paternelle et l'importance de la gestion administrative, que de multiples documents ont été égarés, perdus ou détruits.
Quelques éléments de réponse sur la cause de ces destructions ou de ces lacunes semblent nécessaires. Ainsi, suite au suicide du colon Gaston Contard en 1909, la Colonie et son directeur ont été attaqués en justice ; le procès s'est déroulé devant les tribunaux d'Orléans et de Poitiers. Dans une lettre au Procureur de la République à Tours, le président de la Société Paternelle écrit le 20 janvier 1909 :
Au cours des perquisitions opérées à la colonie de Mettray, j'apprends que les dossiers individuels des élèves de la Maison paternelle et les registres portant les noms des anciens élèves ont été saisis.
Personne ne sait ce que sont devenus ces dossiers saisis. Les Archives départementales d'Indre-et-Loire ne les détiennent pas dans la série U, Justice. Il en est de même pour les Archives du Loiret et celles de la Vienne.
Au moment de la fermeture de la Colonie de Mettray, le directeur écrit au Procureur de la République de Tours le 13 décembre 1937 (A.D. d'Indre-et-Loire, 3 U 3 /135) :
Les derniers pupilles qui nous avaient été confiés par les tribunaux ont quitté notre établissement [...]. Notre service du Greffe a terminé le classement de tous les dossiers individuels. Ces dossiers sont très complets et réunissent de nombreux renseignements sur les antécédents de ces enfants [...]. La fermeture de notre établissement va nous conduire à la destruction de ces dossiers. Auparavant je me permets de vous demander si dans l'intérêt de la Justice vous ne trouveriez préférable qu'ils soient aux archives de votre tribunal.
En réponse, le Procureur accepte de _recevoir les dossiers des mineurs des années 1936-1937 que nous retrouvons bien dans les fonds du tribunal de grande instance de Tours versés aux Archives départementales d'Indre-et-Loire. Les autres dossiers ont certainement été détruits comme l'indiquait le directeur dans sa lettre.
Les dossiers individuels des enfants internés à la fin du 19e siècle dans la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray n'existent donc plus.
Pour mieux connaître ces deux sujets, n'hésitez pas à consulter ces documents présents au catalogue de la BML :
Biribi [Livre] : les bagnes coloniaux de l'armée française / Dominique Kalifa
Éduquer et punir : La colonie agricole et pénitentiaire de Mettray (1839-1937). [Livre] / Sous la direction de Luc Forlivesi, Georges-François Pottier, Sophie Chassat.
La Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray : Souvenirs d'un colon, 1922-1927. Punir pour éduquer ? [Livre] / Raoul Léger.. Suivis de contributions historiques par Jacques Bourquin et Éric Pierre.
L'Enfer des gosses. [Livre] / Gustave Cauvin, Directeur de l'Office Régional du Cinéma Educateur, Membre du Conseil général de la Ligue Française de l'Enseignement.
Bonne journée.
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