Y a-t-il eu des Congrès à Lyon permettant de répudier les conjoints infertiles au Moyen-Âge ?
Question d'origine :
J'aimerai en savoir plus sur un "Congrès" qui se tenait à l'Hôtel Dieu à Lyon, qui évaluait la fertilité des couples, et qui permettait aux époux de répudier leur femme ou leur mari (au Moyen Âge/fin du Moyen Âge il me semble)
Se trouverait notamment dans : Histoire de l'Amour, de Guy Richard
Réponse du Guichet
Il serait probablement utile de préciser la source précise de votre affirmation. Une lecture en diagonale de Histoire de l'Amour de Guy Richard ne nous a pas permis de la corroborer. Or, sans les références utilisées par l'auteur l'autorisant à affirmer que l'Hôtel-Dieu à Lyon pratiquait le congrès, il nous est difficile de le vérifier. Les ouvrages consultés sur l'Hôtel-Dieu ne mentionnent pas cette pratique.
Bonjour,
Dans le Dictionnaire universel François et Latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux (1771, Volume 2, p.807) le congrès est ainsi défini :
CONGRÈS f m L'épreuve de la puissance ou impuissance des gens mariés autrefois ordonnée par la Justice & qui se faisait en présence des Chirurgiens & de matrônes dans les occasions où il s'agissait de la nullité d'un Mariage pour cause d'impuissance. Congressus. Le Droit Civil ni le Droit Canonique ne font aucune mention de la preuve d'impuissance par le congrès. Cet usage doit son origine à la témérité d'un jeune homme qui demanda le congrès. Le Juge surpris de la nouveauté de cette demande ne crut pas qu'elle pût être refusée, regardant cette épreuve comme un moyen infaillible de découvrir la vérité. Depuis il devint une jurisprudence certaine dans les officialités & les arrêts l'ont autorisée. Mais outre que cette expérience offense la pudeur & qu'elle est contraire à la pureté de nos moeurs, on a reconnu que cette prérendue certitude que l'on pouvait en tirer & qui seule l'avait fait accepter était une illusion & que dans la plupart de ceux qu'on y assujetissait la honte de l'accusation, la crainte d'un évenement incertain, la pudeur & le trouble causé par la présence des experts produisaient le même effet que l'impuissance naturelle. L'effronterie seule pouvait soutenir les honteuses formalités du congrès. Une femme ne doit jamais venir à la facheuse extrémité de publier des malheurs domestiques que la pudeur lui ordonne de tenir secrets, ni faire éclater son infortune. C. B. Boileau dit en parlant des animaux:
Que jamais Juge entr'eux, ordonnant le congrès De ce burlesque mot n'a sali ses arrêtsOn a enfin abrogé l'usage du congrès par un sage arrêt du Parlement du 18 Fevrier 1677, inféré dans le Journal du Palais, il fait aujourd'hui Loi dans tout le Royaume. On tient qu'il n'avait été pratiqué en France que depuis 120 ans.
Voyez Hotman, Tagerau & le Dictionaire Critique M Bayle à l'art. de Quellenec
Selon cet ouvrage, le congrès n'est donc pas inscrit dans la loi, il n'est que la jurisprudence d'une affaire pour laquelle l'accusé aura lui même sollicité auprès de ses juges d'être "testé". Cette pratique ne dura que 120 ans avant d'être abrogée, considérée comme indécente.
Le congrès aurait-il été pratiqué à l'Hôtel-Dieu entre le milieu du XVIe siècle et son abrogation en 1677 ?
Vous citez Histoire de l'Amour en France de Guy Richard comme source de cette information. Nous nous sommes référés à cet ouvrage sans trouver de mention de l'Hôtel-Dieu. P.172, une référence au "congrès" - dans la partie de l'ouvrage couvrant l'âge classique, c'est-à-dire les XVIe et XVIIe siècles - est même très laconique sur les circonstances de ces "démonstrations par l'exemple" : il se passe "en public, le plus souvent chez un seigneur." Malheureusement un parcours rapide de l'ouvrage ne nous a pas permis de trouver d'autre mention de ces "congrès" : 1- celle que nous citons semble être la première puisqu'elle en donne la définition, 2- cette mention intervient à la fin de la partie consacrée au XVI et XVII, au moment où le congrès sera abrogé, limitant l'éventualité d'une mention future dans l'ouvrage. Notons qu'en effectuant une recherche plein texte sur une réédition datant de 2002 de l'ouvrage, Histoire de l'amour du Moyen Age à nos jours, nous ne trouvons pas d'occurence d'"Hôtel-Dieu". Sans plus d'information, et surtout sans les références précises de Guy Richard à ce sujet, il nous est difficile d'aller plus loin dans nos recherches.
Les ouvrages Histoire du Grand Hôtel-Dieu de Lyon, l'Hôtel-Dieu de Lyon ne semblent pas évoquer la pratique du congrès. Pour le second, une recherche plein texte sur Google Books ne retourne aucune occurence significative des termes "congrès", "juge ecclésiastique", "impuissance", etc.
Enfin, Le Tribunal de l'Impuissance, qui étudie quelques exemples de ces congrès, n'en cite aucun se déroulant à Lyon. Par ailleurs, ces témoignages sont semble-t-il peu nombreux (rappelons que la pratique du congrès fut relativement courte : à peine plus d'un siècle) :
Il est pratiquement impossible de connaître de façon mathématique la fréquence des procès en impuissance. Les quelques dizaines d'affaires qui ont laissé des traces ne nous donnent peut-être qu'un maigre reflet d'une réalité prodigue, mais il ne s'agit là que d'une impression subjective.
Si l'un d'entre eux concernait Lyon, il y a fort à parier qu'il aurait fait surface au cours de nos recherches. Une fois encore, la recherche plein texte permise par Google Books sur cet ouvrage ne retourne aucune occurence significative avec les termes "Lyon" ou "Hôtel-Dieu".
Ce même ouvrage consacre un chapitre au congrès, si cela vous intéresse, mais l'essentiel des informations s'appuie sur les sources de la définition que nous citions plus haut : Hotman et Tagereau, débattant l'origine de la pratique, qu'on s'accorde à fixer au milieu du XVIe siècle.
Bonne journée.