Question d'origine :
What are Magic Mushrooms?
Réponse du Guichet
Le Guichet du Savoir n'étant pas le "lieu" pour promouvoir des substances illicites, nous nous limiterons à vous présenter les débats actuels sur les champignons magiques et à vous rappeller que la consommation des champignons, en dehors d'un usage médical contrôlé, s'avère dangereuse.
Cher.e internaute,
Si vous pensiez faire de la publicité pour des substances illicites, c’est raté .. en tant que service public, il est bien évidemment impensable de promouvoir un site commercial quelconque et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de la vente de produits non autorisée en France.
Ceci étant dit, il nous semblait intéressant de revenir sur ce que sont les champignons magiques et de présenter les débats actuels autour de leur usage sans pour autant en faire l’apologie. Longtemps décrié, le champignon hallucinogène fait désormais l’objet d’études qui montreraient un intérêt dans le domaine médical mais les conclusions divisent fortement les scientifiques notamment en France. En effet, les chercheurs américains semblent plus prompts à expérimenter les psychotropes dans une démarche scientifique, encadrée.
Ainsi, l’article «La France et le spectre du champignon maléfique» d’Aureliano Tonet, publié dans Le Monde en date du 8 août 2022 présente un bref historique de cette substance hallucinogène :
Octobre 1966 : une spectaculaire descente de police perturbe le Salon du champignon, qui se tient, comme chaque automne, au Muséum d’histoire naturelle.Directeur de l’établissement entre 1951 et 1965, et désormais à la tête du laboratoire de cryptogamie, le mycologue Roger Heimen a fait un rendez-vous prisé des Parisiens. Les forces de l’ordre le somment de retirer la vitrine sur les psilocybes, dont la plupart des espèces sont hallucinogènes. En France, depuis le 1erjuin1966, la psilocybine, une molécule extraite de ces champignons, a rejoint la liste des stupéfiants, au côté d’autres substances dites «psychédéliques», comme le LSD (diéthyllysergamide).
Le directeur du Muséum se plie à contrecœur à la requête des autorités. Dans ses laboratoires qui jouxtent le Jardin des plantes, il a identifié, en1957, une espèce alors inconnue, le Psilocybe mexicana , permettant au chimiste suisse Albert Hofmann d’en isoler le principe actif l’année suivante – la psilocybine, donc. Roger Heim a découvert ce champignon au Mexique,à l’été 1956, au côté de son ami le plus cher, le banquier new-yorkais Robert Gordon Wasson. « Je n’ai certainement pas besoin d’insister sur le fait que la presse publie chaque jour des informations absolument fausses en ce qui concerne les drogues naturelles, écrit le mycologue au commissaire Jacques Arnal. Les champignons hallucinogènes du Mexique, utilisés pendant des siècles par les Indiens, n’ont occasionné aucun trouble sérieux. Ils sont certainement moins délétères que l’alcool de tequila extrait de l’agave qui les a remplacés . » Dans cet échange tient tout le paradoxe français : bien qu’aux avant-postes de la recherche sur la psilocybine, une molécule qui nourrit aujourd’hui les espoirs de la communauté scientifique, l’Hexagone s’est très tôt focalisé sur ses dangers, réels ou fantasmés.
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En 1957, après qu’il est parvenu à identifier le Psilocybe mexicana , au Muséum, ses équipes étaient sur le point d’en isoler le principe actif, avant d’y renoncer à la suite d’un incident de fiole. Des spécimens sont alors envoyés en Suisse, aux laboratoires Sandoz, où le chimiste Albert Hofmann synthétise la psilocybine en 1958.
