Les britanniques sont-ils venus prêter main forte lors de l'exposition universelle de Paris ?
Question d'origine :
Bonjour, réalisant une vidéo sur Paris, j'ai entendu et lu un peu partout que beaucoup de Britanniques étais venus à Paris comme main d'œuvre pour aider à l'exposition universelle. Est-ce vrai ou la main d'œuvre était uniquement locale ? Si oui avez vous des sources que je puisse me renseigner ?
Réponse du Guichet
En effet, des ouvriers britanniques se sont bien déplacés lors des expositions universelles parisiennes et ce, pour deux raisons au moins : la construction du pavillon de la nation anglaise et des délégations, pour découvrir l’exposition et les innovations techniques qu'elles présentent.
Lors de l’exposition universelle de 1900, chaque pays participant présente son pavillon national, le long des quais de Seine. Les Britanniques construisirent Kingston House, un manoir représentatif de leur style architectural national.
Vous trouverez des illustrations de ce pavillon et des manoirs anglais qui l’ont inspiré sur le site worldfairs.info, qui est une mine d’information concernant les expositions universelles ! Un forum y est à votre disposition pour poser les questions les plus pointues que vous pourriez avoir. Or, ces pavillons étaient « conçus, financés et construits par les pays invités » comme le confirme également la page Wikipédia dédiée à l’exposition de 1900.
Mais durant les précédentes expositions universelles, il est également attesté que des délégations d’ouvriers se sont déplacées dans les pays organisateurs. Ainsi, en 1862, lors de l’exposition de Londres, «le gouvernement de Napoléon III avait envoyé une délégation de travailleurs français pour se rendre compte des transformations de la vie économique et sociale dans la première puissance industrielle du temps». Et en retour, des travailleurs Britanniques se rendirent à Paris en 1867. « On put envoyer 80 ouvriers anglais à Paris pendant trois semaines. S’y adjoignit une délégation venue de Birmingham dirigée par un “gentleman intéressé au progrès de l’industrie”. Les Chambres de commerce de Bradford et Nottingham soutinrent l’initiative ainsi que les municipalités de Sheffield et Coventry. Au retour, les missionnaires rédigèrent des rapports »; Ce que firent également les ouvriers français au retour de Londres en 1862. Vous trouverez plus de détail de cette visite anglais dans l’article de Christophe Charle: « Des Artisans anglais découvrent Paris en 1867 ».
Les ouvriers britanniques ont également visité l’exposition de 1900, en plus grand nombre (1600 !) comme le relate cette brève du Petit Journal en date du 10 juin.
Dans le cadre de ces visites, les expositions universelles « étaient vues comme des espaces d’éducation des travailleurs » ; ce dont témoigne un rapport anglais après la visite de 1851, cité dans cet article (en anglais) : «The Nineteenth-Century Industrial Worker as Exhibition Visitor: Ways of Engaging with Making»
Ces visites n’eurent pas que des effets sur l’édification des travailleurs puisqu’en effet, les échanges entre Français et Anglais durant l’exposition de 1862 contribuèrent notablement à consolider les liens syndicaux entre les pays, favorisant même la création de l’Internationale des travailleurs
«Le mouvement international qui est, lui, organiquement lié à l’histoire des expositions, c’est le mouvement ouvrier international. On sait que la Première Internationale, l’Association internationale des travailleurs (AIT), est née d’une première rencontre entre ouvriers britanniques et français à Londres dans le cadre de l’Exposition universelle de 1862 et que c’est à Paris, dans le cadre de l’Exposition de 1889, qu’est relancée, après une dizaine d’années de dislocation, la dynamique de l’internationalisme prolétarien, qui donnera la Seconde Internationale». Source: Pascal Ory et Duanmu Mei, « Les expositions universelles : un objet d’histoire « bon à penser », tiré de la revue Relations internationales, 2015/4 (n° 164), p. 105-110.
Enfin – et pour mieux saisir la place des ouvriers dans les expositions universelles - nous vous invitons à lire l’article de l’historienne Madeleine Rébérioux tiré du Livre des expositions universelles - 1851-1989. Elle nous rappelle que « dans sa phase préparatoire, toute exposition universelle est d’abord un vaste chantier où s’affairent les rudes terrassiers, ces manœuvres chassés de la campagne par les crises, au reste souvent étrangers, les maçons dont le labeur est associé à la rigidité de la pierre, les doux charpentiers, ces hommes du bois, les menuisiers aussi dont le travail incarne l’archétype des “arts mécaniques” […]. Ces vastes rassemblements de prolétaires, habitués à l’époque, comme les mineurs, à servir de phare au mouvement ouvrier, ne sont pas une mince affaire »…
Pour aller plus loin sur les expositions universelles :
- Les expositions universelles 1851-1900, de Linda Aimone et Carlo Olmo
- Fêtes géantes : les expositions universelles, pour quoi faire ? De Florence Pinot de Villechenon
- Les expositions universelles en France au XIXe siècle. Techniques Publics Patrimoines, ouvrage collectif paru au CNRS