Je recherche des informations sur la Rome Antique et les gladiateurs.
Question d'origine :
Madame, Monsieur,
Je suis à la recherche d'informations spécifiques concernant la Rome Antique et les gladiateurs du début de notre ère (entre -15 av. J.C. et 20 ap. J.C).
Quels étaient les noms et la localisation dans Rome des ludi (ludus : école d'entraînement pour gladiateurs) de cette époque ?
Existaient-ils des jardins publics où tout le monde pouvait y accéder et se balader ? De même pour les bibliothèques.
Enfin, est-ce que les duels de gladiateurs étaient formés obligatoirement par deux personnes du même ludus ou bien ils pouvaient provenir de deux ludi différents ?
Malgré mes nombreuses recherches, je ne suis pas parvenue à trouver de réponses à ces questions, d'où ma démarche.
En vous remerciant d'avance pour votre aide,
Camille D
Réponse du Guichet
Rome n’a eu des ludi qu’à la fin du 1er siècle avec la construction du Colisée. On peut ainsi citer le ludus magnus, le ludus Gallicus, le lucus Dacicus pour n'en mentionnner que certains.
Bonjour,
Les écoles de gladiateurs ont fait l’objet de diverses études et certaines ont pu être localisées.
Il est ainsi spécifié dans Gladiateurs. Des sources à l’expérimentation :
A la fin du IIe siècle, les pièces littéraires commencent à faire état des écoles de gladiateurs, les ludi et de leurs entraîneurs, les doctores.
p. 103
Attestées dès l’époque républicaine, les écoles de gladiateurs ne cessent de se développer durant l’empire
p. 106 :
Paradoxalement, Rome semble n’avoir eu ses ludi qu’à la fin du 1er siècle avec la construction du Colisée. Les Romains ont, en effet, dû attendre le règne de Titus et l’année 80 de notre ère pour bénéficier, avec le Colisée, d’un amphithéâtre digne de leur ville, soit un siècle et demi après les premiers édifices campaniens. A cette époque, quatre centres d’entraînement monumentaux sont édifiés autour de l’amphithéâtre flavien. Le plus important, le ludus magnus, possède son propre amphithéâtre miniature (…) En plus du ludus magnus encore visible aujourd’hui, le ludus Gallicus et le lucus Dacicus sont également attestés. Les noms de ces ludi font sans doute référence à l’origine géographique d’une partie de leurs pensionaires. Le ludus Gallicus témoigne bien de l’importance de la gladiature dans cette région de l’Empire (…) Le ludusdacicus témoigne sans doute d’une autre source de recrutement, celle des prisonniers de guerre(…)
Par ailleurs, le site the-colosseum.net apporte de très nombreuses informations :
A Rome, il y avait des grandes écoles : la première était le Ludus Aemilius, qui prenait son nom des propriétaires, la Gens Aemilia. Construite par le triumvir Lépide, elle est mentionné par Horace dans l’Ars Poetica. On ne connaît pas exactement le lieu où elle se trouvait, on sait seulement qu’elle jouxtait d’un côté une fonderie de bronze.Au quatrième siècle le Ludus Aemilius a été transformé en bains municipaux et rebaptisé Balneum Polycleti. On sait qu’il y avait aussi d'une autre école située à proximité du Théâtre de Pompée.
A l'époque de l'empereur Claude, il semble que le Ludus Matutinus était déjà active; il était situé près du Colisée, à côté des trois autres ludi construits sous Domitien: Magnus, Gallicus et Dacicus.Le Ludus Matutinus était l'école de combat pour l’entrainement des bestiaires et des animaux pour les venationes. Les spectacles de chasse avaient lieu traditionnellement le matin (d'où le nom, même si quelqu'un soutient que le nom dérive de la déesse Mater Matuta).
Le Ludus Matutinus se trouvait peut-être entre le temple du Divus Claudius sur le Caelius et l'ancienne vicus Capitis Africae, où les fondations elliptiques de la cavea ont été découvertes lors des fouilles effectuées en 1938. Il semble qu’il a été bâti au-dessus d’un bâtiment plus ancien, peut-être le Ludus Bestiarius cité par Sénèque.
Les vestiges du Ludus Magnus, avec une partie de l'arène et les logements, sont visibles dans la photo à droite, prise par le satellite. Le Ludus Magnus a été découvert seulement en 1937 sous Via di San Giovanni in Laterano. Une partie du Ludus a été découverte et est parfaitement visible, avec les locaux pour les services et les logements des gladiateurs (des véritables cellules).
Le Ludus Magnus, comme son nom l'indique, était le plus grand et le plus important, puisque il était la principale école de gladiateurs. Il était l'un des quatre Ludi construits durant le royaume de Domitien, et apparaît sur un fragment de la Forma Urbis.
Dans le Ludus logeait et s'entraînait la plupart des gladiateurs de Rome qui provenaient de toutes les autres provinces de l'empire. Le Ludus Magnus incluait, outre les logements, une petite arène (dont le grand axe fait 62 mètres de long et le petit 45) de forme elliptique tout comme le Colisée qui pouvait accueillir jusqu'à 3000 spectateurs.
Il était connecté au Colisée par un passage souterrain dont une partie a été détruite à la fin du XIXème siècle pour l'excavation d'un égout (le soi-disant chiavicone ou fognone).
