Question d'origine :
Bonjour,
Est-ce que les Francs-Maçons déportés dans les camps de concentration durant la dernière guerre portaient sur leurs "uniformes" de détenus un signe distinctif (Triangle de couleur spécifique, par exemple).
Si tel n'était pas le cas, à quelle "population" carcérale étaient-ils rattachés par l'administration des camps ?
Sait-on combien de Francs-Maçons ont été déportés pour faits de résistance ?
Merci et à bientôt
Anji
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 16/09/2006 à 15h24
Il semble que les Francs-maçons n’aient pas eu de marque distinctive spécifique dans les camps, car ils n’étaient en général pas déportés « seulement » pour leur appartenance à la franc-maçonnerie.
« Les Maçons surveillés ne furent pas arrêtés et déportés en tant que tels, mais en raison généralement de leur appartenance et de leur participation à un quelconque « foyer » de Résistance. ».
Vichy et les Francs-maçons, de Dominique Rossignol, p.227.
Ils étaient donc considérés comme des politiques, sauf s’ils avaient été arrêtés pour d’autres raisons, avérées ou non d’ailleurs (marché noir, homosexualité, …).
« Au nouvel arrivant était remis un triangle de couleur variable selon le motif de son incarcération : les détenus politiques […], portaient le triangle rouge ; les droit commun en détention préventive (BV) ou effectuant leur peine en camp (SV), le triangle vert (celui de ces derniers portant la lettre S) ; les témoins de Jéhovah […], le triangle violet ; les apatrides ou émigrés, essentiellement des Espagnols (internés après la défaite de la France), le triangle bleu ; les associaux, le triangle noir ; les homosexuels, le triangle rose ; les Tsiganes, le triangle brun ; les juifs […], un triangle jaune avec un filet noir ; les juifs internés dans le cadre strict des persécutions raciales et momentanément épargnés pour être contraints au travail […], une étoile jaune ; les juifs internés pour une autre cause, un triangle jaune pointe en bas qui se superposait à un triangle d’une autre couleur ; les politiques internés pour la seconde fois, une barrette rouge au-dessus du triangle rouge ; […]"
Voir la suite de la p. 64 de Les camps nazis, de Maurice Voutey.
Voir aussi la page illustrée Triangle des déportés
Il semble que pour les mêmes raisons, on n’ait que des chiffres approximatifs du nombre de francs-maçons déportés et sans détails des motifs de leur déportation.
« Service des sociétés secrètes : bilan approximatif.
170 000 fiches de « suspects établis ».
60 000 fiches de Francs-maçons.
6 000 Francs-maçons inquiétés.
989 Francs-maçons déportés.
540 fusillés ou morts en déportation.
Pour le « Grand Orient de France », les chiffres des victimes sont les suivants : 5 210 Francs-maçons inquiétés, 219 déportés, 117 fusillés ou morts en déportation.
Pour la « Grande Loge de France », 1 250 Francs-maçons inquiétés, 520 déportés, 180 fusillés ou morts en déportation.
Pour le « Droit humain », 1 540 Francs-maçons inquiétés, 59 déportés, 31 fusillés ou morts en déportation. ».
Extrait du livre Vichy et les Francs-maçons, cité plus haut.
« 540 maçons furent fusillés, 989 furent déportés. »
Quid 2006
« Au total, la maçonnerie fournira quelques 2 000 à 3 000 combattants à la Résistance. Un millier de Francs-maçons seront déportés et environ 600 connaîtront la mort, fusillés, tués au combat ou dans les camps. »
Histoire de la franc-maçonnerie française, de Roger Dachez.
C’est vrai en France, mais aussi au niveau mondial :
“Because many of the Freemasons who were arrested were also Jews and/or members of the political opposition, it is not known how many individuals were placed in Nazi concentration camps and/or were targeted only because they were Freemasons.”
Freemasonery under the nazi regime, Holocaust Encyclopedia.
Ce qui est parfaitement étudié, c'est "la chasse aux sorcières" dont ont été victimes les francs-maçons .
« Rétrospectivement, l'ardeur mise à pourchasser les francs-maçons surprend. Dans l'imaginaire de leurs adversaires, les loges fomentaient un complot permanent, aux ramifications internationales. On leur attribuait une solidarité, un pouvoir et une extension démesurée, parlant de 100 000 à 150 000 frères initiés (on établira 170 000 fiches de " suspects "), ce qui est fort exagéré, puisque, selon des sources fiables, les deux principales obédiences regroupaient en 1939 45 000 frères : 29 000 pour le Grand Orient de France, 16 000 pour sa rivale, la Grande Loge de France (ajoutons le Droit humain, avec 3 000 membres, et 1 500 maçons de la Grande Loge nationale française). Les francs-maçons avaient beaucoup d'ennemis : bien des catholiques voyaient encore en eux les instigateurs de la Révolution française ; une partie de la classe politique un Etat dans l'Etat, surtout la droite conservatrice, qui faisait du Grand Orient le vivier de la gauche non communiste. Le pouvoir économique et social qu'on leur attribuait avait suscité le mythe étonnant de la Synarchie d'Empire, organisation maçonne souterraine qu'on disait acoquinée à de grandes banques.
LA loi du 13 août interdisait les " associations secrètes " et obligeait " les fonctionnaires et agents de l'Etat à souscrire une déclaration à leur sujet ". Et si, dans le texte, la franc-maçonnerie, curieusement, n'était jamais nommée, six jours plus tard un décret constatait " la nullité du Grand Orient de France et de la Grande Loge de France ". L'exposé des motifs arguait que les sociétés secrètes, où étaient entrés nombre de fonctionnaires, menaçaient le redressement national. Un service des " sociétés secrètes " fut confié à Bernard Fay, spécialiste de la Révolution, professeur au Collège de France. »
La chasse aux éléments “antinationaux”, de Jean-Pierre Azéma, dans Littératures&Compagnies, extrait du Monde.
Voir aussi :
L’Antimaçonnerie
Les Francs-maçons, l’engagement. Aux heures sombres de Vichy, de Michèle Cointet.
D’autres pays européens, parmi lesquels les Pays-Bas, la Belgique, le Portugal, l’ Espagne se dotent aussi de législations réprimant les sociétés secrètes (en Allemagne, les ordres francs-maçons ont été dissous dés août 1935).
Voir aussi :
Documents pertaining to the persecution of freemasons, site américain recensant les documents relatifs à la persecution des francs-maçons conservés au United States Holocaust Memorial Museum.
Célébration de la Franc-maçonnerie dans la Résistance
Voyage en franc-maçonnerie, un film de Georges Combe avec un passage sur la franc-maçonnerie et la Résistance.
Pour approfondir sur l’histoire de la franc-maçonnerie en France pendant la guerre :
La franc-maçonnerie française durant la guerre et dans la Résistance, de Maurice Vieux.
La franc-maçonnerie sous l’Occupation : persécution et résistance, d’André Combes.
Ces deux ouvrages sont disponibles à la consultation au CHRD, où vous pouvez vous rendre pour plus d’informations.
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