Pourquoi trouvions nous une "rue du trou du cul" sur un ancien plan de la ville de Reims ?
Question d'origine :
Sur un ancien plan de la ville de Reims, il existe la rue du troue du cul ! Que signifie le nom de cette rue située actuellement près de la place du Forum ?
Réponse du Guichet
En effet les anciens plans de la ville de Reims du XVII et XVIIIème siècles auraient indiqué jusqu'en 1722 une rue du trou-du-cul, ancienne voie du centre historique, aujourd'hui intégrée à la rue Courmeaux. Son nom viendrait d'une pierre placée à son extrémité qui aurait servi de borne à l’Église en indiquant les délimitations d'une paroisse. Sa surface, percée au milieu, fit travailler les imaginations.
Bonjour,
Nous ne résistons pas à l'envie de vous partager cet extrait au complet de l'ouvrage "Reims, essai historique sur ses rues et ses monuments" de Prosper Tarbé (1844, numérisé en intégralité sur Google Books), qui est consacré à l'histoire de la vieille rue du trou-du-cul, ancienne rue de Berry, aujourd'hui débaptisée et intégrée à l'actuelle rue Courmeaux. L'auteur, avec toutes les pudeurs de l'époque, raconte l'histoire d'une pierre jadis positionnée à l'angle de la rue et dotée de caractéristiques singulières. Cette pierre remplissait un office religieux et se situait à deux pas de la cathédrale, symbole de la monarchie française. Tout un spectacle :
La seconde portion de la rue de Monsieur se nommait rue de Berry depuis 1722. Il parait que c'est là que descendit, au sacre de Louis XV, Marie Louise-Elisabeth d'Orléans, veuve de Charles de France, duc de Berry, petit-fils de Louis XIV. Cette princesse , fille du régent, célèbre par son inconduite et ses imprudences, méritait peu l'honneur que lui fit la ville en gardant son nom. Sans doute on voulut faire chose agréable au père. La rue de Berry dut porter ombrage à la pudeur révolutionnaire , et elle devint celle de la Piété Filiale.
Cette respectable rue porta , jusqu'en 1722 , un titre des plus singuliers , écrit en toutes lettres sur le plan de 1665, fait qui n'empêcha pas les sages conseillers de la ville d'agréer la dédicace que le graveur Collin leur fit de son œuvre. La tradition rapporte qu'à l'un des angles de la rue était une borne ronde, percée au milieu comme les meules de moulin. Les pierres de ce genre étaient jadis communes dans Reims ; on les nommait bondes. Elles servaient à marquer les limites des bans et des paroisses. Celle dont s'agit frappa la grossière imagination de nos pères. Elle devint à leurs yeux le signe caractéristique, le monument important de la rue, et ils lui imposèrent le nom fatal que l'historien est obligé de répéter d'âge en âge par dévoûment à la cause de la vérité . Vainement on lui a substitué celui d'une princesse de sang royal, celui d'une vertu qui fait le bonheur des familles et la sûreté de l'état, il passera non pas de bouche en bouche, mais au moins de génération en génération à la postérité la plus reculée .
Ceci posé, mon cher lecteur , croyez-moi , tenez-vous-en là , n'achevez pas ce paragraphe, pour peu que vos yeux aient de chastes et de délicats scrupules. Mais si vous êtes de ces gens qui ne veulent rien deviner, qui exigent impérieusement qu'on leur dise tout , lisez et apprenez que la rue de Berry n'était autre que celle du Trou-du-Cul . Nous ne savons si Son Altesse Madame la duchesse de Berry dut être excessivement flattée de la succession que la galanterie municipale faisait ouvrir au profit de son nom.
Source : Reims, essai historique sur ses rues et ses monuments -Prosper Tarbé (p. 156)
Bonne journée,