Qui sont les Chargh'rods, îlot ethnique de l'Allier d'origine orientale ?
Question d'origine :
Bonjour,
Paul Sébillot, dans son livre "Folklore de France: faune et flore" (soit le tome 3 de son ouvrage), a écrit au sujet du choix de l'essence de l'arbre dont on tire la souche de Noël, je cite, des "Les Chargh'rods, qui forment dans l'Allier un îlot ethnique supposé d'origine orientale..."
Étant curieux de nature, j'aurais aimé en savoir plus sur ces chargh'rods (localisation précise (a priori près de montagnes puisqu'ils choisissent des souches en sapin), leur origine a-t-elle été précisée depuis, , est ce qu'ils existent encore, etc...).
Sebillot cite un ouvrage, auquel je n'ai pas accès ("F. Perot in Rev des Trad Pop t. XIX p50"). Par ailleurs, des recherches "basiques" sur internet ne m'ont rien appris.
Alors, sauriez-vous m'en dire plus sur ces Chargh'rods ?
Merci.
Réponse du Guichet
Les Chargh'rods, d'origine orientale, auraient formé un clan dans la commune de Chatel-Montagne dans l'Allier au temps des gaulois. Mais en réalité, l'îlot ethnique des Chargh'rods n'est que fiction imaginée par F. Pérot.
Bonjour,
Outre l'ouvrage que vous citez, les Chargh'rods sont en effet mentionnés par F. Pérot dans le tome XIX de la Revue des Traditions Populaires publié en 1904. Dans son article intitulé Coutumes et superstitions de Noël. XXXV. La Sainte-Quine, Perot n'en dit pas beaucoup plus que Sébillot mais voici l'extrait que nous avons trouvé sur Gallica :
Les Chargh'rods qui ont une origine orientale, à en juger par leurs noms et leurs croyances, sont, disent-ils, du pays où le soleil se lève ; ils ont donc pu rapporter en Gaule ce singulier culte, déformé il est vrai, mais on ne peut se défendre en voyant cette singulière pratique d'y voir une origine étrangère pratiquée depuis un temps immémorial et dont la forme, tout au moins, a persisté malgré les siècles, chez une population qui s'est perpétuée elle-même depuis un temps inappréciable dans nos montagnes, où elle forme encore un clan dans la commune de Chatel-Montagne.
Parmi les autres textes cités en note par Sébillot, nous avons également pu consulter en ligne Antiquités de Vésone sans trouver plus d'informations sur ce mystérieux "îlot ethnique".
A propos des peuples anciens venant d'Orient, nous pouvons lire dans Des anciens peuples de l'Europe et de leurs premières migrations d'Auguste Nougarède de Fayet que "la civilisation, on le sait, a marché de l'Orient vers l'Occident" et que "lorsque l'Europe était plongée dans la barbarie la plus profonde, trois puissants états s'étaient déjà constitués dans l'Asie : l'Assyrie, la Lydie et l'Egypte." Cet ouvrage est consultable en ligne sur Google Livres. Faut-il chercher de ce côté ? Sans plus d'éléments, nous vous laisserons explorer cette piste si vous le souhaitez. Pour vous y aider vous pourrez consulter au fonds ancien de la BML Part-Dieu :
- Les Peuples anciens de l'Orient / Lucien Cerfaux, 1934
- Les anciens peuples de l'Europe / Georges Dottin, 1916 et partiellement sur Google Livres
Par ailleurs, nous avons vu qu'un hameau nommé Charguéraud se situe sur la commune de Chatel-Montagne. Notant la proximité phonique entre Charguéraud et Chargh'rods, nous avons orienté nos recherches de ce côté en consultant les ouvrages suivants :
- Les noms de lieux en Bourbonnais / Marcel Bonin
- Les noms de lieu de la France, leur origine, leur signification, leurs transformations, par Auguste Longnon (1923)
- Étude sur la signification des noms de lieux en France par A. Houzé (1864)
Malheureusement ces sources n'ont rien apporté de plus.
Bonne journée.
Complément(s) de réponse
Après une publication involontaire sur le site, nous avons poursuivi notre recherche qui nous a conduit à consulter le livre Allier de J. Corrocher, P. Dubuisson, C. Fournier, L. Guillot,... où apparaît le "clan des Chargh'rods". Voici ce qu'on y trouve pp. 105-106 :
La question de la composition de la population bourbonnaise, bien que fondamentale pour son ethnologie, n'a pas fait l'objet de synthèses en dehors d'un essai de Pérot (Pérot, 1897). Pour les périodes anciennes, elle est abordée par les archéologues parfois tentés d'établir un lien entre la typologie des vestiges matériels et l'origine du peuplement ; pour les périodes récentes auxquelles donnent accès les archives, elle se limite souvent à une sociologie rurale, le problème de l'origine géographique n'apparaissant que dans quelques études (Jacques Lelong, 1980 ; René Germain, 1987) alors qu'il est nécessairement lié à celui de la composition sociale des populations migrantes. Le discrédit idéologique qui frappe l'anthropologie physique depuis la Seconde Guerre mondiale nuit considérablement à notre connaissance de l'anthropologie régionale. Les observations récentes se cantonnent aux restes humains livrés par l'archéologie, et s'en tiennent à un repérage des informations liées à l'alimentation, l'hygiène ou la pathologie des sujets.
Pourtant, la provenance de la population est intéressante à plus d'un titre pour l'ethnologie.
Elle permet d'aborder de façon critique les mythes d'origine en les confrontant à ce qu'on peut savoir de la réalité. Il ne faut pas longtemps pour démasquer l'orientalisme qui fit voir à l'abbé Boudant des Phéniciens à Chantelle, mais je ne sais qui parviendra à convaincre les vignerons de Saint-Pourçain que ces mêmes Phéniciens n'ont pas planté les premiers ceps au bord de la Sioule. C'est avec le même appétit d'exostisme que Pérot traquait le Sarrasin en Montagne bourbonnaise, travestissant le village de Chargueraud en "clan des Chargh'rods" et donnant pour preuve de l'origine orientale de la communauté des "Pions" le nom propre de Pourr-Herr, qui n'est prosaïquement qu'un surnom patoisant (pour hère : pauvre hère)... Mais il est vrai que ces Pions "se disent étrangers, et venir de plus loin d'où le soleil se lève !". La fiction d'une origine ethnique étrangère permet d'expliquer à bon compte des structures et des comportements sociologiques qui, à partir du moment où ils régressent et ne se maintiennent due dans des zones isolées, apparaissent comme des particularismes.
L'îlot ethnique des Chargh'rods n'est donc que fiction imaginée par F. Pérot.
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