Comment forcer un avocat à me transmettre une pièce de mon dossier ?
Question d'origine :
Bonjour,
comment forcer un avocat à me transmettre une pièce de mon dossier ( à savoir une lettre ou mes ex-collègues de travail ont menti ) ?
Réponse du Guichet

Au nom du principe de contradiction énoncé au Code de Procédure Civile, "les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions..." et selon l’article 132, "la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance."
Bonjour,
Lors de procédures relevant du Code de Procédure Civile, les parties doivent respecter le principe de contradiction énoncé à la section VI, articles 14 à 17 de ce même code (source : Pourquoi dois-je communiquer mes pièces à l’adversaire ? Le principe du contradictoire, Conseil national des barreaux, maître Nathalie Preguimbeau) :
Article 14
Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
Article 15
Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
Article 16
Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Article 17
Lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief.
Faisant suite à l'article 16, le Code de Procédure Civile indique également dans la partie I. Pièces et conclusions :
A. Comportement des parties
1.Loyauté. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement, et cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influencer sa décision.
Et selon l’article 132 du Code de Procédure Civile :
La partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance.
La communication des pièces doit être spontanée.
Dalloz traite également de ce principe de contradiction dans L’exigence incontournable du principe du contradictoire.
Selon Eurojuris qui revient également sur cette obligation de respecter le principe de contradiction, "le Juge possède la faculté d’enjoindre une communication de pièce" :
Le Juge possède la faculté d’enjoindre une communication de pièce (article 133 du Code de Procédure Civile devant toutes les juridictions).
La demande de communication peut être faite sans forme au Juge de la mise en état ou en le saisissant de conclusions à cet effet.
Le Juge fixe, au besoin à peine d’astreinte, le délai pour communiquer et les modalités de communication (article 134).
Le Juge de la mise en état a un pourvoi particulier.
Dans toute procédure, aux termes de l’article 446-2, alinéa 3, à défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées par lui, le Juge peut rappeler l’affaire à une audience en vue de la juger ou de la radier, ce qui est en creux une injonction à l’envers et se rapprocherait plus du pouvoir d’écarter que l’on verra ci-après.
Le Juge du fond a toujours le pouvoir d’ordonner la production d’une pièce, si celle-ci n’est pas communiquée et invoquée ou même si elle n’est pas invoquée, et qu’elle est nécessaire à la solution du litige.
La Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, le 14 novembre 2006 (pourvoi 05-12.102) impose l’exigence de contrôle par le Juge de vérification que l’ensemble des pièces visées au bordereau donnent lieu à communication.
Cette jurisprudence a été reprise par la 3ème Chambre Civile le 16 mars 2011 (pourvoi 09-69.544).
C’est le sens de l’arrêt rendu le 6 mars 2013 par la même 1ère Chambre dans un arrêt publié au Bulletin.
Une partie demande la réouverture des débats afin que soit ordonné sous astreinte à ses adversaires de lui communiquer certaines pièces, visées au bordereau récapitulatif des pièces communiquées, mais dont elle prétendait ne lui avoir jamais été communiquées.
La Cour de Cassation reproche à la Cour d’Appel d’avoir rejeté cette demande, alors qu’il lui incombait d’ordonner cette communication.
L’arrêt de la Cour de Montpellier du 20 octobre 2011 est donc cassé, assez sévèrement.
Le Juge doit même aller plus loin et inviter les parties à s’expliquer sur l’absence au dossier de pièces qui figureraient sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions et dont la communication n’a pas été contestée, ce qui a été jugé par la 2ème Chambre Civile le 11 janvier 2006, Bulletin Civil II, n ° 10, n° 12 et n° 13, par trois arrêts du même jour.
Mais attention, "l’article 135 du Code de Procédure Civile édicte que le Juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile" (Eurojuris):
Cela résume le pouvoir du Juge en dehors d’injonction d’écarter des débats toute pièce non communiquée en temps utile.
C’est la sanction que la Cour de Cassation dans son avis du 25 juin 2012, n° 1200005, instituant par là une sanction non prévue par la loi à toute infraction à l’article 906 du Code de Procédure Civile, prévoyant la communication simultanée devant la Cour de toutes ces pièces, même de première instance (voir ci-dessus).
Ce principe a été appliqué par la 2ème Chambre Civile le 11 janvier 2006 dans un pourvoi 02-19.089.
Les juridictions pourraient se contenter d’écarter les pièces, mais un arrêt a prévu une intervention positive du Juge qui doit inviter les parties à s’expliquer sur les pièces non produites, bien que figurant sur les bordereaux (2ème Chambre Civile, 11 janvier 2006, pourvoi 02-19.089).
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