Question d'origine :
Pour l'homo sapiens sapiens, on parle toujours d'ancêtre africain à peau forcément mélanisée, yeux bruns, etc. Partant de l'équateur et remontant à pied vers le nord, la couleur de peau s'éclaicit insensiblement et avec régularité, jusqu'aux latitudes boréales au teint porcelaine, cheveux blond-blanc, yeux délavés. Tout cela semble fortement lié à l'ensoleillement des zones progressivement habitées.
Nos ancêtres étant communs, que sait-on des durées pour de telles métamorphoses-mutations ? En Europe, la taille des individus à largement augmenté depuis 1900. La modification osseuse n'a donc pas tardé. Alors, sait-on COMBIEN DE TEMPS cela prendrait pour qu'un groupe homogène perde une caractéristique initiale (peau sombre) et en développe une nouvelle (peau claire) ? Peut-on faire des prévisions sur les changements morphologiques auxquels les populations afroaméricaines sont exposés ? En clair, combien de siècles sont-ils nécessaires à "éclaicir" ou à "assombrir" une peau (notamment
) ? Merci de me répondre : polopop66@yahoo.fr

Réponse du Guichet

Avant de vous répondre sur le blanchiment de la peau, il convient de s'intéresser à la variabilité des gènes :
En génétique,
En 1962, Emile Zuckerkandl et Linus Pauling furent les premiers à observer ce phénomène dans la partie du génome codant l'hémoglobine entre deux espèces données. L'observation d'une telle constance du taux d'évolution le long de la phylogénie du monde vivant fut surprenante, compte tenu de la variation de plusieurs facteurs pouvant entrer en ligne de compte, tels que la variation du temps de génération ou variation de la pression de sélection.
La réconciliation de l'hypothèse de l'horloge moléculaire et de la théorie Darwinienne fut amorcée vers la fin des années 1960 par les travaux de Motoo Kimura, Allan Wilson et Vincent Sarich, et de l'élaboration de la théorie neutraliste de l'évolution. Celle-ci prétend que la vaste majorité des mutations génétiques accumulées sont neutres, c'est-à-dire qu'elles ne confèrent pas à l'individu subissant la mutation un avantage sélectif marqué.
L'horloge moléculaire permit à de nombreux chercheurs de dater des événements de spéciations à l'aide de méthodes phylogénétiques de plus en plus développées. Toutefois,
source : Wikipédia
Cela ne signifie pas que le fibrinopeptide subisse plus de mutations que l'histone H4, mais que la proportion des mutations qui sont neutres est très différente entre ces deux protéines : l'histone H4 a pratiquement la même séquence chez tous les eucaryotes, de l'homme au petit pois.
source : Précis de génétique des populations : cours, exercices et problèmes résolus
Au regard des rudiments sur la vitesse de l'évolution des gènes, intéressons-nous maintenant plus spécifiquement à l'épiderme.
Nous avions répondu par le passé à un certain nombre de questions traitant de la pigmentation de l'épiderme.
Comme la couleur des yeux, des cheveux et de la peau sont généralement liées, la pigmentation de tous les tissus pourrait être régie par un groupe de gènes polyphéniques alors que d’autres gènes influenceraient la pigmentation de chaque tissu séparément : par exemple la clarté de la peau de la race blanche serait due à la présence de gènes dominants inhibant l’action de la synthèse de la mélanine.
La présence de mélanine comme pigment responsable de la couleur des cheveux et de la peau semble confirmer cette hypothèse. Bien que la couleur de la peau soit encore déterminée par la présence de carotène dans la graisse sous-cutanée, par la concentration et le taux d’oxygénation de l’hémoglobine et par la présence dans le sang d’autre pigments, notamment d’origine biliaire, c’est la mélanine qui est responsable des différences de couleur des diverses parties du corps, des individus d’une même race et des différentes races. Comme le nombre de mélanocytes est grossièrement constant chez tous les individus quelle que soit leur race, la couleur dépend de la quantité de mélanine et non du nombre de mélanocytes.
Les causes de l’échec de la génétique classique dans l’explication de l’hérédité de la couleur des yeux, des cheveux et de la peau chez l’homme sont nombreuses : il est impossible d’étudier ces caractères sur des animaux de laboratoires puisqu’ils sont propres à l’homme, la vie humaine est longue et la maturité sexuelle est acquise tardivement, le taux de reproduction est faible, le patrimoine génétique humain avec 50 000 gènes est très grand, il est impossible d’obtenir des lignées pures et il est difficile de déterminer la part de l’influence du milieu et la part de l’influence génétique dans les caractères observés.
Plusieurs raisons expliquent cette impasse. La synthèse des mélanines est conditionnée par les enzymes tyrosinases dont il existe plusieurs sortes. Chacune de ces enzymes est codée par une séquence d’ADN particulière. Comme les loci de ces différentes enzymes ont toutes les chances d’être disséminés sur le génome humain et non à la suite les uns des autres, la probabilité de la présence d’un gène polymorphe est très grande. La synthèse des mélanines est aussi influencée par une hormone d’origine hypophysaire la MSH (Melanocyte Stimulant Hormon) et par la lumière du soleil.
