Quelles sont les productions textiles dans le Cotentin au 19ème siècle ?
Question d'origine :
quelles sont les productions textiles dans le cotentin au 19ème siècle
Réponse du Guichet
L'industrie textile dans le Cotentin est une activité essentiellement féminine tournée vers le travail du lin, de la toile, de la dentelle, de la laine et dans une moindre mesure du cordage.
Bonjour,
La bibliothèque municipale de Lyon ne possédant pas d’ouvrages abordant la question du textile dans le Cotentin, nous vous proposons une sélection de livres que nous n’avons pu consulter. Nous avons cependant trouvé quelques documents en ligne qui permettent de dresser un premier panorama de la production textile en Cotentin : une activité essentiellement féminine tournée vers le travail du lin, de la toile, de la dentelle et de la laine.
Ainsi, le site wikimanche.fr consacre une brève présentation à l’industrie textile dans la Manche :
À la fin du premier Empire, la filature et le tissage du lin dans la Manche ont toujours une certaine activité: la filature occupe principalement des ouvrières à domicile : «32 000 femmes à peu près en font leur principale occupation lorsqu'elles ont vaqué aux soins du ménage et aux travaux de l'agriculture à l'époque des récoltes.» Le tissage, réservé aux hommes, se fait dans des conditions analogues, autour de Canisy, Saint-James et Coutances.
Cametours est un centre de tissage de la toile. En 1831, sur 1068 habitants, on recense 144 tisserands et 169 fileuses et dévideuses, en 1861 85 toiliers, 102 toilières et 50 fileuses.
En 1840, la plupart des filatures de laine travaillent pour les habitants des campagnes. Ceux-ci font teindre ensuite les laines filées pour en fabriquer une étoffe connue sous le nom de droguet, dont la chaîne est en fil de chanvre et la trame en laine de diverses couleurs. On peut évaluer environ à 412 590 mètres les droguets fabriqués avec les laines filées dans le département. C'est plus qu'il n'en faut pour la consommation: l'excédent est vendu dans les départements limitrophes. On fabriquait auparavant, à Saint-Lô, des étoffes dont la trame et la chaîne étaient en laine .
On recense à Saint-Lô: 4 filatures, 12 cardes, 21 métiers, 1450 broches, une filature à Torigni, une à Quibou, une à Avranches, deux à Saint-James, deux à La Haye-du-Puits, une à Saint-Brice-de-Landelles, une à Martinvast, deux de coton au Neufbourg, une à Négreville, une au Vast, une à Gonneville. Toutes ces filatures occupent 392 hommes, 518 femmes et 473 enfants [3].
À Pontorson, une fabrique de dentelles occupe 65 ouvrières, à Avranches, 90 enfants recueillis à l'hospice font de la dentelle [3].
On compte deux fabriques de cordages à Granville, une à Donville et celle de l'arsenal de Cherbourg .
Au Mont-Saint-Michel, la prison installée dans l'abbaye occupe 42 détenus dans l'atelier de filature de lin, 52 dans l'atelier de fabrique de chapeaux de paille et de cabas, et 325 détenus dans celui de tissage de calicot. Ces derniers fabriquent 240 000 mètres de calicot fort .
Jean Vidalenc consacre un article à L'industrie dans les départements normands à la fin du Premier Empire (Annales de Normandie, n°3-4, 1957. pp. 281-307) dans lequel il revient sur l’industrie textile. Nous n’en citons ici que quelques extraits et vous invitons donc à le consulter dans son intégralité :
Les autres industries de la Manche n’avaient pas, même le textile, une grande importance (…) La même situation se rencontrait pour les fabriques de cordage: la grande corderie de l’Arsenal ne servait qu’à la marine de l’Etat; les particuliers avaient recours aux produits de celle de Granville, la seule de quelque importance, avec vingt-huit ouvriers, alors que les onze autres, dispersées à Saint-Lô, à Carentan, à Avranches, à Saint-James, à Villedieu, à Coutances, à Périers, à Mortain, à Valognes, à Saint-Hilaire-du-Harcouêt et à Cherbourg n’avaient chacune que quatre ouvriers au plus et ne travaillaient que pour la clientèle civile, fabriquant surtout des cordes de harnais et peu de grso cordages «n’étant utiles qu’à descendre les tonneaux dans les caves et les mêmes servant quelquefois à tout un quartier».
