En quoi la société rend-elle l'intégration des HPI difficile ?
Question d'origine :
Demande de documentation sur le sujet suivant:
"En quoi la société rend t-elle l'intégration difficile des HPI"
Réponse du Guichet

Préjugés, incompréhensions et méconnaissances sont quelques uns des facteurs expliquant le peu d'intégration des HPI dans notre société.
Bonjour,
L’incompréhension et la méconnaissance sont souvent à l'origine du peu d’intégration des personnes à Haut Potentiel intellectuel.
Ainsi, Sophie Caulier dans l’article «les salariés neuroatypiques sont un vivier de talents pour l’entreprise» publié dans Le Monde le 15 décembre 2021, rappelle que
stigmatisées pour leur manque de sociabilité ou leurs différences comportementales, les personnes neuroatypiques, haut potentiel intellectuel (HPI), Asperger, DYS et souffrant d’autres troubles déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) sont des candidats que les recruteurs accueillent avec une certaine frilosité. Elles constituent pourtant un vivier de talents pour les entreprises, à condition que ces dernières s’adaptent à elles et les emploient aux postes dans lesquels elles excellent.
GILLOOTS Emmanuelle insiste sur « la méconnaissance du Haut Potentiel et les préjugés au sujet des personnes dites «surdouées» qui rendent difficiles le diagnostic et la compréhension de ce qu’elles vivent, y compris par elles-mêmes ».
Elle explique ainsi
Les tests n’évaluent pas l’ensemble des capacités intellectuelles. Ils sont le reflet de notre culture occidentale qui met à l’honneur certaines capacités, essentiellement celles de l’hémisphère gauche (langage, logique, abstraction, calcul, mémoire de travail). Ils n’évaluent pas l’intelligence pratique en situation, l’intelligence sociale et relationnelle, ou la créativité, par exemple. Sur le plan des aptitudes langagières et de l’ouverture culturelle, les tests sont plus encore le reflet de la culture dominante et mesurent exclusivement les aptitudes attendues dans les milieux sociaux privilégiés, au détriment des compétences langagières et culturelles spécifiques des milieux populaires. Au final, les tests, tout en n’étant pas le reflet direct des acquis scolaires, sont tout de même étroitement liés au «bain culturel» dans lequel a grandi l’enfant.
Se pose actuellement avec de plus en plus d’acuité la question de l’évaluation de l’intelligence des personnes présentant à la fois un trouble autistique et des capacités intellectuelles exceptionnelles.
(…)
La méconnaissance de ces phénomènes liés au Haut Potentiel fait que, le plus souvent, aucun mot n’est mis sur ces difficultés de régulation qui puisse éclairer et reconnaître le vécu de l’enfant HPI. Beaucoup d’enfants à Haut Potentiel souffrent ainsi d’un manque d’estime d‘eux-mêmes et d’une fragilité narcissique, même lorsqu’ils réussissent très bien à l’école, ce qui semble incompréhensible à leur entourage et à leur professeurs.
(…)L’ennui, et plus encore les situations d’apprentissage où l’on exige une introjection passive, sont une souffrance pour l’enfant HPI. C’est un élément encore peu pris en compte dans les milieux scolaires. L’enfant HPI qui s’ennuie pendant un cours ne se «repose» pas, son intelligence «tourne à vide» et très rapidement il souffre, cette souffrance pouvant l’amener à la dépression.
(…)
La construction des processus cognitifs chez l’enfant HPI est encore mal connue. Certains présentent un développement qui ne suit pas les processus habituellement observés chez les enfants: les apprentissages ne se font pas dans le même ordre, ni de la même façon, ce qui conduit les psychologues et les enseignants à diagnostiquer de nombreux troubles (dyslexie, dyspraxie, et autres «dys»). Ces difficultés sont surmontables si on laisse l’enfant se développer librement en s’appuyant sur ses compétences intellectuelles et son appétit à acquérir des connaissances et des compétences.
(…) La méconnaissance des différences de construction du cerveau de la personne HPI amène de nombreux professionnels à pathologiser ce qui n’est ni un handicap, ni un trouble mental. Soutenir le développement de ces enfants constitue un défi pour les éducateurs et enseignants dont les méthodes habituelles sont tenues en échec, et dont la charge de travail rend difficile l’individualisation de l’enseignement. De même, l’hypersensibilité émotionnelle et certains comportements inhabituels peuvent inciter les professionnels du monde «psy» à poser un diagnostic psychopathologique sur ce qui n’est en fait qu’une caractéristique «normale» pour une personne HPI. ..
