Le diagnostique « Haut Potentiel » (HP) est-il fondé scientifiquement ?
Question d'origine :
Le diagnostique « Haut Potentiel » (HP) est-il fondé scientifiquement ? Ou est-ce une nouvelle mode, scientifiquement douteuse mais certainement médicalement lucrative ?
Réponse du Guichet
Bien que l'un des indicateurs communément retenus pour qualifier une personne à haut potentiel soit un score d'au moins 130 au test de QI sur l'échelle de Wechsler (le Q.I. moyen se situant autour de 100), il n'existe pas de consensus sur sa définition. Les tests de QI sont des outils pertinents mais insuffisants. Une analyse globale des capacités d'une personne à resituer dans un contexte particulier est à mettre en œuvre pour rendre un diagnostic de HP.
L'effet de mode qui rend ces tests très onéreux si populaires, attire charlatans et psychologues complaisants, alimentant ainsi un business très lucratif. La question d'un potentiel surdiagnostic se pose alors.
Bonjour,
Nous vous proposons la lecture d'un article de l'INSERM qui fait le point sur la question :
Médias, livres et plus récemment séries ont contribué à populariser la notion de « haut potentiel intellectuel » – ou HPI – auprès du grand public. Ce phénomène s’est accompagné d’un certain nombre d’idées reçues, notamment celle que les enfants HPI sont en grande majorité en décrochage scolaire ou en souffrance psychologique ou bien encore qu’ils ont souvent un profil type d’intellectuel au détriment d’un corps peu habile qui expliquerait leur maladresse. Dans ce contexte, le nombre d’offres en ligne promettant à des parents parfois démunis de diagnostiquer leurs enfants, en leur faisant passer un test de QI, a explosé.
Mais quels sont les fondements scientifiques de cette pratique ? Comment définit-on concrètement le concept de « haut potentiel » ? Et quelles sont les priorités pour les chercheurs qui travaillent dans ce domaine ?
Le concept de haut potentiel intellectuel a évolué au cours des 20 dernières années et fait l’objet de débats entre spécialistes. Néanmoins, la définition de l’OMS, généralement retenue dans la littérature scientifique, précise que le HPI correspond à un quotient intellectuel (QI) d’au moins 130. Cela représenterait un peu plus de 2 % de la population, soit en France plus de 200 000 enfants.
Si on s’appuie sur la définition de l’OMS donc, il suffirait d’obtenir un score de 130 ou plus à ce test pour être désigné HPI. Cependant, plusieurs questions se posent notamment en ce qui concerne le coût du test de QI et la qualité des évaluations complémentaires proposées aux familles : en l’absence d’une analyse rigoureuse par un psychologue ou neuropsychologue clinicien spécialiste du sujet, un score donné par un test effectué en ligne ou par un expert peu scrupuleux n’a pas une grande valeur.
En effet, des travaux attestent désormais de l’importance d’évaluer les enfants dans leur globalité, non pas uniquement avec des tests de QI mais aussi avec des évaluations pluridimensionnelles normées (prenant en compte des aspects du développement neuropsychomoteur, et notamment l’attention, le langage, le développement psychoaffectif…).
Enfin, si toutes ces évaluations constituent des outils précieux, les résultats sont toujours à replacer et à analyser dans le contexte environnemental dans lequel un enfant évolue (environnement familial, socioculturel et scolaire), ainsi qu’en fonction de son histoire singulière. Ainsi, c’est lorsque que l’enfant qui présente un développement verbal mature, commence à poser des problèmes de comportement à la maison ou à l’école (et dès la maternelle), avec ou sans retentissement sur les notes scolaires, qu’il peut être intéressant de commencer à l’évaluer afin de comprendre s’il existe des raisons expliquant son comportement. Trop souvent, l’enfant est évalué tardivement au niveau du collège parce qu’à ce moment-là, tout se complique au quotidien, en l’occurrence au niveau de l’exigence scolaire. À l’inverse, tous les comportements turbulents ne doivent pas être systématiquement associés à un profil HPI et peuvent résulter d’autres causes.
Aucun test ne peut vraiment refléter la mesure de l’intelligence, notion trop complexe à définir.
