Question d'origine :
Bonjour,
A la fin du XIX ème siècle, trouve t-on encore des cas de choléra à Paris ?
Si oui, quelle est son importance ?
Merci et encore une fois bravo pour l'excellent travail du Guichet du savoir !
Réponse du Guichet
Le choléra a régulièrement traversé la France entre 1831 et 1896. Si les premières pandémies sont extrêmement meurtrières, on assiste à un tassement du nombre de victimes à partir des années 1880, du fait de la meilleure connaissance de la maladie et de l'adoption progressive de l'hygiène : les deux dernières vagues feront un peu moins de mille morts chacune dans la capitale.
Bonjour,
Nous vous remercions de tout coeur pour vos encouragements !
Selon l'OMS,
Au cours du XIXe siècle, le choléra s’est répandu dans le monde entier à partir de son réservoir initial, dans le delta du Gange, en Inde. Les six pandémies qui ont eu lieu par la suite ont tué des millions de personnes sur tous les continents. La pandémie actuelle (la septième) a démarré en Asie du Sud, en 1961, a atteint l’Afrique en 1971, puis les Amériques en 1991. Le choléra est désormais endémique dans de nombreux pays.
La dernière épidémie majeure de choléra ayant touché Paris au XIXe siècle est la cinquième pandémie (1881-1896). Celle-ci s'est invitée plusieurs fois dans la capitale au cours de deux grandes phases (1894 et 1892-94) elles-mêmes composées de plusieurs vagues, selon un mémoire rédigé par R. Pollitzer en 1960 pour l'OMS :
En Europe, au cours des premières années de la pandémie, le choléra se limita è la France, a l'Italie et à l'Espagne. Dans le premier de ces pays, il prit des proportions épidémiques, en avril 1884, à Toulon; et cette épidémie fut rapidement suivie d'autres, de moindre importance, qui éclatèrent notamment à Marseille et à Paris ; en France, on enregistra au total une dizaine de mille cas avec une mortalité de 50% (Sticker). Le choléra récidiva en France en 1885, principalement dans les localités déjà éprouvées au cours de l'année précédente.
Le docteur Adrien Proust, dans son ouvrage La Défense de l'Europe contre le choléra, fait état de 997 morts à Paris pour cette période pour la vague de 1884. Ce qui est fort modeste comparé aux épidémies en 1832 et 1849 qui avaient respectivement causé la mort de 18 400 et 19 184 Parisien-nes.
Selon Le Choléra en 1892, rapport du comité consultatif d'hygiène publique en France, lorsque la maladie fait sa réapparition dans la capitale, elle se remarque par la lenteur de son expansion, en dépit des progrès des moyens de locomotion au cours du siècle. Le bilan des victimes est alors relativement modeste : "la proportion des décédés n'atteint que 0,37 pour 1000 du chiffre de la population". Cette année-là en effet, le choléra fait seulement 906 morts à Paris et 952 en Banlieue. Le mémoire de l'OMS cité plus haut évoque encore en 1894 "des cas sporadiques à Toulon, à Marseille et à Paris" mais dès cette période les progrès de la médecine, et en particulier de l'hygiène, ont rendu efficace la lutte des autorités contre la maladie, selon l'encyclopédie Universalis :
De 1863 à 1876, la quatrième pandémie de choléra toucha à nouveau l'Europe, mais surtout se répandit, à partir du bassin méditerranéen, en Afrique jusqu'au Sénégal et en Amérique du Sud (Argentine). C'est à l'occasion de la cinquième vague, qui frappa l'Égypte, une fois encore, en 1883, que [le médecin allemand] Robert Koch découvrit le germe responsable : Vibrio cholerae. Une prophylaxie rationnelle n'empêcha pas la Russie et l'Europe centrale d'être atteintes à nouveau de 1892 à 1896 (ce dont témoigne le célèbre texte du docteur Adrien Proust, « La défense de l’Europe contre le choléra », publié en 1892) et même, plus tardivement, en 1902 et 1908, puis lors de la guerre des Balkans puis de la Première Guerre mondiale (sixième pandémie, 1899-1922).
La lutte en tant que telle repose essentiellement sur la réhydratation mais surtout la prophylaxie : " La prophylaxie individuelle repose surtout sur les mesures d'hygiène visant à supprimer tout risque d'ingestion de vibrions: stérilisation de l'eau, du lait, traitement antiseptique des crudités, cuisson prolongée des aliments, etc. La prophylaxie générale en zone d'endémie repose sur l'amélioration des conditions de vie, l'éducation sanitaire des populations, l'aménagement de réseaux protégés d'eau potable et de réseaux d'eaux usées, le dépistage des porteurs sains et la vaccination en zone d’épidémie incontrôlée."
Les vagues parisiennes des années 1890 seront donc parmi moins meurtrières que les précédentes. En cause, un arsenal de mesures préventives qui va peu à peu s'étoffer selon France Archives :
La circulaire ministérielle du 6 septembre 1855 demande qu'un résumé des maladies épidémiques observées dans l'année soit établi sous forme de tableau pour chaque commune. Ces résumés rédigés par les médecins délégués aux épidémies sont envoyés au ministère. A partir de 1888 (circulaire ministérielle du 25 novembre 1886) ce sont les bulletins sanitaires mensuels rédigés par les maires qui sont transmis au ministère de l'intérieur. La loi du 30 novembre 1892 oblige les médecins et les sages-femmes à déclarer les maladies épidémiques sur un carnet conservé en mairie. Ce carnet de déclaration est remplacé à partir du 1er avril 1896 par un registre alimenté pour chaque arrondissement par des feuillets complétés en mairie.
Le rapport de l'OMS cité plus haut mentionne également le décret du 29 août 1892 instaurant un passeport et une visite sanitaires pour les "voyageurs et marchandises entrant en France par les frontières du Nord et de l'Est." Comme quoi notre époque n'invente rien...
Pour aller plus loin :
Fléaux et société [Livre] : de la grande peste au choléra, XIVe-XIXe siècle / Françoise Hildesheimer ; sous la direction de Robert Muchembled,...
Peurs et terreurs face à la contagion [Livre] : choléra, tuberculose, syphilis : XIXe-XXe siècles / sous la dir. de Jean-Pierre Bardet, Patrice Bourdelais, Pierre Guillaume, François Lebrun... [et al.]
L’épidémie créatrice de frontières / Patrice Bourdelais
Jacques Bertillon, de la Préfecture de la Seine, a réalisé des Tableaux statistiques de l'épidémie cholérique de 1884 à Paris, et étude statistique des épidémies antérieures conservés à la Bibliothèque centrale du service de santé des armées. Ce document n'étant pas numérisé, nous n'avons pu le consulter.
Vous pourrez d'ailleurs suivre l'axe de diffusion de l'épidémie de 1884 sur la Carte du choléra en Europe dressée par L. Carvin et consultable sur Gallica.
Bonne journée.