Sous quel régime vivaient les habitants des campagnes autour de Prague au XVe siècle ?
Question d'origine :
bonjour
tout d'abord je voudrais vous remercier pour toutes ses réponses sur ce site.
je vous écrit pour vous demander si vous sauriez quelles forces policières gouvernaient sur la ville de Pragues ainsi que les campagnes qui l'entouraient dans les années 1417 1418
cette question résulte de la question étant : - sous quel régime vivaient les habitants des villages et campagne autour de Pragues en 1417 1418 ?
puisse ma question vous intéresser
merci
Réponse du Guichet
N’ayant trouvé aucun document sur d’éventuelles forces policières «gouvernant» Prague et ses campagnes au XVe siècle, nous vous renvoyons vers des documents décrivant les différents pouvoirs, royal, nobiliaire, ecclésiastique, patricien … en place à cette époque et susceptibles d’avoir des gens d’armes à leur service.
Bonjour,
Comme on peut le lire dans le compte-rendu de Michael Stolleis (dir.), Policey im Europa der Frühen Neuzeit, par Christophe Duhamelle, Revue d’histoire moderne et contemporaine, la police telle que nous la connaissons n’existe pas encore en Europe et les pouvoirs de police sont partagés «entre l’Etat central, l’Eglise, les seigneuries, les villes».
Voici donc quelques éléments de contexte :
Les années 1417-1418 se situent entre la condamnation au bûcher de Jean Hus en 1415 et la première défenestration de Prague en 1419, qui marquera le début des guerres hussites. Prague est la capitale du Royaume de Bohème gouverné alors par Venceslas IV, qui ne laissera pas que de bons souvenirs (voir Venceslas de Luxembourg — Wikipédia (wikipedia.org) ou VENCESLAS (1361-1419) roi de Bohême sous le nom de VENCESLAS IV (1363-1419) et empereur germanique (1378-1400) - Encyclopædia Universalis).
Comme dans beaucoup de pays d’Europe centrale en cette fin de Moyen-Age, l’autorité royale n’est encore qu’imparfaitement centralisée, et les nobles et les ecclésiastiques conservent beaucoup de pouvoirs, notamment dans les campagnes.
Vers 1400, l’Eglise était dans les pays tchèques non seulement une institution idéologique puissante, mais aussi le plus riche propriétaire foncier et le maître de milliers de sujets. On estime que plus d’un tiers des terres cultivables lui appartenaient alors. Tandis que les propriétés de la noblesse, par exemple, étaient sans cesse morcelées entre les divers descendants, le célibat des prêtres préservait au contraire du morcellement les biens fonciers de l’Eglise. Ceux-ci s’agrandissaient non seulement grâce aux legs pieux, mais aussi grâce à la politique économique très perspicace des prélats.[…] La richesse de l’Eglise s’accroissait et suscitait l’envie de maints nobles et notables laïcs qui souhaitaient souvent s’emparer des fermes et villages conventuels. […]
L’Eglise s’attirait la haine et l’opposition de tous non seulement à cause de sa richesse mais aussi parce que l’on s’y livrait au commerce des dignités, des fonctions ecclésiastiques et même des sacrements. […] [De plus] les ecclésiastiques tiraient la plus grande partie de l’argent qu’ils expédiaient à la cour du pape des contributions extraordinaires qu’ils imposaient aux sujets.[…] Cette extorsion des taxes et redevances ecclésiastiques touchait toutes les couches de la société tchèque et frappait particulièrement le petit peuple des villes et des campagnes. […]
Les abus qui proliféraient dans l’Eglise suscitèrent la contestation, même parmi la noblesse. La haute noblesse, les seigneurs, formaient un groupe restreint qui, sous Venceslas IV, s’empara du gouvernement et du tribunal suprême du royaume. […] A côté de la puissance politique et des titres de noblesse, les grands seigneurs surpassaient les autres nobles également pour leurs biens fonciers.
Mais la grande majorité de cette noblesse était constituée par la petite noblesse. Les plus haut placés étaient les chevaliers, petits nobles aisés, qui s’efforçaient d’avoir accès aux privilèges des seigneurs et désiraient prendre part au gouvernement du pays ou à l’administration régionale. A l’opposé des chevaliers on trouvait les écuyers, nobles déchus qui entraient au service -militaire ou courtisan- de leurs amis et voisins plus riches. Les plus nombreux demeuraient cependant les «zemans» et «vladykas» qui exploitaient eux-mêmes leur terre, avec leur valetaille et leurs sujets, dans leurs villages, et restaient hors des grands combats politiques.
Histoire de la Bohème des origines à 1918, Josef Macek, Robert Mandrou p. 80 et suivantes. Voir p. 86 pour la situation à Prague.
Pour une description très détaillée du diocèse de Prague et de son clergé rural, voir :
Le clergé rural de Bohême à l'époque du mouvement hussite, František Šmahel
Nous vous conseillons également de lire Histoire de la Bohème: des origines à la révolution de velours, Jörg K. Hoensch, en ligne ici, notamment p. 130 et suivantes.
Pour aller plus loin :
L’Europe Centrale au Moyen-Age, Marie-Madeleine Cervis, chap.VII
Histoire de Prague, Bernard Michel
La réforme commence à Prague, Olivier Marin
Histoire des Tchèques et des Slovaques, Antoine Marès
Penser le pouvoir au Moyen Age VIIIe-XVe siècle, textes réunis par Dominique Boutet et Jacques Verger, p. 248-260
L'archevêque, le maître et le dévot : genèses du mouvement réformateur pragois : années 1360-1419 , Olivier Marin
En ligne:
Jean-Martin Klassen, The Nobility and the Hussite Revolution, compte-rendu par Claude Michaud
Jean Hus et le communisme chrétien de Bohême, Alain Guy, Littératures 1969/16, pp. 3-21
La Bohême aux XIVe et XVe siècles, Martin Nejedlý and Jaroslav Svátek, Médiévales, n°67, 2014
Entre idéal et polémique. La littérature politique dans la Bohême des Luxembourg, Jan Vojtíšek and Václav Žůrek, Médiévales, n°67, 2014
Les noblesses dans les pays de la Couronne de Bohême, de Georges de Poděbrady à Ferdinand de Habsbourg, Olivier Chaline
Hussites et taborites tchèques : révolution médiévale flamboyante (gauchemip.org)
Bonnes lectures !