Je cherche des informations sur le tramway traversant le ghetto de Varsovie
Question d'origine :
Bonjour,
Je recherche des informations sur le tramway réservé aux Polonais qui traversait le ghetto de Varsovie pendant la Seconde Guerre mondiale. Existait-il des arrêts dans le ghetto ou le tramway reliait-il directement les quartiers non juifs de la ville? En cas d'arrêt, sous quelles conditions s'effectuaient la descente et/ou la montée (personnel autorisé, Allemands, ouvriers, médecins...?) Je vous remercie d'avance pour votre aide. Cordialement,
Réponse du Guichet
Peu d'informations détaillées existent sur l'histoire et le fonctionnement du tramway du ghetto de Varsovie.
Bonjour,
Il existe peu de renseignements sur le tramway desservant le ghetto juif de Varsovie. Les informations que nous avons pu trouver sont donc relativement lapidaires. Nous vous les livrons néanmoins.
Une ligne de tramway desservait bien différents arrêts au sein du ghetto de Varsovie. Son itinéraire a été modifié au fur et à mesure du rétrécissement du contour du ghetto par les allemands. La ligne rouge et or dont les wagons étaient surmontés d'une étoile de David a été lancée le 21 février 1941, à la suite de la connexion des lignes 15 et 28, sur la route de Plac Muranowskià la fin à l'intersection de ul.Chłodna et ul.Fer.
La ligne sera arrêtée en août 1942, dans le cadre de la liquidation du ghetto. Son panneau indiquait Muranów-Leszno; Muranów du nom de l’ancien quartier juif devenu ghetto; de la rue Leszno qui séparait pour partie le petit et le grand ghetto.
Pour répondre à vos questions, il semble effectivement que des arrêts précis desservaient le ghetto et qu'au final ce tramway spécifique ne permettait pas d'avoir de contacts avec l'extérieur. Les allers et venues entre le ghetto et le reste de la ville se sont petit à petit réduits, et ont été au final interdits. Quelques personnes continuaient à travailler avec les Juifs du ghetto, mais nous ne savons pas ce qu'il était de leur utilisation du tramway en place. Nous pouvons penser à quelques personnages comme Irena Sendler qui réussi à faire sortir 2500 enfants juifs du ghetto.
Voici quelques informations de contexte que l'on trouve dans l'ouvrage de Bruno Halioua Les 948 jours du ghetto de Varsovie:
"Dès novembre 1939, l’ordre est donné de disposer des panneaux à l’entrée des rues d’une partie de la vieille ville avec l’inscription suivante: Attention, danger épidémie, entrée interdite». Le quartier juif est désormais une zone d’épidémie, dont l’entrée est prohibée aux soldats allemands. En revanche, les Polonais et les Volksdeutsche (littéralement « Allemand par le peuple » sont des populations vivant hors des États à population majoritairement allemande et dont elles n'ont pas la nationalité, mais qui se définissent (ou sont définies) ethniquement ou culturellement comme allemandes.) sont autorisés à y accéder. A cette époque, les juifs ont toujours le droit de résider et travailler en dehors de cette zone. C’est en 1940 que sous couvert d’une épidémie de typhus, un mur est érigé pour limiter la propagation du virus et regrouper la population juive, accusée de propager la chose.
Au début, 53000 juifs possèdent des laissez-passer spéciaux donnant l’autorisation de franchir l’enceinte du ghetto. C’est le cas des médecins de l’hôpital juif, situé hors les murs. Mais après la protestation du chef des services de santé de la ville, le nombre de laissez-passer est réduit.
Les contrebandiers utilisent de multiples stratagèmes pour assurer le trafic de nourriture. Au début, une grande partie de l’activité se fait au moyen des tramways aryens qui traversent le ghetto sans s’arrêter. Grâce à la complicité du conducteur qui ralentit la vitesse du véhicule et du policier de service qui ferme les yeux moyennant un pot-de-vin, les contrebandiers profitent de ce moment pour faire passer à leurs complices du ghetto des sacs de blé ou de farine.
Le ghetto est composé de 2 parties dites «petit» et «grand» ghetto. Elles sont séparées par la rue Chlodna, une importante voie de circulation d’automobiles et de trams situés en zone aryenne. Les juifs qui veulent passer d’un ghetto à l’autre doivent patienter jusqu’à ce que les policiers allemands arrêtent la circulation pour qu’ils puissent la traverser. Une passerelle en bois surplombant le rue Chlodna est construite en janvier 1942 afin de relier les deux parties du quartier."
Dans Journal du ghetto de Varsovie, Hillel Seidman in Le Monde Juif 1994/1 (N° 150), nous apprenons:
Mardi 4 août 1942
Aujourd’hui, une sensation : le commando d’extermination de la Gestapo a abattu ce jour Messieurs Moritz Kohn et Heller. C’étaient deux jeunes gens de Lodz qui ont fondé dans le ghetto l’entreprise commerciale “Kohn und Heller”. Cette firme entretenait de bons rapports avec les Allemands. On jasait pas mal en ville à cet égard… Ils ont également amené à Varsovie des Juifs de Lodz (au moment où la situation dans le ghetto de Lodz était incomparablement pire). Ils ont obtenu une concession pour mettre en service un tramway à traction chevaline dans le ghetto, l’unique moyen de communication existant et ont obtenu d’autres concessions encore. Ils bénéficiaient, comme on le disait, de “contacts”, de “protection”. Ils ont été les premiers avoir connaissance des déportations imminentes.
Pendant la déportation elle-même, diverses personnes – des amis, des connaissances – se sont tournées vers eux pour trouver aide, protection, refuge. Et effectivement, au début, ils ont aidé un peu, ils ont sauvé des individus.
Et justement aujourd’hui, lorsque le commando d’extermination a fait son apparition au siège de la police juive dans la rue Krochmalna, tous deux ont été abattus par Wende
Il s’agit peut-être de Gerhard Mende, Untersturmführer, l’un…, le commandant de la section juive de la Gestapo.
Leur crime (car il y avait également une “motivation”) : avoir saboté “la loi” relative à l’“Aussiedung” (car les persécutions des Juifs sont notamment coulées en forme de “loi”…).A nouveau, le ghetto est saisi par la frayeur : si “eux” n’ont pas réussi à sauver leur propre vie, qui donc parviendra à résister ?
L'historien Emmanuel Ringelblum dans sa Chronique du ghetto de Varsovie parle souvent du tramway et des anecdotes bien souvent tragiques, ayant eu lieu dans celui-ci.
« A Lodz, les juifs n’ont pas le droit de monter dans les tramways. A Cracovie, ils ne peuvent monter que sur la plate-forme arrière. Le tramway est également régulièrement arrêté par les allemands et ses passagers raflés pour être emprisonnés puis déportés. »
Ce site polonais donne quelques informations sur le tramway du ghetto et son histoire. N’hésitez pas à traduire la page en français, si elle s’affiche en version originale.
De la même façon, cet autre site en polonais fait une chronologie des modifications de la ligne, de son itinéraire …
Enfin, cet article d'avril dernier évoque la restauration d'un wagon datant de l'époque de la Seconde Guerre Mondiale, qui sera exposé au sein du futur musée du ghetto de Varsovie.
Pour aller plus loin, vous pouvez retrouver à la bibliothèque les documents dans nos collections traitant du ghetto de Varsovie.