Que sait-on de la pratique de la fellation dans l'Egypte ancienne ?
Question d'origine :
Las felatrices en el Antiguo egipto
Réponse du Guichet
Il semblerait qu'aucun document ne rapporte que la fellation ait été une pratique sexuelle dans l'Egypte antique même s'il se pourrait qu'Osiris ait ressuscité grâce à celle-ci. Pour autant les égyptiens d'antan tenaient la sexualité en haute estime.
Bonjour,
D'après Thierry Do Espirito, auteur de Pharao-nique ! La vie sexuelle au temps des pharaons : histoire et révélations, cité dans l'article de Libération, Le Nil de la tentation, "aucun document découvert à ce jour démontre que la fellation et le cunnilingus étaient pratiqués" en Egypte antique.
On trouve pourtant, dans le document Petite histoire des traitements de la dysfonction érectile, cette version du mythe d'Osiris, alors qu'il s'est fait tué et démembré par son frère Seth :
Osiris, principe du bien et génie de la lumière, est tué par son frère Seth, principe du mal et Dieu des ténèbres. Ce dernier découpe son corps en quatorze morceaux et les disperse dans l’Egypte. Isis avec l’aide d’Anubis part à la recherche de ceux-ci et n’en retrouve que treize. Le quatorze, celui du pénis, reste introuvable. Elle le remplace alors par un phallus en bois, auquel un jour elle fait une fellation, ce qui a pour effet de faire renaître Osiris.
De bois, d'argile ou de cire et d'aromates selon les sources, le mythe raconte bien que le phallus d'Osiris a été reconstitué. Mais nous ne trouvons nulle part ailleurs mention d'une fellation. Toutefois, si nous ne savons rien de la pratique de la fellation en Egypte antique, nous en savons un peu plus sur la sexualité des égyptiens d'antan :
Dans tous les cas, par le biais de la cosmogonie égyptienne, la sexualité apparaît telle une force primordiale, créatrice, située au centre de l’activité cosmique et des phénomènes physiques. Elle participe à la naissance de la dualité de l’existence : les forces de génération de la nature et les aspects de son déclin (l’exemple d’Osiris et de Seth). Elle imprime les cultes religieux, les rites, les mythes et rythme la société, car se révélant comme un élément fondamental. Par le fait qu’elle soit le nœud de l’ordre et du chaos, elle revêt une vaste dimension sacrée. D’où, pour le pharaon et ses prêtres, la sexualité a une portée divine, mystique, qu’avec le temps ils se sont empressés de propager à toutes les couches sociales comme on essaimerait des valeurs, des connaissances importantes et nécessaires à l’essor social. Cette vision a permis la formation d’une grande liberté sexuelle, apparente dans leur manière de dire et de figurer le sexe : « Les Egyptiens avaient un sentiment trop sain et trop naturel de la réalité pour recouvrir de voiles et d’hypocrites métaphores ce qui concerne la vie sexuelle. Loin de juger pudenda (c’est-à-dire honteuses) les parties sexuelles, ils ne recoururent jamais aux euphémismes chers aux Hébreux » (Rachewiltz 1993, p.49). Cette conception, baptisée « éros sacré » par Boris de Rachewiltz (1993, p.7), découvre la sexualité et ses corrélations comme un torrent d’énergie vitale, originelle, qui raccorde le sexe avec un prodigieux univers sidéral.
Source : « Eros noir » : de l’Égypte à la mise en écriture, Innocent BEKALE NGUEMA
Par ailleurs, dans L'Égypte ancienne pour les nuls, Florence Maruéjol rapporte qu'"à en croire les textes et les représentations évoquant ici et là les plaisirs de la chair, il est évident qu'ils les tiennent en haute estime".
Sur les mœurs légères, le papyrus érotique de Turin nous renseigne. "Les ébats d'un prêtre chauve et d'une coquette de Thèbes sont détaillés d'un trait canaille et glosés de commentaires libertins" dit Jean Yoyotte, égyptologue. Ce papyrus long de 2,59 mètres, qui remonte à 1200 av. J.-C. environ et découvert à Deir el-Médineh au début du XIXème siècle, n'a pas été édité par les chercheurs jusqu'en 1973 "par respect des bonnes mœurs". Il est enregistré aujourd'hui sous le numéro d'inventaire 55001 au musée égyptien de Turin. (Maruéjol)
Quelques titres pour approfondir la question :
L'amour au temps des pharaons/ Florence Maruéjol, 2011
L'archéologie de la sexualité / Paul Frischauer, 1969
Bonne journée.