Qui a payé les frais des avocats de la défense des accusés des attentats du 13 novembre ?
Question d'origine :
Bonjour aux Guichetiers et Guichetières du savoir,
Qui a payé les frais des avocats de la défense , dont certains sont déjà célèbres dans des cabinets parisiens renommés , dans le procès des accusés des attentats du 13 novembre devant la cour d'assises spéciale.
Ce procès à duré 10 mois et a dû les amener à y consacrer tout leur temps, au détriment de leurs autres clients.
Sont-ils payés au titre de l'aide juridictionnelle et combien ? ( les accusés étant apparemment insolvables ou sans ressource), sachant, par ailleurs, que selon le Règlement Unifié National de la profession (RIN), l'avocat ne peut être rémunéré que par son client.
Dans ce cas c'est un vrai sacerdoce !
Merci
Réponse du Guichet
Selon les chiffres fournis par le Ministère de la Justice, les montants d'aides juridictionnelles mobilisées par ce procès géant s'élèverait à environ 50 millions d'euros. L'essentiel de cette somme n'étant cependant pas imputable à la défense des accusés, mais à celle des parties civiles.
Bonjour,
Un article du Monde a été consacré à cette question le 4 juin dernier. Il nous apprend que le procès "aura coûté 50 millions d’euros en aide juridictionnelle", du fait notamment, comme vous le suggérez, "de la durée de l’audience et du nombre de parties civiles".
Selon l'article, il s'agirait du procès ayant coûté le plus cher à l'Etat dans l'histoire de la justice française, et cela ne serait dû ni à "la construction d'une nouvelle salle", ni aux frais occasionnés pour le déplacement des parties civiles, ni aux dispositifs de sécurité, mais bien aux frais d'avocats, dans cette procédure géante qui a duré 49 jours. Mais l'essentiel des aides juridictionnelles n'a pas été attribué aux avocats de la défense, mais à ceux des parties civiles. C'est le Ministère de la Justice qui l'a révélé au journal :
« La projection de dépense en aide juridictionnelle pour le procès complet s'établit à environ 50 millions d'euros », indique au Monde le ministère de la justice. Cette somme se répartit en quelque 47,5 millions aux 327 avocats des parties civiles, et 2,5 millions pour les 28 avocats français des accusés. Les avocats belges ne sont pas concernés. A la mi-mai, « 41 millions d'euros » avaient déjà été versés, selon la Chancellerie.
Il faut dire que le nombre de personnes s'étant portées parties civiles s'élève à 2500, ce qui est énorme. Et si le travail accompli par les avocats a dû être lui aussi conséquent, nous hésiterions à parler de sacerdoce, au vu des retombées financières pour les cabinets :
Pendant le procès, un avocat représentant une partie civile touche un forfait de base de 1 292 euros, puis 272 euros par journée d'audience (288 euros depuis le 1er janvier). Quand cette journée, qui débute à 12 h 30, dure au-delà de 17 h 30, chaque tranche de cinq heures supplémentaires rapporte encore 272 (ou 288) euros. Ainsi, pour une journée de sept heures puis une de huit heures, un avocat touchera non pas deux, mais trois fois 272 (ou 288) euros. Un système de badge électronique atteste du temps passé à l'audience. Pour 149 journées, plus 30 tranches de cinq heures supplémentaires estimation raisonnable, un avocat défendant une seule partie civile, et ayant assisté à l'intégralité des débats, aura perçu environ 50 000 euros en dix mois.
Un système de dégressivité s'applique lorsqu'on défend plusieurs parties civiles : pour la deuxième, un avocat perçoit 70 % de l'AJ, puis 60 % pour la troisième, 50 %, pour la quatrième, 40 % pour la cinquième et les suivantes. Ainsi, un avocat représentant deux parties civiles et qui aurait assisté à toute l'audience touchera 85 000 euros. Pour cinq, la rémunération peut atteindre 160 000 euros. Pour dix, 260 000. Pour vingt, 460 000. Pour quarante, 860 000 c'est le cas d'au moins douze cabinets.
Notons que plusieurs cabinets représentaient plus d'une centaine de personnes, le record étant 143 - ce qui a permis audit d'engranger jusqu'à 20 000 euros par jour en moyenne. Ce qui n'a pas manqué de provoquer des débats que nous vous invitons à lire via Europresse si vous êtes abonné-e de la BmL. On dira simplement que la loi n'a pas été pensée pour les cas de multiplications de parties civiles, et que certains dénoncent un "effet d'aubaine" pour les avocats de l'accusation.
En comparaison, selon un article de France TV info, cette configuration était nettement plus défavorable à ceux de la défense, puisqu'il ne peut y avoir qu'une aide juridictionnelle par accusé - accusés souvent défendus par au moins deux avocats. La somme forfaitaire de 272 euros par jour paraît alors bien chiche, au regard du travail réclamé. L'Ordre des avocats de Paris a donc décidé que les représentants des parties civiles verseraient une partie de leurs gains à leurs confrères et consoeurs de la défense :
Sollicitée, la Chancellerie a jusqu'ici refusé de desserrer les cordons de la bourse, malgré le caractère exceptionnel du procès. C'est donc le Conseil de l'ordre des avocats de Paris qui a trouvé la solution, votée à la quasi-unanimité dans une délibération : les avocats qui représentent plus de deux victimes des attentats du 13-Novembre seront ponctionnés de 10% de leurs aides juridictionnelles.
Ces sommes seront reversées aux avocats de la défense pour qu'ils limitent les dégâts financiers dans leurs cabinets respectifs. "Il fallait que la rémunération nous permette de survivre car il ne s'agit pas d'un enrichissement", souligne Negar Haeri, avocate d'un des quatorze accusés. "Ce n'est pas un procès qui va faire gagner de l'argent à ceux qui sont en défense, au contraire, abonde Maître Delas.
Interrogé par Village de la Justice, l'avocat Guillaume Martine explique cette décision, prise pour atténuer le risque financier pris par les défenseurs, mais également pour préserver l'équité de la justice :
Dans certains procès, s’étalant sur une très longue période et impliquant de très nombreuses parties civiles, il existe un décalage extrêmement important entre l’indemnisation que peuvent percevoir les avocats intervenant en partie civile et ceux intervenant en Défense, ces derniers étant particulièrement mal indemnisés. La situation est à ce point défavorable qu’elle est susceptible d’entraver l’exercice normal des droits de la Défense, et de remettre en cause le caractère équitable de ce type de procès. Le mécanisme de mutualisation partielle adopté par le Conseil de l’Ordre doit permettre d’atténuer cette situation.
Bonne journée.