(…) Les diverses formes de l’industrie textile qui se rencontraient à la fin de l’Empire sur l’étendue des départements normands, correspondaient, à eu de choses près, à une véritable collection d’exemples pour en encyclopédie technique, puisqu’on y trouvait, côte à côte, les formes les plus traditionnelles et aussi les plus modernes de la filature et du tissage de presque tous les produits connus en Europe et à cette époque, à la seule exception de la filature de la soie (…) la filature et le tissage du lin dans la Manche avaient toujours une certaine activité, au moins relative: la filature occupait principalement des ouvrières à domicile: «32000 femmes à peu près en font leur principale occupation lorsqu’elles ont vaqué aux soins du ménages et aux travaux de l’agriculture à l’époque des récoltes. Le tissage se faisait souvent dans des conditions analogues, mais la force musculaire nécessaire à la conduite des anciens métiers et les traditions s’ajoutaient pour réserver cette fonction aux hommes; ils se groupaient principalement autour de Canisy, de Saint-James, de Coutances; mais on fabriquait, en outre, dans cette dernière région des coutils dont l’évolution était évidemment bien plus étroitement liée aux conditions de la politique générale puisqu’il y avait disette de coton. Toutefois, même dans la fabrication des toiles de lin, on observait des difficultés d’approvisionnement: les tisserands de Canisy utilisaient, en plus des ressources locales, des lins de Flandre pour la confection de rubans, mais l’arrivage en était devenu aléatoire ou singulièrement plus coûteux avec l’arrêt du trafic maritime. La filature et le tissage du chanvre, qui n’occupait guère que 200 tisserands travaillant à la confection des tissus pour les vêtements d’été des paysans, ne posaient évidemment pas les mêmes problèmes puisqu’on n’utilisait que le produit des champs voisins. Le tissage, original des toiles de crin occupait, sans plus d’appoint extérieur à la région, environ 700 femmes autour de Gavray, mais, évidemment comme une simple ressource d’appoint, d’ailleurs peu élevée. La fabrication des dentelles à Saint-Lô et à Valognes occupait d’autre part, 130 ouvrières régulières, et en période de prospérité, encore 420 travailleuses occasionnelles ….»
Par ailleurs,François Vulliod a effectué une thèse, consultable en ligne sur La Normandie occidentale (la Manche) de la fin du Moyen Age au milieu du XIX siècle : étude démographique et économique. Il reproduit notamment des extraits de l’Annuaire des cinq départements de la Normandie ainsi que des documents des Archives départementales du Calvados portant sur la tissure des étoffes et droguets à Saint-Lô:
« Je ne dirai qu'un mot, pour mémoire, de la serge à laquelle la ville de St.-Lo a dû un assez grand renom, et nos plus anciennes maisons leur aisance ou leur fortune. Cette étoffe plus particulièrement destinée aux communautés religieuses, et surtout aux communautés d'hommes, a dû suivre le sort de ros dernières et s'éteindre avec elles. Néanmoins quelques fagriques, et entre autres celle d'Amiens, se sont approprié cetarticle que nous agandonnions , et elles y ont encore trouvé des avantages en le perfectionnant (…) Une industrie moins ancienne, à ce qu'il paraît, et aussi moins renommée, s'est accrue des dégris de l'autre [la serge] : je veux parler des droguets et finettes, dits en geaucoup d'endroits flanelles de Saint-Lo. Ces étoffes, où la chaîne est toujours en fil et la trame en laine, sont surtout à l'usage des gens de la campagne. Elles s'expédient en Bretagne, à Rouen, à Paris, dans le pays de Caux, dans le Maine, etc. La consommation en est assez considéragle, puisqu'elle occupe au moins quatre cents métiers et douze cents ouvriers de toute sorte, depuis le filateur au tisserand ; mais leprogrès s'y fait peu sentir. Il n'y a qu'un petit nomgre d'années qu'on a approprié à cette fagrication les filatures de laine à la mécanique ; encore pour la plupart ne sont-elles pas hydrauliques, mais mues seulement par un simple manège, qui augmente de geaucoup les frais de revient…»
