Pourquoi le chemin des femmes mortes à Caluire s'appelle-t-il ainsi ?
Question d'origine :
Bonjour,
Pourquoi le chemin des femmes mortes à Caluire porte-t-il ce nom, quelle est l'histoire de cette rue ?
Merci !
Réponse du Guichet

La mémoire populaire rapporte que « plusieurs cadavres de femmes furent découverts près d’un bosquet d’acacias, dans un champ desservi par ce chemin ».
Dans l'édition du Progrès paru le lundi 11 juillet 2022, à l'occasion d'un article informant du changement de nom de la rue, Bernard Basse, président de l’association Histoire et Patrimoine, fournit l'explication suivante :
« D’anciens Caluirards nous ont affirmé que plusieurs cadavres de femmes furent découverts au siècle dernier près d’un bosquet d’acacias, dans un champ desservi par ce chemin. Pendant longtemps, paraît-il, un homme et des enfants venaient se recueillir en ce lieu, et y déposer des fleurs. La construction de la voie ferrée vers 1860, scinda le chemin en deux impasses : le tronçon à l’est de la voie verte a été rebaptisé à la demande des riverains “impasse Général Leclerc”, son prolongement devenant le chemin des Bruyères, tandis que ces quelques dizaines de mètres à l’ouest conservaient ce nom peu réjouissant ».
On retrouve cette explication dans Histoire de Caluire et Cuire (Martin Basse, juin 1976) à la page 247, presque à l'identique - ce qui confirme qu'il faut bien comprendre "XIXe siècle" pour "siècle dernier". Ce texte semble être la source de l'anecdote reprise par Le Progrès.
Nous avons effectué de rapides recherches dans le Salut Public pour retrouver des traces de ce faits-divers, sans succès. On est en revanche tombé sur une annonce pour la vente d'un terrain portant ce nom dans l'édition du 18 octobre 1874, qui confirme bien l'existence d'un lieu-dit de ce nom avant l'apparition du chemin :
Il consiste en une terre dites des Femmes Mortes, même territoire du Lièvre, commune de Caluire, d'une contenance de quatre-vingt-seize ares, vingt-six centiares, cultivée en blé et hortolage ; elle est confinée au nord, par la terre vendue au sieur Nicolas Tholy, suivant acte, reçu par Me Debornes, notaire à Caluire, le dix-neuf juillet mil huit cent soixante-huit, au midi par les héritiers Domingeon, à l'est par terre vendue à Etienne Cote, par acte reçu. Me Debornes, le douze février mil huit cent soixante-sept, au couchant par terre à Gardon. On parvient à la terre sus-désignée au moyen d'un chemin partant de la grand'route de Caluire à la Pape, et réservé par les actes-sus-énoncés.
Les découvertes de corps féminins sont assez rares pour être remarquées (la plupart des découvertes au bord d'un chemin concernent des corps d'hommes). Par exemple (Courrier de Lyon du 18 juin 1832) :
Le 17 mai dernier, dans la matinée , on a trouvé, sur la route de Caluire, le cadavre d'une femme inconnue , âgée de 60 à 65 ans, morte subitement.
Signalement: Taille de 5 pieds 1 pouce, cheveux et sourcils châtains, front découvert, nez bien fait, bouche moyenne dégarnie de presque toutes les dents de devant. Ses vêtements se composaient d'une camisole de drap gris, d'un tablier en indienne lilas, d'une jupe de drap bleu, d'un mouchoir de col en indienne à carreaux rouges , bleus et blancs , et d'une chemise de toile sans marque ; elle était chaussée en sabots, et portait un chapeau de paille et un bonnet de calicot. On a trouvé à côté d'elle un panier en osier rempli de morceaux de pain.
On trouve également dans Le Censeur daté du 31 octobre 1840, la mention d'une découverte de deux femmes noyées dont les corps auraient été exposés au cimetière de Caluire (donc pas très loin du chemin des Femmes Mortes). Si cet article ne confirme pas vraiment notre anecdote, il donne en revanche une explication alternative possible à l'existence de ce lieu-dit.
On nous écrit de Caluire, le 29 octobre :
Deux femmes inconnues ont été trouvées noyées dans notre commune ces jours-ci, l'une dans le Rhône, à la hauteur du cours d'Herbouville, et l'autre dans la Saône, vis--à-vis Collonges. Ces deux cadavres ont été déposés dans le cimetière de Caluire, où ils sont restés exposés plusieurs jours. Enfin le moment de leur donner la sépulture étant arrivé, on pria le curé et son vicaire d'assister l'un ou l'autre à l'inhumation, ce à quoi ils se sont refusés. Ce refus de rendre les derniers devoirs de la religion aux deux malheureuses femmes dont les corps ont été retrouvés dans le Rhône et la Saône, a justement indigné notre correspondant.