Un ancien cahier des charges est-il encore valable après un changement de destination d'une habitation ?
Question d'origine :
Bonjour
Un cahier des charges de 2010 stipulant "maisons à usage d'habitation" est il toujours valable concernant un changement de destination d'une habitation en local professionnel avec changement de destination du bien (bail pro activité bruyante) En vous remerciant cdlt MC
Alinéa 3 de l'article L442-9 du code de l'urbanisme m'interpelle .."les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement,"
Réponse du Guichet

Les lotissements créés depuis 1977 sont facultativement régis par un règlement et/ou un cahier des charges. Le cahier des charges des lotissements est un document de nature contractuelle et d’ordre privé. Il définit les droits et les obligations de chacun des colotis.
Le règlement est un document qui émane de l’aménageur et qui n’a pas vocation à régir les relations entre propriétaires, mais plutôt à compléter les règles d’urbanisme déjà en vigueur sur une commune. Il doit être compatible avec celles-ci et être approuvé par l'autorité administrative. Il contient des règles de droit public d’urbanisme.
Ces documents ont-il une valeur contraignante sans limitation de durée ?
Les lotissements sont régis par des documents suivant la date de leur construction. Ainsi le législateur a indiqué que « le règlement, le cahier des charges […] sont caducs au bout de 10 ans à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu sauf opposition expresse des co-lotis» (Code de l'urbanisme : L.315-2). L’objectif du législateur est de ne pas pérenniser des "règles d'urbanisme d'origine privée", d’ouvrir les droits à construire et de lutter contre le mitage des terrains.
Mais l’Agence nationale pour l'Information sur le Logement précise: «La Cour de cassation considère, cependant, que les dispositions de l'article L.315-2-1 ne remettent pas en cause les dispositions d'un cahier des charges et que ce document, quelle que soit sa date, approuvé ou non, revêtant un caractère contractuel, ses clauses engagent les co-lotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues sans limitation dans le temps (Cass. Civ. III : 12.2.97).
Or, nombre de documents dénommés cahiers des charges comportent des normes d'urbanisme ou, situation plus délicate, " contractualisent " le contenu du règlement ou du document d'urbanisme en vigueur à l'époque. De fait, les règles d'urbanisme propres au lotissement qui ont été " contractualisées " continuent de régir les rapports de droit privé des co-lotis après l'expiration du délai de 10 ans. Les colotis peuvent alors invoquer le non respect du contrat devant le juge judiciaire et ceci sans avoir à faire état d'un préjudice. Les conséquences sont lourdes puisque de nombreuses condamnations à démolition sont intervenues ces dernières années sur le fondement d'anciens cahiers des charges jusque-là oubliés de tous.
Afin de limiter l'insécurité juridique créée par cette jurisprudence, la loi SRU du 13 décembre 2000 a introduit au Code de l'urbanisme un nouvel article L.111-5 qui dispose que " la seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel ". Cet article, s'il n'empêche pas la contractualisation volontaire des règlements dès lors que le rédacteur du cahier des charges ou d'un acte de vente l'aura expressément prévu, permet en revanche d'éviter la contractualisation fortuite des règles d'urbanisme… mais seulement pour les lotissements créés depuis 1977. C'est ce que nous apprend de manière implicite l'arrêt du 7 décembre 2005.»
Concernant le changement de destination d'une habitation en local professionnel, cela dépendra de ce qui est précisé dans le cahier des charges. Si le cahier des charges stipule que les constructions sont destinées à un usage exclusivement d'habitation, alors un changement de destination pourrait être contraire à ces dispositions.
L’application de l’article L442-9 du code de l’urbanisme pose en effet question. Il précise que les dispositions du cahier des charges du lotissement régissent les rapports entre colotis. Cela signifie que si le changement de destination n'affecte pas les droits et obligations des autres propriétaires dans le lotissement, il pourrait être autorisé.Ces clauses sont maintenues même si les documents deviennent caducs du fait de la loi. En effet, les colotis se sont engagés entre eux par un contrat. Cet engagement ne peut pas être remis en cause.
Cependant, on constate que «les lotisseurs imbriquent souvent le règlement et le cahier des charges, ce qui tend souvent à complexifier la situation. La pratique a eu tendance à intégrer dans le cahier des charges des règles d’urbanisme afin de tenter d’obtenir la préservation de l’application des mesures au-delà de 10 ans. Le règlement devenant alors caduc une fois ce délai dépassé, les lotisseurs ont donc tenté de reproduire tout ou partie du règlement de lotissement dans le cahier des charges afin que les dispositions continuent de s’appliquer au-delà. La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler le principe selon lequel un cahier des charges « constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis pour toutes les stipulations qui y sont contenues. La loi Alur a imposé la suppression, d’ici le 26 mars 2019, de toutes les clauses non réglementaires des cahiers de charges lorsqu’elles ont pour objet de limiter le droit à construire. La difficulté est d’identifier et de qualifier les clauses règlementaires. Sur ce point, la Cour d’appel d’Aix en Provence a dans un arrêt de mai 2016 a pris acte des modifications apportées par la loi ALUR, entrainant par là même la caducité de l’ensemble des règles d’urbanismes des documents de lotissement. Elle a estimé cependant que des servitudes du cahier des charges ayant trait à des zones non aedificandi et non altius tollendi, ne sont pas des règles d’urbanisme susceptibles d’être frappées de caducité.» (Source: Portée du cahier des charges de lotissement)
Dans tous les cas, il est recommandé de se référer au cahier des charges du lotissement et de consulter les autorités compétentes en matière d'urbanisme –votre mairie- pour obtenir des informations spécifiques et des conseils sur ce sujet.
Autres sources :
Le cahier des charges du lotissement, Le Moniteur; 20/12/2019