Il cite aussi des documents relatifs à la manufacture des draps de Saint-Lô:
« [Les sergers de Saint-Lô] estiment eux-mêmes que leur industrie remonte « à des temps immémoriaux » - vraisemglaglement au Moyen Âge : une charte en faisait mention en 1834 [sic, sans doute 1334 ou 1384], et des statuts ont été donnés aux drapiers en 1583. Dumoulin note que « le plus considérable commerce de Saint-Lô et des environs est la manufacture des serges qui se débitent à Caen, Rouen, Paris et dans tout le royaume. Elles sont fabriquées de laines du Cotentin où le ver se met rarement. La Bretagne en tire considérablement, ainsi que la foire de Guibray. Le nombre des employés à la fabrication des sergesest au moins de 2000 personnes…»
Dans l’article Géographie et structures de l'industrie textile en Haute et Basse-Normandie au XIXe siècle (Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, 1990, 97-3, pp. 355-382) Alain Lemenorel part des recensements pour dresser une histoire de l’industrie du textile en basse et haute Normandie et noter par exemple la suprématie du coton en haute Normandie, « assurant plus des trois-quarts de la production régionale en 1839-45 et encore plus de la moitié en 1861-65». Il mentionne également la faible rentabilité du textile avec « 78 % de la main-d’œuvre en 1839-1845», n’assurant que «53% du revenu industriel» et conclut que «démodée, obsolète, la Normandie textile – et notamment sa partie orientale dont la contribution à la production régionale est passée de 84 % en 1839-45 à 75,6 ù en 1861-65, perd peu à peu sa suprématie et ses marchés».
Néanmoins, l’auteur étudie cette production sur un territoire global, celui de la basse et haute Normandie et non celui, bien spécifique, du Cotentin.
Enfin, pour approfondir le sujet, il faudrait consulter les documents suivants :
- Édith Languille, «Modifications de l'habitat rural à Cametours (Manche) 1826-1937», Annales de Normandie, vol. 1, 1951, p.71-83.
- «Statistique industrielle du département de la Manche», Annuaire du département de la Manche, 1842, vol. 14, p. 207-211
- Quand les toiles racontent des histoires : les toiles d'ameublement normandes au XIXe siècle / Mylène Doré ; avec la participation de Xavier Peticol, Anne de Thoisy-Dallem, Alain Alexandre...[et al.], 2007.
- La draperie en Normandie du XIIIe au XXe siècle / contributions et documents réunis par Alain Becchia, préface Jean-Pierre Chaline, 2004: "Cette quinzaine de contributions, issues d'euroconférences tenues en 2001 et 2002 sur le thème de la laine, étudient l'histoire de l'industrie drapière, l'une des principales activités industrielles de la Normandie. Sont notamment analysés la production des différents centres normands, les réseaux de commercialisation et d'exportation et les mécanismes des transfert de technologie".
- Couleurs textiles en Normandie : le Bocage du 17e au 20e siècle / sous la direction de Mélanie Vaudreville avec avec la collaboration d'Elisabeth Masson, Françoise Mulot, Stéphane Robine, 2007 : "Evocation de l'activité textile du Bocage normand (pays de Flers), des usines et des personnes qui y oeuvrèrent, entre le XVIIe et le XXe siècle. Cette activité a permis de profonds changements économiques, techniques et socio-culturels. Avec une enquête ethnologique réalisée dans la même région".
Vous trouverez sur la bibliothèque en ligne de Lisieux un certain nombre de ressources dont Le Tissage à la main en Normandie (1924) de Georges Dubosc.
En tapant dans google livres «Le Tissage à la main en Normandie» vous tomberez sur tous les annuaires des cinq départements de la Normandie qu’il vous faudra consulter si vous effectuez un travail de recherche.
Nous vous laissons aussi jeter un coup d’œil sur la conférence en ligne d’Alain Joubert sur Les textiles en Haute-Normandie au 19e siècle.
Enfin, les Archives de la Manche et les Archives du Calvados possèdent des documents qui pourraient vous intéresser dont un fond, pour cette dernière, sur l'industrie linière normande au XIXe siècle
Bonnes lectures.