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Vincent Verroust revient sur un autre legs du mycologue : « C’est par son entremise que la première étude clinique au monde sur les effets de la psilocybine a été menée, dès 1958, à l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne, à Paris. Heim s’est rapproché de Jean Delay, qui dirigeait alors l’établissement, et s’est arrangé pour lui fournir la substance. » L’expérience porte sur 72malades mentaux et 29sujets sains. La journaliste scientifique Erica Rex a pu comparer cette étude avec celles menées à Sainte-Anne, autour du LSD, quelques années auparavant. « Les essais sur le LSD s’apparentaient à de la torture : les sujets étaient traités comme des rats de laboratoire, sans souvent savoir ce qu’on leur administrait, retrace l’Américaine. C’est un peu moins vrai pour l’étude sur la psilocybine. Les médecins prenaient davantage soin des patients, du moins durant leur séjour à l’hôpital. »
(…)
En 1963, la France abandonne la recherche sur les psychédéliques, trois ans avant leur interdiction. Elle reprend timidement, aujourd’hui, plus de quinze ans après les premières études qui ont ravivé outre-Atlantique l’intérêt des scientifiques, en particulier pour la psilocybine. « Cet écart s’explique en partie par l’habitude qu’on a prise, pour soigner les maladies mentales, de recourir à une fierté française : les neuroleptiques, portés par les découvertes d’Henri Laborit et du laboratoire Rhône-Poulenc dans les années 1950 », estime Vincent Verroust.
Raphaël Gaillard, qui dirige le pôle de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Anne, réfute cette hypothèse. « La France souffre d’abord d’une inertie spectaculaire face à l’innovation , avance le psychiatre, normalien et expert judiciaire. Aux Etats-Unis, l’initiative est individuelle et pragmatique : si ça marche, on teste. Chez nous, le poids de la responsabilité collective et réglementaire est autrement plus lourd. » Cinquante-cinq ans après « sa » première mondiale, Sainte-Anne testera bientôt la psilocybine pour lutter contre la dépression. L’étude, prévue pour 2023, portera sur 80 sujets, avec l’étroite collaboration du laboratoire anglo-saxon Compass Pathways, le plus actif mais aussi le plus décrié sur ce composé. « Sans le soutien d’industriels, aucune recherche ambitieuse ne peut se faire » , assume Raphaël Gaillard, sous le regard songeur d’une figurine de Maître Yoda qui surplombe son bureau. Et de tempérer : « Le cimetière des molécules est rempli de substances qui n’ont pas tenu leurs promesses… Je n’ai jamais cru à la panacée. »
Dépénalisations aux États-Unis
Le psychiatre met en garde contre la tentation de dépénaliser la psilocybine, comme s’y emploient déjà certaines villes américaines : « Sans supervision médicale, il y aura fatalement des accidents – or aujourd’hui la tolérance à l’accident est nulle » , insiste-t-il, en citant la possibilité, infime mais réelle, de développer des troubles cardiaques ou schizophréniques. En2018, un Lyonnais de 18ans est mort en se jetant par la fenêtre, après avoir pris des psilocybes avec des amis. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) estime que 5,3% des adultes ont consommé un champignon hallucinogène au moins une fois dans leur vie. « L’augmentation de soi, ça ne me concerne pas ; soigner des souffrances épouvantables, si, poursuit Raphaël Gaillard . En légalisant ces substances, on risquerait de priver de leurs bienfaits ceux qui en ont le plus besoin : les malades… D’autant que ces traitements ont l’avantage de tordre le cou à l’opposition historique entre la pharmacopée et la thérapie, les médocs et le divan. »
