Question d'origine :
bonjour, comment ecris t-on une histoire d'horreur ?
Réponse du Guichet
"La bonne histoire d'horreur, c'est celle qui fonctionne au niveau symbolique, qui unifie des événements fictifs (et parfois surnaturels) pour nous aider à comprendre nos peurs les plus profondes." Stephen King
«Comment écrit-on une histoire d’horreur ?» nous demandez-vous. Vaste question que celle-ci, car si le genre du récit horrifique est certes très codifié, la notion d’horreur elle-même est éminemment personnelle.
Peur, mais de quoi ?
Non seulement nous n’avons pas tous les mêmes peurs, mais il faut également savoir doser l’élément par lequel on cherche à faire surgir cette émotion. Alors que certains sont terrifiés par les araignées et que lire la saga écrite par Ezekiel Boone sera tout simplement au-delà de leurs forces, cela procurera chez d’autres un frisson d’horreur et une curiosité qui les empêchera tout simplement d’arrêter leur lecture avant la fin.
S’il existe des archétypes bien connus en matière d’éléments horrifiques (zombies, vampires, fantômes, sorcières, vaudou, poupées maudites, possessions démoniaques, etc) auxquels les écrivains ont souvent recours pour faire naître l'effroi dans les esprits de leurs lecteurs, le paranormal n'est cependant pas la seule source dans laquelle vous pouvez puiser. Certains romans d’épouvante particulièrement réussis se sont ainsi affranchis de ce trope comme Les oiseaux de Daphnée du Maurier (qu’Alfred Hitchcock adaptera au cinéma), Misery de Stephen King, Cujo du même auteur.
Pourquoi ? Parce qu'en optant pour un élément du quotidien comme source d'horreur, vous allez ajouter à celle-ci une dose de réel. Et c'est peut-être là que la peur gagne en puissance : quand, dans un coin de la tête du lecteur, le signal d'alarme s'active et qu'il se dit que ce qu'il lit pourrait bien arriver. Certains auteurs sont passés maîtres en la matière : Thomas Harris, Maxime Chattam, Patrick Senécal ou Franck Thilliez dont les textes tout autant des romans d’horreur que des romans policiers. Chez eux, l’élément horrifique c’est la violence retorse dont les hommes font preuve. Au programme, tueurs sadiques, scènes de torture ou serial killers. Chez eux, la violence est souvent montrée de manière assez crue afin de créer un mouvement de répulsion chez le lecteur, et de donner corps (si j'ose dire...) à la peur, à la différence d'un Stephen King qui ne tombe presque jamais dans le trash, laissant l'imagination de son lecteur s'emballer après avoir fait surgir une vague sensation d'angoisse, par toutes petites touches.
Quelques conseils
Pour tout amateur du genre, il est évident que certains éléments agissent comme de véritables clés de voûte en matière de construction du récit :
- Bien planter son décor. Qu’il s’agisse de dépeindre une maison dans laquelle des phénomènes étranges se manifestent, ou un petit village sur la côte qu’une épidémie va dévaster, le décor est capital car il intervient comme le maître étalon, une normalité qui va, au fil des pages disparaître.
- Caractériser ses personnages. Que ce soit le méchant de l’histoire, le héros ou les victimes, si on ne ressent rien pour eux, alors, le récit ne prendra pas. Il faut craindre pour la vie des personnages et pour cela, il faut les rendre attachants. De la même façon, il faut que l’ennemi soit particulièrement bien décrit pour que l’on sente le danger qu’il représente. Qu’il s’agisse d’un alien aux dents acérées et au sang fait d’acide, ou d’une brume épaisse qui ronge tout ce qu’elle touche, ne jamais oublier que la première caractéristique d’un bon méchant dans un récit horrifique c’est avant tout de donner l’impression d’être implacable, inarrêtable. Dans les films d’horreur, cela est très bien mis en scène avec ces antagonistes qui, même s’ils marchent d’un pas lourd et régulier, sans jamais courir, parviennent toujours à vous rattraper.
- Prendre son temps. Il faut instiller une tension, faire monter le suspense en disséminant les éléments horrifiques petit à petit au fil des pages, et toujours faire douter son narrateur de sa santé mentale.
Mais le meilleur conseil d’écriture que nous saurions vous donner c’est évidemment de lire. Lire les maîtres du genre et leurs conseils d’écriture, les textes passés à la postérité par leur approche novatrice ainsi que les nombreuses analyses consacrées à ce genre littéraire particulier.
Auteurs incontournables:
- Clive Barker
- Stephen King
- John Ajvide Lindqvist
- Howard Philip Lovecraft
- Graham Masterton
- Richard Matheson
- Silvia Moreno-Garcia
- Edgar Allan Poe
- Anne Rice
- Mary Shelley
- Kōji Suzuki
- Tade Thompson
Essais sur l'horreur en littérature et conseils d’écriture :
- Territoires des fantastiques : des romans gothiques aux récits d'horreur moderne par Roger Bozzetto
- Le surnaturel: poétique et écriture par Christian Chelebourg
- La littérature frénétique par Anthony Glinoer
- Anatomie de l'horreur par Stephen King
- Pages noires par Stephen King
- Comment écrire de la fiction ? Devenir artisan de ses histoires par Damon Knight
- Conduire sa barque : l'écriture, ses écueils, ses hauts-fonds, un guide de navigation littéraire à l'usage des auteurs du XXIe siècle par Ursula K. Le Guin
- Le plaisir de la peur par Franck Thilliez
- Autour de Stephen King : l'horreur contemporaine - colloque de Cerisy 2007