Question d'origine :
Quelle était la pensée et l'œuvre de Jeanne Halbwachs ?
Peut-on trouver des textes en lignes ?
Réponse du Guichet

Jeanne Halbwachs était socialiste, féministe, pacifiste radicale. Ancienne élève du philosophe Alain, agrégée de lettres et professeur de philosophie, elle "participa activement avec son mari, le philosophe Michel Alexandre, à la publication des "Libres propos", revue associant la pensée d'Alain à celle de ses disciples et consacrée, en grande partie, à l'expression de leur pacifisme" (source : résumé notice BML). Ses écrits sont conservés dans différentes bibliothèques et seul un avant-propos dont elle est l'autrice semble être en ligne.
Bonjour,
Jeanne Halbwachs était la sœur du sociologue Maurice Halbwachs, mariée au philosophe Michel Alexandre nous dit le résumé de l'ouvrage de Cédric Weis, Jeanne Alexandre : une pacifiste intégrale, publié en 2005. L'auteur "choisi d'étudier en priorité les années 1914-1939, qui présentent l'avantage d'encadrer l'essentiel de son engagement militant." Il décrit Jeanne Alexandre ainsi :
Intellectuelle au milieu d'intellectuels, philosophe éprise de justice et de liberté, pacifiste radicale et humaniste en temps de guerre, Jeanne Alexandre justifierait sans doute une biographie plus complète...
Figure attachante et originale de l'histoire des femmes, cette fidèle alinienne parmi les fidèles, épouse du plus inconditionnel des disciples d'Alain, se distingue par la vigueur de ses écrits, habillés souvent d'ironie subtile, par un souci constant de justice et de vérité, et par l'affirmation d'un pacifisme qui tiendrait autant de la morale universelle que d'un humanisme constitutif. Le féminisme de Jeanne Alexandre semble moins important que son jugement "citoyen", quel que soit le retard que la France ait pu prendre dans le partage des responsabilités politiques. Et même si son premier article au Populaire du Centre annonce le contraire en préambule, le 9 janvier 1916, Jeanne Alexandre n'écrit pas exclusivement pour les femmes. Comme féministe, elle n'est pas une militante très représentative ; elle serait plutôt atypique. Non qu'elle ne joue aucun rôle ; nous verrons qu'elle sait être audacieuse et entreprenante ; toutefois, cela ne concerne qu'une étape de sa vie, qui plus est, entièrement dévolue au pacifisme. Passé la Grande Guerre, et bien que le droit de vote des femmes ne soit toujours pas acquis, sa discrétion parmi les militantes et son éloignement de la SFIO s'inscrivent pleinement dans l'histoire du féminisme français, marqué par le recul relatif du suffragisme au profit d'un pacifisme féminin et le départ, à la suite du Congrès socialiste de Tours (1920), des féministes membres de la SFIO vers la Parti communiste. Entre contrainte de temps et choix délibéré, Jeanne Alexandre donnera la priorité à sa véritable famille de pensée, et son engagement sera celui des aliniens.
[...]
La justice et l'humanité sont les maîtres mots autour desquels gravite la pensée de Jeanne Alexandre. Pas un article qui ne les évoque, pas une idée qui ne veuille les défendre, les reconnaître, les encourager.
On y apprend qu'elle fut, avec Gabrielle Duchêne, l'une des initiatrices du mouvement pacifiste féminin de 1915.
En 1921, elle et son mari créent la revue Libre-propos qui perdurera jusqu'en 1936. Celle-ci relaie la pensée d'Alain en première partie. En deuxième partie elle "développe et analyse les événements politiques majeurs et leurs répercussions" et la troisième est consacrée aux livres :
Les critiques des Libres propos illustrent le renouveau littéraire de l'entre-deux-guerres, marqué, entre autres, par la "priorité donnée à l'exploration de l'âme humaine, de ses problèmes et de ses déviations, du fonctionnement psychologique de l'homme". Ainsi Jeanne Alexandre se réjouit-elle lorsqu'elle découvre des œuvres délivrées du superflu, généreuses et vivantes, proche des vraies valeurs de l'humanité. Cette sensibilité aux perceptions de l'âme humaine est une nécessité qui fonde ses exigences littéraires et s'apparente pleinement à son socialisme. Il est, du reste, assez significatif que le mot "humanité" apparaisse dans tous ses articles.
L'article de Fabrice Bouthillon, « Un intellectuel entre-deux-guerres », Commentaire, vol. 105, no. 1, 2004, pp. 288-290, souligne ses liens avec son frère, Romain Rolland et Alain ainsi que son engagement pacifique très fort :
Halbwachs avait également noué un rapport cardinal avec sa jeune sœur, Jeanne, sur l’orientation des études philosophiques de laquelle il avait beaucoup influé, et à laquelle il revint de mettre en forme, après la mort de son frère, le livre posthume qui parut sous le titre de La Mémoire collective. [...] dès que la guerre commence, Jeanne Halbwachs, socialiste et féministe, se range dans le camp ultra-minoritaire du pacifisme militant. Tout au long du carnage, elle est en lien avec Romain Rolland et avec Alain, qui fut d’ailleurs aux origines de sa rencontre avec Michel Alexandre, autre professeur de philosophie pacifiste, qu’elle finit par épouser.
Dans son livre, Cédric Weis cite les articles de presse dont elle est l'autrice, publiés dans Le Populaire du centre. Il indique également que c'est à la bibliothèque municipale de Nîmes que sont conservés une riche correspondance et sept classeurs regroupant :
l'intégralité des articles de Jeanne Alexandre publiés dans le Journal d'Alain ; s'y trouvent également son Esquisse de l'histoire des Libres-propos écrite en 1967, ainsi qu'une biographie inachevée, complétée par Marie-Jeanne Flamand en 1981, intitulée En souvenir de Michel Alexandre. La bibliothèque possède, entre autres, la correspondance de leur rencontre, entre septembre 1915 et août 1916, période qui précède leur mariage.
La Bibliothèque de documentation internationale contemporaine possède elle aussi des documents :
Le fonds Alexandre de la BDIC est plus fourni. En dehors de la copie d'un certain nombre de documents disponibles à Nîmes, il est le seul à réunir les articles écrits par Jeanne Alexandre au Populaire du centre entre 1916 et 1917.[...] La bibliothèque possède également une collection incomplète des Libres propos...
En ligne nous n'avons trouvé que cet avant-propos à L'émancipation / Charles Gide par Jeanne Halbwachs-Alexandre, numérisé par Google livre et donc consultable partiellement sur le web.
Pour aller plus loin, vous pourriez également lire :
Jeanne Halbwachs-Alexandre : une alinienne dans la mêlée / Cédric Weis ; sous la direction de Pascal Ory et Michel Dreyfus, [s.d.]
Becker Annette. L'exil intérieur des pacifistes intégraux, 1914-1918. In: Matériaux pour l'histoire de notre temps, n°67, 2002. Pour une histoire de l'Exil français et belge, sous la direction de Robert Frank. pp. 28-35.
Jeanne Halbwachs, International Feminist Pacifism, and France's - Société d’Études Documentaires et Critiques sur la Guerre / Andrew M. Johnston, 22 January 2016, Peace & Change
Weis (c.), Jeanne Halbwachs Alexandre, une alinienne dans la mêlée, Archives du féminisme
HALBWACHS Jeanne, épouse ALEXANDRE, Le Maitron
Bonne journée.