Son collègue Fabrice Jollant, professeur de psychiatrie à l’Université de Paris, s’apprête à étudier l’impact de la psilocybine sur la réduction des conduites suicidaires, sa spécialité. «?Le suicide est lié à un déficit de sérotonine, mais aussi à l’impression qu’on est seul au monde. La psilocybine peut corriger ces deux facteurs?: elle agit sur les récepteurs de sérotonine et, si elle est accompagnée d’un protocole adéquat, peut accroître le sentiment de connexion au monde.?» L’étude sera menée à Iéna, en Allemagne, même si Fabrice Jollant ne désespère pas d’en réaliser une bientôt dans en France. « Un fabricant américain de psilocybine projette de s’installer près d’Aurillac, croit-il savoir. Encore faut-il vaincre l’idéologie, très implantée en France, qui tend à disqualifier tout ce qui ressemble à des drogues, au mépris des données scientifiques. »
Luc Mallet est psychiatre et chercheur en neurosciences à l’Institut du cerveau à la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Il vient d’ouvrir une section « psychédélique » au sein de l’Association française de psychiatrie biologique et de neuropsychopharmacologie où il espère rassembler une cinquantaine de confrères. Il compte leur partager ses réussites récentes : en coopération notamment avec huit services d’addictologie d’Ile-de-France, il a levé 1,2million d’euros pour mesurer, entre autres, les effets du LSD sur la dépendance à l’alcool. L’étude, ambitieuse, devrait compter 210 patients. Le protocole sera bien plus « froid » qu’aux Etats-Unis : « Les thérapeutes ne pourront pas donner la main aux patients, comme ils le font aux Etats-Unis, sinon les flics débarqueraient aussitôt ! , module Luc Mallet. En France, il y a une méfiance diffuse pour ce qui touche au spirituel : une étude sur les traits dominants de personnalité a montré que le rapport à Dieu est la principale différence entre les Américains et les Français. Descartes, puis Freud et Lacan sont passés par là. »
Une « diabolisation » française
Mais la France est aussi le pays de Claude Lévi-Strauss, l’ami de Robert Gordon Wasson. En1970, au détour de sa critique d’un ouvrage du banquier new-yorkais, l’anthropologue arguait que les hallucinogènes sont des déclencheurs et des amplificateurs d’un discours latent que chaque culture tient en réserve et dont les drogues permettent ou facilitent ...
Plus récemment, divers articles ont été publiés à ce sujet dont celui de Bénédicte Salthun-Lassalle, « Bientôt un nouvel antidépresseur ? » (Cerveau & Psycho 2022/4 (N°142), page 7) qui explique :
Une partie des antidépresseurs utilisés en psychiatrie produisent leur effet en interagissant avec une molécule du cerveau appelée «récepteur cérébral 5-HT2AR». Ce dernier est un maillon essentiel par lequel la sérotonine, principale molécule de l’humeur, produit son effet sur notre psychisme. Actuellement, la recherche sur les traitements de la dépression se heurte au fait que beaucoup de patients «résistent» aux antidépresseurs et ne sont que peu ou pas soulagés. C’est pourquoi les scientifiques ont commencé à s’intéresser à une autre classe de molécules, les substances psychédéliques, comme la psilocine des champignons magiques et le LSD, qui sont très efficaces contre la dépression. Leur seul désavantage est leur pouvoir hallucinogène, qui peut se révéler déstabilisant
Pour pallier cet inconvénient, des chercheurs de Shanghai ont analysé et visualisé les structures moléculaires fines des récepteurs 5-HT2AR liés à différentes molécules capables de moduler leur fonctionnement: les antidépresseurs, certes, mais également la sérotonine, la psilocine et le LSD. Ils ont alors découvert que la sérotonine et les hallucinogènes peuvent se fixer aux récepteurs selon des configurations tridimensionnelles jusqu’alors inconnues, et ont mis au point un nouveau composé psychédélique qui privilégie ce type de fixation. Le nouveau psychotrope a un effet antidépresseur sur les souris, et semble ne pas engendrer d’hallucinations. Comment le sait-on? Parce que tous les composés qui suscitent des hallucinations chez l’homme provoquent un petit mouvement caractéristique de la tête chez les souris. Or cette nouvelle molécule ne produit pas cet effet, ce qui suggère fortement qu’elle n’est pas hallucinogène.
Dans cette perspective, Michaela Maya-Mrschtik rédige elle aussi un article, «Dépression: le pouvoir des champignons hallucinogènes», Cerveau & Psycho, 2022/1 (N° 139), p. 24-31.