Le Ludus Gallicus, placé probablement à côté du Matutinus, et le Ludus Dacicus indiquaient, peut-être, par leur nom, l'origine des gladiateurs, mais ce n'est pas certain, car ces noms étaient également utilisés pour certains types de combattants.
Sur le ludus magnus voir aussi la maquette créée par l'Université de Caen et le site rome1.com.
Nous vous laissons aussi parcourir le chapitre Redécouvrir le ludus meridianus grâce à l’iconographie publié dans l'ouvrage Gladiateurs et chasseurs en Gaule.
Pour répondre à votre question sur le combat des gladiateurs, nous supposons que ceux-ci ne combattaient pas lorsque venant de la même école. En effet, l'ouvrage mentionné auparavant, Gladiateurs. Des sources à l’expérimentation, témoigne de la cherté d'un gladiateur (p. 101-102) :
une fois devenu gladiateur, le combattant intègre une familia gladiatorum qui constitue une sorte de petite société marginale (.. ) Rome et les grandes cités de l’Empire possèdent es écoles réputées.
(…) En dehors des liens conjugaux, ces écoles de gladiateurs semblent souvent propices à de solides amitiés. Là encore, les épitaphes sont précises et nous montrent souvent des camarades de gladiature élevant, parfois avec la compagne, un monument à un ami mort au combat (...) de même, les gladiateurs nouent parfois des liens d’amitié avec leurs entraineurs. Ces derniers élèvent parfois la tombe de certains gladiateurs (…) en effet, le capital qu’ils représentent conduit les lanistes à les entourer de soins attentifs … surtout, les gladiateurs peuvent être soignés par des médecins de renom lorsqu’ils se blessent à l’entraînement ou, plus gravement, lors des combats … le gladiateur étant sous l’Empire un capital parfois important, il était vital de ne pas perdre le fruit de lourds investissements pour une blessure à l’entraînement ou mal soignée après un combat…
Concernant les gladiateurs, nous vous suggérons de compléter ces premières recherches en parcourant les ouvrages suivants :
Histoire des gladiateurs / Anne Bernet , 2014 : " D'abord liés à des rites religieux, les combats de gladiateurs deviennent vite de simples divertissements, sanglants et onéreux, offerts au peuple par les princes ou les riches mécènes. Ce n'est qu'au Ve siècle que l'empereur Honorius, sous la pression de l'Eglise, en fait interdire la représentation. Une histoire du quotidien de ces hommes ou femmes, victimes condamnées ou volontaires".
La gladiature en Occident : des origines à la mort de Domitien / Georges Ville, 1ère édition 1981, puis 2014 :" L'histoire de la gladiature, depuis son apparition autour du IVe siècle av. J.-C. L'auteur examine la condition des gladiateurs, l'économie des spectacles et leur déroulement. Il analyse les raisons qui ont rendu possible ce phénomène et celles qui l'ont fait disparaître".
Devenir gladiateur : la vie quotidienne à l'école de la mort / François Gilbert, 2013 : "L'auteur retrace les conditions de recrutement et d'entraînement des gladiateurs à Rome, ainsi que leur vie quotidienne dans les ludi avant qu'ils ne soient proposés aux organisateurs de spectacles"
Vous pourriez aussi être intéressée par deux réponses du Gucihet du Savoir sur :
Théâtre romain
gladiateurs végétariens
Pour revenir sur la plastique des loisirs, l'ouvrage L'Empire des loisirs : l'otium des Romains (2011) devrait répondre à un certain nombre de vos interrogations sur les loisirs. Il mentionne ainsi la pratique de la promenade (p. 2) :
L’otium occupe la place détenue jadis par la libertas oplitique et devient le nouvel idéal de vie. Il offre même l’occasion d’une redéfinition de la libertas au sens, plus philosophique, de prise de distance avec les affaires publiques. Il s’agit alors d’un otium culturel, réservé à une classe privilégiée, et qui façonne un nouveau visage à l’humanitas héritée de la république. Cette « retraite » se traduit le plus souvent par le retour à la campagne, dans de somptueuses villas nichées dans un écrin de nature, au sein desquelles l’aménagement symbolique de jardins et de parcs signifie la maîtrise sur le monde …. En ville pour ces dépossédés de la citoyenneté, la prodigalité impériale organise un otium compensateur qui s'adresse à tous comme une sorte de service public. Chacun trouve aux thermes le luxe que bien peu possèdent. Chacun peut s’adonner, à l’ombre des portiques ou dans les basiliques, sur les fora ou sous les arbres des jardins, aux plaisirs appréciés de la promenade et de la conversation …
En complément, nous vous invitons à lire :
Les loisirs des romains / textes latins et traductions,documents commentés par Suzanne Barthélemy, Danielle Gourevitch ; pref.de Jean Beaujeu, 1975.
Rome et la littérature / Pierre Grimal, à paraître le 29 mars 2023 :" Panorama sur la littérature romaine qui permet de suivre l'histoire de la Rome républicaine puis impériale, de saisir les valeurs qui ont guidé les conquêtes territoriales de Rome et de ressusciter cette civilisation et ses principales figures. Les spécificités du théâtre antique ainsi que les oeuvres de Sénèque et de Cicéron sont particulièrement examinées".