Sur le plan psychologique, et hors pathologies, se posent d’abord des questions de définition et d’évaluation. La mise en place des tests de QI, leurs raffinements progressifs au cours du temps donnent l’impression que la définition du HPI est claire. Or, cette définition sur la base de tests cognitifs est questionnée par les psychologues théoriciens qui travaillent sur les modèles d’intelligence qui sous-tendent les tests eux-mêmes. Dès lors, malgré un consensus pratique actuel sur les modes de calculs du QI, de nombreux neuropsychologues se posent la question de leur adéquation aux modèles actuels d’intelligence. L’approche cognitiviste, qui met l’emphase sur les processus intellectuels, est également fortement questionnée par les psychologues cliniciens qui, dans leurs consultations, ont des difficultés à réduire leurs patients à la valeur finale d’un test cognitif et à ne pas les voir dans l’ensemble de leurs difficultés ou de leurs réussites. Car les tests utilisés pour définir le HPI ne prennent pas en compte ce qui ne relève pas des processus cognitifs : l’intuition, l’empathie, la sensibilité, pour ne citer que ces composantes de l’adaptation humaine à son milieu au sens le plus large.
Sur le plan médical (psychiatrique en particulier), grande est la tentation de transformer les sujets HPI en patients, certes surdoués, mais parfois proches de l’autisme de haut niveau (ex-syndrome d’Asperger), dans la mesure où leur adaptation sociale est souvent difficile. L’hyperactivité intellectuelle des sujets HPI fait soupçonner un Trouble de l’Attention avec Hyperactivité (TDA/H) ; leurs moments de déprime, quand ils n’arrivent pas à être compris de leur environnement, les fait souvent classer abusivement comme atteints de bipolarité. Notons d’ailleurs que dans le langage courant, on parle bien de « diagnostic » de haut potentiel, comme s’il s’agissait d’une pathologie bien définie, comme s’il s’agissait de soigner une différence, un don ou une potentialité. À l’heure où l’on craint la stigmatisation de n’importe quel patient atteint de pathologie psychiatrique, la notion de « diagnostic » de haut potentiel semble bien incongrue ou bien significative d’un certain malaise. Pire encore, on parle tout aussi légèrement de comorbidités, supposant ainsi que, comme dans les pathologies psychiatriques, une pathologie associée est détectée dans cette terrifiante pathologie qu’est le haut potentiel intellectuel !
Sur le plan sociétal, la problématique du sujet HPI soulève de nombreuses questions concernant le choix des stratégies qui concernent au premier chef l’Éducation Nationale, mais, plus tardivement, l’intégration sociale des sujets présentant cette particularité.
source : VION-DURY Jean, MOUGIN Gaëlle, CHAMOUILLI Déborah, « Le Haut Potentiel Intellectuel chez l’adulte : état des lieux en psychologie et problèmes épistémologiques associés », PSN, 2022/3 (Volume 20), p. 85-114.
L'IRM permet d'identifier une des composantes du haut potentiel : la créativité. Voir cet article : Question de la semaine : peut-on prouver scientifiquement qu'une personne est surdouée ? / Héloïse Chapuis - Sciences et avenir - 13.03.2020
Pour aller plus loin, nous vous proposons une sélection d'articles et de livres sur ce sujet :
Quelques articles :
- Théories de l’intelligence : concepts et évaluations du haut potentiel / Pereira Da Costa
- ANAE N° 154 – LE HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL – MISE AU POINT
- Les multiples facettes de notre intelligence : Le QI, mesure pertinente mais incomplète / Gautier Cariou - La Recherche, no. 545 - Dossier, vendredi 1 mars 2019 (à consulter dans son intégralité via notre base Europresse)
- Diagnostics HPI: haute arnaque potentielle / Balla Fofana - Libération - 10/05/2022
- Hyperactifs, surdoués, autistes… La tentation du surdiagnostic / Marie-Catherine Mérat - Science et vie - 22/01/2022
Quelques livres sur le sujet à la Bibliothèque municipale de Lyon :
- Psychologie du haut potentiel / sous la direction de Nathalie Clobert et Nicolas Gauvrit
- Les adultes surdoués / Gabriel Wahl
- Trop intelligent pour être heureux ? l'adulte surdoué / Jeanne Siaud-Facchin
- Aider les enfants à haut potentiel en difficulté : repérer, comprendre, évaluer et prendre en charge / sous la direction de Sylvie Tordjman
Pour plus d'information, vous pouvez contacter le CNAHP (Centre national d'aide aux enfants et adolescent à haut potentiel).
Bonne journée.