Bien que plus ancien, l’article de Christian Sueur fait un , « État des lieux de la recherche sur les capacités thérapeutiques des «substances hallucinogènes» au 21esiècle », (Psychotropes, 2017/3-4,Vol. 23), p. 125-163) intéressant et dont voici de brefs extraits :
Selon le dosage, les circonstances de la consommation, la structure de la personnalité et la «disposition psychique» du moment (ce qu’on appelle le «set and setting»), les substances psychédéliques peuvent causer des modifications profondes de la conscience et de la perception de l’espace et du temps. Ils peuvent également provoquer un «dérèglement positif du moi» (expériences mystiques): loquacité accrue, franchise; expérience de transe et expérience religieuse/mystique, expérience de l’extase; concentration méditative.
Les psychédéliques ont la capacité de dissocier l’ego de la personnalité, ainsi que de stimuler les perceptions. Comme notre cerveau se modifie en fonction des expériences émotionnelles et cognitives que nous vivons, une expérience psychédélique dans un cadre optimal permet une transformation intérieure positive. Ce sont des substances qui permettent un élargissement et un approfondissement de la conscience humaine. Ils agissent en favorisant le fonctionnement de certains circuits cérébraux, qui normalement sont inhibés.
En dépit des différences théoriques et pratiques que l’on peut repérer en fonction des auteurs, concernant les approches thérapeutiques psychédéliques, il existe un certain nombre de conclusions communes. Elles constituent les paramètres fondamentaux des «psychothérapies assistées par les psychédéliques» et différencient nettement l’usage de ces substances des celles des autres drogues psychotropes, comme les antidépresseurs, les psychostimulants, les anesthésiques, les narcotiques et les tranquillisants…;»
RTL interroge Stéphanie Chayet qui s'est intéressée à la question :
Vous trouverez sur Radio France, différentes émissions consacrées aux champignons hallucinogènes dont Une molécule contenue dans les champignons hallucinogènes pour soigner la dépression.
Néanmoins, comme le soulignent ces différentes émissions, la consommation de champignons "magiques" doit être encadrée par des équipes médicales car les effets secondaires sont nombreux et peuvent être dangereux.
Pour approfondir la question, vous pourriez consulter les ouvrages suivants :
Phantastica : ces substances interdites qui guérissent / Stéphanie Chayet, 2020 : "Phénomène de mode dans les années 1960 et aujourd'hui en pleine renaissance aux Etats-Unis, l'utilisation des drogues à visée thérapeutique est une pratique que la France tente encore d'ignorer. Fondée sur l'expérience de l'auteure, cette enquête questionne la distinction entre drogues et médicaments et montre les effets sur le cerveau d'un recours persistant aux psychédéliques".
Antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères... : vérités et contre-vérités sur les psychotropes / Dr Eric Charles ; préface de Michel Laforcade, 2019 : "Une meilleure connaissance des traitements permet d'améliorer l'adhésion du patient aux soins et d'aider le prescripteur à faire le bon choix." Faites-vous partie des millions de Français qui prennent des médicaments pour améliorer ou réguler leur humeur, être moins anxieux, mieux dormir, modifier un comportement nocif ou dangereux, ne plus avoir d'hallucinations ? Les psychotropes sont nombreux, avec des indications et des actions très différentes. Destigmatiser leur utilisation, c'est aussi déstigmatiser la maladie mentale. Comprendre pourquoi et comment ces médicaments sont autant prescrits dans le monde est le premier pas pour lever la peur de l'inconnu. Toute personne présentant une souffrance psychique doit devenir le premier expert de sa maladie pour un vrai partenariat médecin-patient. Et prescrire un psychotrope ne doit en aucun cas exclure un accompagnement psychothérapique et un soutien psychologique !"
Histoires et usages des plantes psychotropes / sous la direction de Sébastien Baud, 2018 : "Des anthropologues, des ethnologues et des psychologues analysent les motivations et les circonstances de la consommation de plantes psychotropes dans différents endroits du monde ainsi que les effets de la prise de drogues naturelles".
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