Par ailleurs, Denoual le Roux dans l’ouvrage Haut potentiel intellectuel (HPI) en décrochage scolaire (2022) aborde toutes ces problématiques et souligne qu’il n’existe pas de tests massifs dans la population générale, ce qui explique, par conséquent, que les HPI ne sont pas toujours repérés.
L’exclusion est également à mettre en rapport avec «la thèse des surdoués» comme "artefac" des classes supérieures pour obtenir davantage d’attention et de moyens pour leurs enfants dans le contexte d’un enseignement massifié qui ferait reculer les privilèges".
L’auteur aborde alors les différentes dyssynchronies (motrices, affectives et sociales) qui peuvent entraîner des difficultés.
Il note par exemple deux facteurs qui, au niveau social, peuvent générer des difficultés chez les élèves HPI : la pression du groupe et le poids du conformisme, majorés par les réseaux sociaux.
D’autres exemples sont mis en avant comme celui du décrochage scolaire avec des «maîtres [qui] projettent sur lui des attentes qui sont les mêmes que celles qu’ils projettent sur ses camarades. Il montre aussi qu’un HPI pointe les erreurs, les oublis et les imprécisions de ses enseignants et peut donc devenir un élève «gênant» …
Ceci étant dit, la situation semble évoluer. La série télévisée HPI, diffusée sur TF1 montre une héroïne dotée d’un quotient intellectuel supérieur à 130.
Dans la revue cerveauetpsycho.fr ( 21 septembre 2021, Cerveau et psycho, n° 136), Jacques Grégoire souligne que l’on « est passé vis à vis des hauts potentiels intellectuels du déni –voire de la réprobation – à une fascination et à l’émergence d’un fait de société (...)
C’est assez propre à la France, vous savez. Les choses ne se passent pas de cette façon dans d’autres pays, en Europe ou aux États-Unis, où l’intérêt et la prise en compte du haut potentiel ont été plus continus, sans rupture franche. Disons qu’en France, la question du haut potentiel a été bannie du débat public dans la foulée de mai1 968. En ce temps, parler de surdoués a été considéré comme une forme d’élitisme, et très mal vu. ..
En outre, dans l’article publié dans Le Monde, cité au préalable, Sophie Caulier montre que
Les entreprises qui recrutent ces profils atypiques s'en félicitent, et pas seulement dans le numérique ou l'ingénierie, où ils excellent. « Ils sont précieux pour beaucoup de métiers où ils peuvent exprimer leurs qualités et leurs talents, surtout dans le domaine des jeux vidéo », reconnaît Pierre Escaich, directeur du développement de Massive, une filiale d'Ubisoft, père de deux garçons diagnostiqués TDAH et HPI, et lui-même TDAH.
Pour compléter ces premières considérations, nous ne pouvons que vous encourager à consulter l’ouvrage suivant, actuellement emprunté mais qui devrait aussi répondre à votre interrogation :
Vivre avec un haut potentiel : comprendre les HPI et leurs difficultés pour mieux les accompagner / coordonné par Daniel Wurmberg, 2022 : "La réalité n'est peut-être pas aussi simple. On estime aujourd'hui qu'un tiers des HPI souffrent de difficultés psychologiques plus ou moins intenses, de difficultés d'intégration, de troubles du comportement, de dépressions et même de conduites à risque... Identifier un haut potentiel intellectuel et apprendre à vivre avec n'est pas aussi évident qu'on pourrait l'imaginer de prime abord. Alors concrètement, quels sont les signes d'appel que nous pouvons identifier ? Comment accompagner un enfant ou un adolescent HPI ? Pour éviter les souffrances (en particulier sociales et scolaires voire professionnelles) qu'un dépistage tardif peut entraîner, il est primordial que les signes du HPI soient repérés le plus tôt possible."
Bien qu’un peu plus anciennes ces deux études devraient aussi vous intéresser :
"Enfants précoces : au-delà des clichés, Le Cercle psy : le journal de toutes les psychologies, n° 31, décembre 2018.
Les surdoués passent-ils le bac ? Enquête sociologique sur l’univers des enfants précoces / Kathleen Tamisier, 2016 : "Fondé sur des témoignages d'enfants surdoués, de parents et d'enseignants, l'ouvrage tend à démontrer la réalité d'un phénomène complexe, la prise en charge souvent insuffisante de ces enfants et les échecs scolaires qui en découlent".
Et vous pourrez, très rapidement parcourir ces deux articles:
- "Les HPI dans le monde du travail entre incompréhension et hypersensisibilité", lesechos.fr.
- "Pourquoi la scolarisation des enfants précoces relève souvent du parcours du combattant ?", francetvinfo.fr
Bonne journée.
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