D’autre part des inhibiteurs de l’activité des enzymes tyrosinases ont été découvert et l’un deux a été isolé: la g-glutamylcystéinylglycine (GSH). La production de mélanine est donc encore conditionnée par la présence d’inhibiteurs dont l’activité est mal connue, et dont la fabrication dépend aussi d’une séquence d’ADN particulière.
Didier Meuwly, Docteur en médecine légale, responsable du département chimie de l'Institut de Médecine Légale des Pays Bas, et auteur de l'article dont sont extraits les passages précités, Génétique de la couleur des yeux et des cheveux : connaissances actuelles quant aux gènes responsables ?, conclut en ces termes :
Le nombre d’hypothèses non confirmées rend la conclusion difficile. Cependant, grâce à la complémentarité de la génétique classique et de la biologie moléculaire plusieurs informations peuvent tout de même être retenues : la couleur des yeux, de la peau et des cheveux sont des caractères qui varient au cours de la vie. Ils dépendent grandement de la mélanine dont la synthèse est déterminée par plusieurs gènes, peut-être polymorphes. Cette synthèse est favorisée par l’hormone MSH et la lumière du soleil et freinée par des inhibiteurs.
Il est donc difficile de quantifier l’influence de chaque facteur, car certains sont impossible à maîtriser, d’autres nous sont peut être encore inconnus. De ce fait il est aussi difficile à quantifier la variation potentielle de ces caractères chez un individu.
De grandes découvertes sont encore à attendre de la biologie moléculaire bien qu'il s’avère peu vraisemblable que la détermination de la couleur des yeux, des cheveux et de la peau puisse un jour se résumer en un test simple; de plus celui-ci n’apporterait qu’une information groupale.
Un espoir subsiste tout de même d’obtenir un jour des informations absolues sur un individu à partir d’une simple trace biologique: d’autres caractères morphologiques sont peut-être codés par des gènes simples. Cette supposition ne pourra cependant être vérifiée que lorsque le génome humain entier sera connu et cette connaissance ne sera pas acquise avant 30 à 40 ans.
source : blondeur et rousseur, génétique
source : Les taches de rousseur sont-elles l'apanage des roux ?, un article du Figaro.
Le résultat ci-dessous a été publié par B. Glass et C.C. Li en 1953 in "American Journal Human genetics". Jean-Louis Serre, l'auteur de l'ouvrage Génétique des populations : modèles de base et applications auquel vous vous reporterez pour avoir tous les détails du calcul, précise en page 34 que la lutte contre le racisme ne peut s'appuyer sur la biologie ou la génétique des populations que pour arracher le masque dont tentent de se parer les racistes ; pour le reste, la lutte contre le racisme est un idéal éducatif, culturel, idéologique et politique.
Revenons à l'étude de MM. Glass et Li :
Les Etats-Unis d'Amérique ne sont pas un melting-pot mais une agrégation de communautés, qui conservent, malgré une adhésion plus ou moins forte au drapeau et aux valeurs communes qui fondent la nation, une culture, une langue, une endogamie et par là même leurs gênes.
Le modèle de l'île [concernant la population noire, les Etats-Unis peuvent être considérés comme une île car la traite négrière a été arrêtée au cours du XIXème siècle, stoppant pour très longtemps la migration des personnes d'origine africaine sur le territoire étatsunien] s'applique à la population noire des Etats-Unis car, en raison de la discrimination raciale, qui existe non en droit mais en fait, tout enfant issu (volontairement ou non) d'un couple mixte est considéré comme appartenant à la communauté noire. De ce fait, le transfert de gènes ne peut s'effectuer que des Blancs vers les Noirs et jamais en sens inverse !
la conclusion du paragraphe 3.3 s'applique ici : le transfert unidirectionnel de gènes devrait aboutir, à terme, à la perte de spécificité génétique de la population noire. (...)
Evidement, on peut et on doit imaginer, qu'avec le temps, le comportement sociologique peut se modifier et qu'une fusion puisse se faire à travers une panmixie généralisée. Mais, à ce moment-là, une partie importante de l'apport africain aura été éliminé.
L'étude de MM. Glass et Li a été réalisée sur l'allèle R° du système rhésus, car très rare en Europe et très fréquent en Afrique (0,028 contre 0,63). La fréquence de cet allèle dans la population noire étant égale à 0,446 en 1953, les chercheurs ont montré que pour chaque génération, 3,6% des gènes de la population noire étaient remplacés par des gènes de la population blanche. On pouvait en déduire que le processus nécessiterai environ 20 générations pour être "complet".
source : Génétique des populations : modèles de base et applications

Pour en savoir plus :
- Perspective évolutive
- Retracer l'histoire évolutive article signé par François Rechenmann et paru dans La Recherche, n° 415 de janvier 2008
- Les Algorithmes Génétiques
- cellules de la peau, paumes blanches des personnes noires
- Noirs, couleur
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